Journal d'un caféïnomane insomniaque
jeudi novembre 21st 2024

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Itinéraire spiritueux – Gérard Oberlé

Spirituel et spiritueux, un itinéraire à lire ou relire toutes affaires cessantes !

Le spirituel Itinéraire spiritueux de Gérard Oberlé est un hymne à la vie et à la liberté, érudit en diable sans être pédant, joyeux sans être ravi de la crèche. Ce n’est pas la première fois que je le lis, et de manière certaine, c’est loin d’être la dernière. Ce récit mérite qu’on y revienne régulièrement. Chaque nouvelle lecture est un nouvel émerveillement. La part des anges explique sans doute ce phénomène ; le talent de plume de Gérard Oberlé à coup sûr ! La vie de Gérard par Oberlé vue par le cul de la bouteille… Dans notre monde inculte où le seul destin admis est de crever en bonne santé, en consommant et surtout sans penser, voilà des nouvelles Fleurs du Mal qui font du bien !

Retraçant sa vie à travers le prisme bachique, Gérard Oberlé rend hommage à ses maîtres (au sens Renaissance, humaniste, du terme) en littérature, oenologie, alcool ; il rend hommage à ses amis, aux poètes et aux écrivains, à Dionysos et Bacchus, Ganymède et Vénus… Son érudition est admirable et invite toujours à découvrir, à vivre, à être libre. Le livre est au moins autant une ode à la liberté qu’à la dive bouteille et à la substantifique moelle. Un comédien japonais avec lequel j’ai eu le plaisir de travailler dans une autre vie appelait l’alcool « médicament » – et il tenait, le bougre ! La plume de Gérard Oberlé est quelque part aussi un médicament, du genre alcool de Ricqles sur un sucre que petit nous piquions pour expérimenter, ou essayer du moins, l’ivresse. Un remède délicieux contre cette chienne de vie de merde à laquelle on voudrait nous faire adhérer sans réserve alors qu’elle se situe à l’opposé de notre voie et de nos choix.

Il y a chez Gérard Oberlé quelque chose de René Fallet – auteur pour lequel je ne cache pas mon admiration. En relisant Itinéraire spiritueux, des réminiscences du Braconnier de Dieu, du Beaujolais nouveau est arrivé et de La soupe aux choux sont venues égayer mon esprit. Oberlé est un mousquetaire de la littérature, tendance Blondin ou Gouffé. On voudrait le fréquenter, partager avec lui la table, la boisson, discuter, refaire le monde. On admire son amitié avec Jean-Claude Pirotte ou Jim Harrison dont il nous gratifie de quelques épisodes.

En outre (à vin), il faut souligner l’humour et la richesse de l’humeur du sieur Oberlé dès qu’il s’agit de s’attaquer à ceux que j’appelle les ayatollah en blouse blanche, les Diafoirus de dispensaire, à tous ces toubibs moralisateurs faute d’être compétents, à ces donneurs de leçons ternes comme la vie qu’ils se promettent de nous imposer. Court extrait :

« Mais j’entends déjà les hurlements des camelots de la pédagogie officielle, de l’ignorance gratuite et obligatoire, les sectateurs du mens sana, les socio-psys à la mords-moi le calibistri qui émargent au râtelier des cellules psychologiques, tous ces dictateurs de la vertu et de la tempérance subventionnés pour assomer le licheur, le fumeur et le trousseur à coups de sermons, de rapports et de menaces : « L’alcoolique n’est pas libre ! Il est, bien au contraire, prisonnier, esclave de son vice. » Pompeux imbéciles ! Allez donc vous noyer dans un verre d’eau minérale plate.« 

On ne saurait mieux dire. Lire Oberlé c’est célébrer l’ivresse de l’alcool, de la gastronomie, de la poésie, de la liberté. Oberlé vit et donne envie de vivre.

Itinéraire spiritueux ressuscite les moroses et emmerde les pignoufs hypocrates et crites de l’Empire du Bien. À lire ou relire toutes affaires cessantes !

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.