Non content d’affirmer avoir « beaucoup étudié les philosophes et les chats », et de renchérir en constatant avec malice que « la sagesse des chats est infiniment supérieure », voilà qu’Hippolyte Taine se glisse avec délice dans la peau d’un chat. Critique littéraire, mais surtout historien controversé des Origines de la France contemporaine, Taine ne s’est jamais caché d’être passionné par les chats. Une photographie le montre dans sa bibliothèque, caressant son matou. On sent d’ailleurs chez lui comme un regret de ne pas appartenir à la race féline, de ne pas pouvoir accéder à cette liberté et à cette félicité ainsi décrites :
« Celui qui mange est heureux ; celui qui digère est plus heureux ; celui qui sommeille en digérant est plus heureux encore. Tout le reste n’est que vanité et impatience d’esprit« .
Né dans le grenier d’une ferme, le chat d’Hippolyte Taine (ou le chat Hippolyte Taine ?) grandit, s’ébat et s’épanouit au sein de la basse-cour, dominée par les maîtres humains et surveillée par les chiens qu’il ne goûte guère, les considérant comme des « damnés » dont le corps est traversé par « les âmes coupables et punies ». Sage parmi les animaux (y compris les Hommes), le chat domine supérieurement cette société, en bien des points métaphore de la société humaine, grâce à sa philosophie. Celle-ci pourrait se résumer à cette formule prononcée par le capitaine Nemo (interprété par le génial James Mason dans le film adapté du roman de Jules Verne Vingt mille lieues sous les mers en 1954 par Richard Fleischer), adressée au maître-harponneur Ned Land (joué quant à lui par le grand Kirk Douglas) : « L’important dans la vie, c’est un esprit sain et un ventre bien rempli ».
Voilà qui est dit.
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