Écrivons le très clairement : nous n’allons pas plaindre le pôvre Freddy de s’être fait gauler à sniffer quelques rails de coco sur le capot d’une allemande. Comme le dirait mon grand-père, il n’est pas puni pour avoir commis une bévue, mais pour s’être laissé prendre comme un bleubite. Bien fait pour lui. Faire montre de plus de ruse que la maréchaussée est un exercice à la portée de n’importe quel petit connard de dealer, alors quid de quelqu’un qui se prétend écrivain ?
Ceci était le fait déclencheur du roman. Et pour être honnête, je n’éprouve pas la moindre sympathie pour le magistrat que je ne nommerai pas, qui s’arroge le droit de transgresser la vie privée d’un type sous prétexte qu’il est connu. Et qui a cru devoir déceler une apologie de produits illicites dans une oeuvre précédente (si c’est le cas, soit il répète un on-dit et n’a pas lu le roman – 99 Francs ; soit il ne sait pas lire. Beigbeder a tranché ; je ne me le permettrai pas). Ce comportement est digne d’un fouille-merde de Voici mais indigne d’un magistrat, fût-il membre du S.M., de triste mémoire pour les Cons (il ne semble pas que ce soit le cas ici).
Donc, Un roman français. Ou l’enfance de Beigbeder romancée depuis une cellule de garde-à-vue… Gosse de divorcé, n’a pas aussi bien vécu le divorce de ses vieux qu’il ne l’a montré. Aléa d’un gosse de la bourgeoisie (aucun sous-entendu péjoratif) moderne (sous-entendu clairement péjoratif) sans grand intérêt, si ce n’est le parallèle que Frédéric Beigbeder établit avec sa relation avec sa propre fille Chloé. C’est là le grand intérêt de ce livre. Comment reproduit-on ou pas le schéma familial ? Comment réagissent les enfants confrontés au roman familial ? La différence, l’opposition entre les parcours de Frédéric et de son frère Charles est à ce titre éloquente.
Le titre, Un roman français, laisse penser qu’en filigrane se dessinera le destin d’un pays, la France, vu par le petit bout de la lorgnette Beigbeder. Si c’est l’intention de l’auteur, le résultat est vraiment en filigrane. Le parcours familial illustre à peine le passage malheureux d’un esprit solidaire (pas racketteur ni jaloux), collectif, à un individualisme forcené qui résume la démocratie à l’accumulation sans fin de droits individuels sans contrepartie. Société du « moi-je », individualisme totalitaire et démesuré qui ne bénéficie qu’aux faiseurs de pognon professionnels. Société dont Frédéric Beigbeder pourrait incarner l’archétype – croit l’incarner – toutefois à son corps défendant.
Terminons cette chronique par un mot sur le style et l’écriture : ils sont fluides. Le livre se lit tout seul ; ce n’est pas désagréable d’ailleurs. Mais ce n’est pas le style que nous retiendrons. Nous remarquons que Frédéric Beigbeder à la manie des références et, point positif, de l’hommage à ses influences, aux oeuvres et êtres qui l’ont construit. À l’encontre de nombre de plagiaires refoulés qui n’ont ni cette honnêteté, ni cette modestie. Beigbeder est un auteur de ce siècle et dans ce siècle. Est-ce que ça en fait pour autant un écrivain ?
Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.