Cap Horn, Magellanie, Araucanie, Patagonie, Ushuaïa, ces territoires des sud chilien et argentin ont le parfum de l’aventure. Chez Coloane, l’écriture sent le mâle, le mouton, le chien, les embruns, le sang. Cap Horn est un recueil d’une quinzaine de courtes nouvelles taillées à la serpe, mettant l’Homme dans sa fragilité face à la nature et aux éléments tous puissants en cette pointe sud du continent américain. Des histoires d’hommes, écrites à la pointe de l’Eskilstuna, le couteau de ces gauchos de la Tierra del Fuego et des pêcheurs de Punta Arenas bravant la furie du cap Horn et des côtes de Magellanie à bord de leur cotre.
Le monde décrit par Francisco Coloane est essentiellement masculin – peu de femmes, souvent présentes pour leur malheur – et animal – ces hommes vivent au milieu de moutons, chiens, oiseaux, phoques, chevaux. Chaque nouvelle narre un destin tragique. La plume de Coloane, admirablement traduite par François Gaudry, réveille le bovarysme du lecteur et le téléporte au coeur de ces plaines balayées par la fureur d’Éole comme dans l’oeil des tempêtes du Cap Horn. On épouse la vie de ces êtres durs-à-cuire, habités d’une violence qui rime avec celle des éléments, le temps d’une histoire.
L’humanité crue face à la nature nue, sans fard ni fioritures. Ces nouvelles interrogent notre humanité, quand remise à sa juste place au sein de l’écosystème, celle-ci se trouve confrontée à la cruauté des hommes comme à celle d’un environnement hostile. C’est dans ces conditions extrêmes que se révèle la valeur des hommes.
Philippe Rubempré
Francisco Coloane, Cap Horn, traduit de l’espagnol (Chili) par François Gaudry, Éditions Phébus, 1994, 182 pages, prix selon bouquiniste.