Journal d'un caféïnomane insomniaque
vendredi avril 19th 2024

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La trilogie berlinoise – Philip Kerr

Philip Marlowe chez les nazis. Trilogie comme trois polars diablement efficaces au sein du Reich nazi (1936 L’été de cristal ; 1938 La Pâle Figure) et à sa chute (1946 Un requiem allemand). Les amateurs du genre penseront à Fatherland de Robert Harris, mais ici, point d’uchronie. Le contexte et l’ambiance du Berlin des années Trente sont rendus de manière bluffante. On en respire l’air à la lecture, et ce d’autant plus qu’on s’identifie très vite au héros, Bernhardt Gunther, narrateur s’exprimant à la première personne.

Au cours de ces enquêtes dans les bas-fonds de l’âme humaine, les interlocuteurs sont aussi illustres que détestables, de Heydrich à Gestapo Müller en passant par Arthur Nebe et Hermann Goering. Je ne dirai rien de plus quant aux énigmes de cette trilogie car ce serait déjà en dévoiler trop. Sachez juste que Bernie Gunther est un privé, ancien de la Kripo (Kriminal Polizei, la police criminelle).

Indirectement, à travers ses personnages et notamment celui de Gunther, la trilogie de Kerr pose la question de la responsabilité et du comportement individuels dans un contexte dérangeant à nos esprits éclairés – ici le Troisième Reich, mais pourquoi pas une dictature comme Cuba, au hasard, ou un potentat africain quelconque ? Le mérite de cette trilogie s’incarne dans ce rendu du contexte en vertu duquel vous ne refermerez pas ce livre tout à fait indemne. Kerr soulève les questions ; ses personnages peuvent être des pistes de réponses ; mais vous, qui que vous soyez, comment vous comporteriez-vous ? Vous ne déserterez pas cette question. Et c’est ce qui fait de ces polars une grande oeuvre de Littérature (n’en déplaise aux snobinards qui réduisent le polar à littérature de gare. D’autant plus qu’il est très agréable de lire dans le train, non ?).