Introït
On n’écrit pas parce qu’on a quelque chose à dire mais parce qu’on a envie de dire quelque chose.
E.M. Cioran, Ébauches de vertige, 1979.
J’ai péché, péché dans le plaisir – Abnousse Shalmani
L’écrivain franco-iranienne Abnousse Shalmani croise les destins des poétesses Marie de Régnier et Forough Farrokhzad dans un roman célébrant à la fois la féminité, l’érotisme et la liberté. Bien que ce faisant, elle cédât à la mode des biographies romancées, Shalmani dépasse l’exercice en plongeant avec volupté son lecteur entre le Paris de la Belle Époque et l’Iran du Shah par l’entremise de la Tortue, poète iranien qui joue les entremetteurs entre Forough et Marie. Shalmani explore la liberté « quoi qu’il (leur) en coûte » de ces deux femmes admirables, leurs relations avec leurs amis – amants, plus ou moins réputés, voire sulfureux comme le grand amour de Marie de Régnier, l’érotomane génial Pierre Loüys.
Par-delà l’ode à la liberté, à la sensualité et à la poésie, Abnousse Shalmani nous invite à (re)découvrir les plumes de Forough Farrokhzad et Marie de Régnier, et à remettre au goût du jour des femmes libres, ce qui prend tout son sens dans notre sinistre époque où la liberté des femmes n’a jamais été autant menacée… et pas forcément par ceux qu’on croit.
Une saine lecture hautement recommandable.
Philippe Rubempré
Abnousse Shalmani, J’ai péché, péché dans le plaisir, Grasset, 2024, 193 p.
Les Ménagères d’Armas
Avec sa série érotique sur les ménagères (Ménagères en chaleur ; Le retour des ménagères ; À poêle les ménagères), Armas se joue des phantasmes de la MILF (mother I’d like to fuck), de la voisine, de la mature. Sous forme d’historiettes inventives et drôles, le dessinateur espagnol ne se refuse aucun libertinage, et explore les plaisirs de la route et de ces dames sans oublier les chemins vicinaux.
Il est question ici de sexe joyeux, débridé et sans prise de tête. Loin des porcs, des incels et autres mères maquerelles de la fausse pudibonderie néo-féministe, ces ménagères à la vie quotidienne des plus banales assument leurs désirs, les assouvissent avec plaisir, souvent à leur initiative et sans s’en excuser. D’aucuns qualifieront de pornographique cette série de bandes-dessinées en noir et blanc ; ce serait sans doute vrai si l’œuvre était vulgaire, ce qu’elle n’est pas. Eh oui, l’érotisme peut être hard sans être le moins du monde vulgaire ! Et c’est une bonne nouvelle.
Les trois tomes de la série des ménagères ont paru chez l’excellente maison parisienne La Musardine, qui a publié également deux volumes en numérique (que nous n’avons pas lus).
Une œuvre coquine et chaleureuse, à déguster seul(e) ou plus si affinités…
Philippe Rubempré
Armas, Ménagères en chaleur ; Le retour des ménagères ; À poil les ménagères, La Musardine, coll. Dynamite, respectivement 2006, 2008, 2009.
Ab hinc 388 – Vœux 2025
« La littérature est parfaitement inutile : sa seule utilité est qu’elle aide à vivre. » – Claude Roy
Chers lecteurs,
Plus que jamais en 2025 la littérature nous prolongera un peu et nous aidera à tenir et à relever les défis qui s’amoncellent. Je vous souhaite à chacune et chacun une très bonne année 2025, emplie de joie et sans thé, surtout meilleure que 2024.
Chaleureusement,
Ph. Rubempré.
Lecture décembre
- L’Affaire Léon Sadorski – Romain Slocombe
- Signé Olrik – Yves Sente & André Juillard
- Mon Siècle – Günter Grass
- Dirty comics – Anonyme
- Secret mortel – Philippe Randa
- Dirty comics #2 – Anonyme
- Encyclopédie en images Histoire Des Premières Civilisations à la Chute de Rome – Dr Anne Millard et Patricia Vanags, ill. Joseph McEwan
- Les Mauvais Fils. Correspondance choisie – Patrice Jean, Bruno Lafourcade
- Lola – Alex Varenne
- Robinsonne la Naufragée – Éric Maltaite
- Traité Néoréactionnaire. Penser l’accélérationnisme – NIMH
- Faire Légion. Pour un réveil des autochtones – Rodolphe Cart
- Le Plomb – Arnaud Bordes
- Le Serment des Barbares – Boualem Sansal
Sa Majesté des Mouches – Aimée de Jongh, d’après William Golding
Adaptation réussie du chef d’œuvre de William Golding par la dessinatrice néerlandaise Aimée de Jongh, qui traduit en roman graphique l’histoire de ces enfants échoués sur une île déserte et livrés à eux-mêmes. Abordant des thèmes d’une actualité toujours poignante (éducation, civilisation, ensauvagement, égoïsme, individualisme…), la version dessinée, globalement fidèle à l’originale, gagne en poésie ce qu’elle perd en cruauté et en puissance de frappe : qui a lu le roman de Golding, surtout à un âge jeune, comprendra…
Un très beau roman graphique, bien adapté, à offrir à vos jeunes et moins jeunes.
Aimée de Jongh, Sa Majesté des Mouches, d’après William Golding, trad. Nora Bouazzouni, Dargaud, 2024, 352 p.