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lundi avril 28th 2025

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La Source pérenne. Un parcours païen – Christopher Gérard

Évangile païen selon Christopher Gérard : voici ce qu’en substance j’écrirais si je voulais être taquin. Car La Source pérenne ne se prétend pas évangile, et n’est manifestement pas un prêche… même si, considérant l’étymologie grecque euagglion du terme évangile, qui signifie « bonne nouvelle », la question peut être reconsidérée à cette aune pas si incongrue.

La Source pérenne est un essai retraçant, comme l’indique son sous-titre, « un parcours païen », celui de son auteur, Christopher Gérard, romancier, essayiste et chroniqueur dont nous avons grandement apprécié Les Nobles Voyageurs (et d’autres ouvrages non-chroniqués dans ces pages1). Composé de 21 textes, l’essai épouse à la fois la poésie et l’érudition, la spiritualité et le dialogue. L’auteur nous offre sa vision du paganisme, tel qu’il le pratique. Nous redécouvrons ainsi la religion (au sens latin de religere : ce qui relie) ancestrale des Indo-européens sous un jour nouveau, à cent lieues de tous les clichés hérités du christianisme ou des pratiques new age débarquées des États-Unis.

En effet, ici point de barbares nordiques sacrifiant des innocents sur le bûcher d’un solstice d’été ; pas plus de Krishna agitant sa clochette dans le métro au grand dam du pendulaire commun épuisé par une journée de travail insignifiant. Christopher Gérard révèle l’antique foi dans sa vérité et son actualité. Une foi dans des dieux qui sont présents au monde et qui l’animent. Une spiritualité immanente. Un temps cyclique, sans vaine promesse d’une vie meilleure fantasmée post-mortem. Le païen n’espère pas gagner quelque paradis au regard de son comportement, de son fanatisme ou de sa piété. Le paganisme baigne dans la réalité des choses, et non dans l’espérance généreuse d’une résurrection édénique. Dans Les Nobles Voyageurs, l’écrivain le soulignait : « Il n’y a pas d’idées généreuses, seulement des idées vraies – généralement peu séduisantes en raison même de leur rectitude – et des leurres qu’on agite pour enthousiasmer les masses. »

Le païen vit hic et nunc sur Terre, c’est-à-dire que sa vie est ici et maintenant, de sa naissance à son trépas. Plutôt que souffrir pour une hypothétique vie meilleure après la mort, le païen accepte la vie ; il l’embrasse, la célèbre et cherche à la rendre belle et bonne. C’est le kalos kagathos grec, qu’il poursuit en respectant et transmettant, semper fidelis, les mos majorum, les mœurs des anciens. Le païen européen se ressource chez Homère, Sénèque ou les pré-socratiques. Christopher Gérard y a d’ailleurs déjà consacré un roman initiatique, Le Songe d’Empédocle (L’Âge d’Homme, 2003).

Tout le mérite de La Source pérenne est de rendre aux Indo-européens leur spiritualité ancestrale, une spiritualité tolérante aux autres croyances et divinités (ainsi, les développements de l’auteur sur sa relation à l’Inde et sa Tradition), non-prosélyte. Cette spiritualité qui leur a donné la force des Grandes Découvertes, de la Terre à la Lune ; qui leur a permis d’orchestrer la marche du monde pendant tant de temps…

Le païen fidèle à l’esprit du parcours retracé par Christopher Gérard pourrait faire sienne cette devise homérique, magnifiquement synthétisée par Dominique Venner2 : la Nature comme socle ; l’Excellence comme but ; la Beauté comme horizon.

La Source pérenne est un bréviaire, un ouvrage de référence (il en est à sa troisième réédition) sur lequel le lecteur se doit de revenir pour en apprécier les subtilités. Nous sommes loin d’être exhaustif sur cet essai vivifiant indispensable à quiconque s’intéresse à la Tradition européenne.

Philippe Rubempré

1Ouvrages références dans notre chronique des Nobles Voyageurs (ici). J’ajoute que Maugis (roman paru aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2020) figure dans la pile d’ouvrage à lire sur mon bureau.

2Un Samouraï d’Occident. Le Bréviaire des insoumis, Éditions La Nouvelle Librairie.

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