Comme dans Rhum (chroniqué sur Librairtaire), L’or est le roman vrai d’un personnage, Johann August Suter. Grandeur et décadence de l’aventure humaine. De la misère à la mort, Suter, aventurier au sens propre du terme – donc être humain et non lambda – connaît mille vies, renaissant à chaque fois tel le phénix, sans cesse animé de cette vis vita qu’on n’éprouve plus guère dans notre monde déshumanisé.
L’aventure biographique d’un personnage historique bien réel devient sous la plume de Cendrars une palpitation contée avec sang-froid. Au travers du style littéraire, on conçoit sans peine que Cendrars fut légionnaire en son temps. Ce roman respire l’aventure, les tripes, la sueur, le courage, l’imprévu, l’événement – donc la négativité. Un roman mâle comme il ne s’en écrit plus de nos tristes jours pour la Littérature. Un roman qui, publié en 2013, aurait sans doute dû subir les affres des procès d’intention des chantres de l’Ordre Juste, du Bien de gauche (parce qu’à droite il n’y a que des fachos, c’est bien connu…). C’est le risque contre le confort, l’individu contre le troupeau, la nécessité vitale d’aller de l’avant contre le conservatisme des petits avantages acquis… Il n’est pas question ici de politiser PS vs UMP (ou Front de Gauche vs FN ou EELV vs Modem, peu importe, ils brillent tous équitablement ou presque par leur médiocrité) un roman qui n’a pas lieu de l’être (il y aurait comme un anachronisme à le faire) ; simplement de mettre en avant, de valoriser un état d’esprit, celui de l’aventurier, un état d’esprit noble en voie de disparition, à protéger au titre des espèces en voie d’extinction.
En bref, ce roman n’est pas politique en tant que tel, mais c’est un Roman, un vrai. Littéraire. Un dont nous sortons grandi, qui suscite enthousiasme, admiration, identification au héros. Pas une autofiction confesse-suppositoire de gagne-petits tout juste bons à geindre et emmerder le monde avec leurs petites misères quotidiennes.
Enfin, tout de même vous dire que Suter est un type né en Suisse, au parcours pour le moins chaotique, à la fois glorieux, superbe et miséreux, qui va se trouver bien malgré lui être indirectement à l’origine de la Grande Ruée vers l’or en Californie…
Ne boudez pas votre soif de l’or… Foncez !
