Journal d'un caféïnomane insomniaque
jeudi mars 28th 2024

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Cœurs et visages – Emmanuel Bove

Cœurs et visages est un court roman dans lequel il ne se passe pour ainsi dire rien, ou si peu de choses… Et pourtant, c’est un excellent roman, une peinture fine et acerbe de la petite bourgeoisie industrieuse.

André Poitou, chausseur parti de rien, parvenu à créer sa chaîne de magasins, doit se voir remettre la Légion d’honneur en l’hôtel Gallia fraîchement rénové. Voilà tout le propos de ce roman, du trajet empreint d’émotion et d’une certaine angoisse vers la gloire aux discours actant l’apogée de Poitou. Et prétexte pour Emmanuel Bove à un tableau réjouissant des caractères invités à la cérémonie. Un bal des hypocrites dans lequel valsent, sous la houlette d’un sénateur ripoublicain, jalousies commerciales, notabilités déchéantes et mesquineries petit-bourgeois d’une caste animée par l’appât du gain et la soif égoïste de reconnaissance.

L’auteur tisse son roman comme l’araignée sa toile. Personne n’échappe à son œil impitoyable et pourtant si juste. Le lecteur vit le banquet comme s’il en était. Peinture sociale aussi profonde et pertinente qu’en retenue, écrite dans un style sobre et efficace sans être plat ni froid, Cœurs et visages est le roman d’une classe sociale à l’esprit souvent (mais il existe heureusement des exceptions) méprisable, si bien croquée en son temps au cinéma par un Claude Chabrol.

Philippe Rubempré

Emmanuel Bove, Cœurs et visages, Collection Motifs, 2002, 152p.