Bruno Quentin est un entrepreneur heureux, qui gère le magasin de verrerie familial, en veillant sur les études de son jeune frère Gérard, entre sa maîtresse, Dora, une comédienne, et son ami Armand, professeur de lettres quelque peu original. Jusqu’au jour où il se découvre tuberculeux et doit abandonner affaires, famille et dulcinée pour se soigner à Grasse, dans le Sud. C’est là qu’il entame la lecture d’À La Recherche du Temps perdu, de Marcel Proust, dont il avait aperçut un volume sur un guéridon chez son amante. Dès lors, la vie de Bruno est bouleversée…
Nous suivons donc Bruno dans ses pérégrinations curatives et proustiennes. Roland Cailleux nous offre là, à travers la voix et les conversations de son héros, à la fois une introspection du personnage et une lecture complète du roman-fleuve de Proust ; d’où le titre de son roman, Une Lecture, qui procède de « l’influence de Proust sur un marchand de verrerie », ainsi que le note Alexandre Vialatte. Ce dernier tape juste en écrivant dans sa préface que « Cailleux est un grand écrivain », qui « a fait tenir tout Proust [dans Une Lecture] , comme un grand pardessus dans une petite valise. »
Si vous êtes déjà lecteur de Marcel Proust, vous trouverez avec Une Lecture un contrepoint de grand style à votre propre vécu littéraire ; si, au contraire, À la Recherche du Temps perdu est pour vous une lecture intimidante, voire rebutante – sa longueur, ses phrases réputées interminables… – alors le roman de Roland Cailleux peut vous offrir une porte d’entrée, un sésame pour appréhender Proust, une véritable invitation à plonger dans son œuvre.
Avec Une Lecture, Roland Cailleux, écrivain injustement méconnu, décédé en 1980, signe un chef d’œuvre véritable – et ici (pour une fois), l’expression n’est en rien galvaudée !
Philippe Rubempré
Roland Cailleux, Une Lecture, préface d’Alexandre Vialatte, [Éditions Gallimard, 1948], Motifs, 2007, 477p.