Des bas-fonds de Brooklyn aux arcanes querelleuses du Vatican, Monsignore retrace l’itinéraire de John Flaherty, caïd américano-irlandais devenu cardinal. Ce parcours de vie ressemble de loin à l’itinéraire de saint-Paul de Tarse, persécuteur de chrétiens qui voit la Lumière sur le chemin de Damas et devient le plus grand et le plus talentueux prosélyte de son temps ; un dont nous pouvons – croyant ou non, le talent est athée – apprécier les nombreuses épîtres. Mais les apparences sont trompeuses. Ici, le roman de Jack-Alain Léger débute comme un thriller (comme on dit en bon français), ou plutôt comme un roman noir, sauce Chandler ou Chase.
Ce roman est remarquable par sa construction déstructurée qui ne se restructure qu’à son terme. Il est remarquable par sa plume à la fois fluide et riche ; une plume qui épouse avec justesse les situations et les personnages. Remarquable aussi les caractères, le héros qui n’en est pas vraiment un, et toute la galerie des personnages secondaires.
De Brooklyn au Vatican, de la rue au séminaire, à la guerre ou à l’église, Jack-Alain Léger dévoile les dessous d’un Vatican État, avec ses aléas de pouvoir, de jalousie, de débauche, de corruption, ses liens avec la maffia ou les dictatures en fonction de ses intérêts supérieurs au dogme. Tout du moins en réalité à défaut de l’être dans le discours.
Ce n’est pourtant pas un roman anticlérical ou une attaque en règle de l’Église catholique romaine. Déjà en 1975, on ne tire pas sur une ambulance (l’Église reprend du poil de la bête, si je puis dire, depuis quelques années, mais pas en Occident). À ce jeu là, nous pourrions considérer qu’il s’agit plutôt d’une charge contre la fragilité vénale de l’être humain. Une charge tendre et impitoyable…
Jack-Alain Léger s’est défenestré en juillet 2013. Un Grand Écrivain s’en est allé, quelles que fussent certaines polémiques à son égard.