Denis Tillinac ne manque pas de panache, son essai traitant du bonheur d’être réac en atteste s’il en est besoin. Sa définition de L’âme française n’en manque pas non plus : littéraire, aventureuse, désinvolte, galante, mettant l’honneur et l’amitié au-dessus de tout… Tillinac signe un nouvel essai enlevé, qui se lit comme un roman. Sa lecture nous laisse un sentiment de joie mêlée de fierté et d’enthousiasme ; elle nous pousse à aller de l’avant, non au service de je ne sais quelle idéologie (ou parti), plutôt une incitation à mieux se connaître pour mieux se dépasser. Invitation lancée au lecteur et à la France.
Désireux de « peindre une belle inconnue qui s’éveille d’une longue somnolence : la sensibilité de la droite française. Ses figures symboliques, ses paysages mentaux, ses lieux de pèlerinage, en somme sa raison d’être et son honneur« , Denis Tillinac rend justice à cette âme trop souvent réduite par la gauche politique, sociétale et médiatique à un ersatz de passéisme intolérant. Évidemment, la liberté de l’individu plutôt que l’embrigadement du collectif, l’aventure plutôt que la société du « care » (l’expression est de Martine Aubry, c’est dire si elle est riche de promesses joyeuses), la conscience de la nature humaine plutôt que l’illusion de la changer (qui a conduit au pire, de la Terreur au totalitarismes), le réel plutôt que l’idéologie, l’honneur plutôt que la moraline… on comprend la gêne d’une gauche tabula rasa, de ce fait incapable d’entendre, à défaut de comprendre, qu’on puisse penser différemment, que le Progrès comme religion universelle et sens unique de l’histoire puisse ne pas faire l’unanimité. La gauche ne doute pas, l’idée de la possibilité d’un cul-de-sac ne l’effleure pas, même quand elle se prend le réel dans la figure comme un poing dans le plexus. La soit-disant droite politique actuelle n’est pas en reste, toujours à la remorque d’une gauche qui a su intelligemment et avec succès (soyons beau joueur) mettre en application les idées d’Antonio Gramsci (avec mention très bien quant au langage). Tillinac l’explique et le démontre très bien : être de droite ne rime pas (nécessairement) avec voter à droite. Autrement dit, selon sa conception, des gens de droite peuvent voter à gauche, sans même savoir qu’ils sont de droite. Tillinac démontre aussi à merveille que la gauche « n’a pas le monopole du coeur » comme le dirait un ancien Président de la République classé au centre-droit, en réalité libéral-libertaire tendance pro-business et désaffiliation, donc pas de droite.
La droite est multiple, René Rémond l’a magistralement exposé (Les droites en France, Aubier-Montaigne, 1982 (1954)). Tillinac en montre la diversité par ses lieux de mémoire et de pèlerinage, de la crypte de Saint-Denis à Colombey en passant par Combourg. Magie des lieux, en quelque sorte… On est cependant d’autant plus touché qu’il s’attache aux héros littéraires (les Trois Mousquetaires, Cyrano…), réels (Mermoz, Guynemer…) ou cumulards (Chateaubriand). In fine se dégagent des « valeurs » telles que l’esprit chevaleresque, l’honneur, la liberté, la désinvolture, l’aventure, le panache, l’héritage ou l’altérité (que Tillinac baptise joliment « éternel féminin« ), qui dressent un portrait idéal, à la fois imaginaire et réel, de l’homme de droite tel qu’il peut se fantasmer et s’y reconnaitre…
Bien plus qu’un éloge de la droite, L’âme française est une déclaration d’amour à la France, à son essence, à sa littérature, ses lieux magiques et ses paysages sublimes, à son savoir-vivre et son esprit. Tout est bon en France, jusque dans nos contradictions de Gaulois bagarreurs et ripailleurs chers à Goscinny et Uderzo. L’âme française ne manque pas de panache ni de profondeur !
Philippe Rubempré
Denis Tillinac, L’âme française, Albin Michel, 2016, 246 p., 18,90€