Norilsk : réputée la ville la plus septentrionale et une des plus polluées au monde. Ville encore fermée (une autorisation du FSB russe est indispensable pour s’y rendre), qui doit son existence à un ancien goulag, le Norillag… Voilà où nous emmène Caryl Férey, l’un de nos meilleurs écrivains contemporains de polar, à l’initiative de son éditrice. Il en ressort ce récit de voyage, et un roman (Lëd, Les Arènes, 2021).
L’auteur du Petit éloge de l’excès (Gallimard, coll. Folio 2€, 2006) ne se renie pas dans ce récit aux allures épiques et à la drôlerie amère. Parti avec un acolyte romanesque en diable, photographe borgne et étourdi surnommé « la Bête », Caryl Férey retrace donc son périple de son origine à son retour en France. Riche de rencontres humaines, souvent fortement arrosées, il l’est aussi d’informations sur la Russie et les fantasmes qu’elle suscite (fantasmes incroyablement revivifiés par le règne de Poutine). Un voyage étant aussi une opportunité de lectures, Férey nous offre quelques considérations sur la littérature – hommage appuyé au polar –, salue en le chambrant quelque peu, c’est de bonne guerre, son (excellent) confrère Sylvain Tesson (Dans les Forêts de Sibérie, Gallimard, 2011).
Entre le zapoï et les jolies filles, Caryl Férey réussit la gageure de nous donner envie de nous cramer les poumons dans les vapeurs soufrées de la mine arctique. Un récit de voyage singulier, dépaysant autant dans son objet que dans son style. Un voyage punk, en somme…
Philippe Rubempré
Caryl Férey, Norilsk, (Éditions Paulsen, 2017) Le Livre de Poche, 2019, 157 p.