Une légende de Montparnasse, une égérie des années folles, un hymne à la liberté de la femme et à la liberté tout court. Un dessin noir & blanc d’une sobriété bienvenue, se posant en oxymore face au sujet de la BD. Une histoire vraie, documentée, bibliographiée, portraitisée, multi-portraitisée…
Et en plus c’est remarquablement scénarisé. Les 368 pages se dévorent littéralement. À travers la merveilleuse vie de Kiki, on croise Cocteau et Man Ray, Breton et Hemingway, on mange Chez Rosalie et on termine la soirée au Boeuf sur le toit…
Kiki, Alice Prin de son vrai nom, élevée par sa grand-mère en banlieue, va devenir modèle par accident. De peintres en amants, de concerts en expositions personnelles, de livres de mémoires en déchéance, au fil des litrons de jaja et des lignes de çakébon, on plonge littéralement dans le parcours de celle que Man Ray a immortalisé dans sa célèbre photo intitulée Le violon d’Ingres. Kiki incarne à elle seule le Montparnasse des années d’Entre-Deux Guerres. Derrière elle se battent tout les peintres, écrivains, acteurs, Français, Américains, Russes et même Japonais qui coloraient Montparnasse à la manière d’un Kandinski.
L’histoire d’une femme libre avant l’heure, qui a choisit délibérément de préférer sa liberté face aux lois, à la morale, à la médecine, à la « bonne éducation ». Jusqu’à la mort.
Sa devise aurait put être « vivre libre ou mourir », sa vie fut libre et elle est morte.
Un personnage extraordinaire (au sens propre du terme) dans une époque artistique foisonnante et politique agitée. Une bande-dessinée juste, qui se distingue parmi les flots de l’édition bédéïque contemporaine par sa qualité, par son fond et par sa forme.
Sans en remettre une couche, lisez-le, vous ne le regretterez pas, et sans doute comme moi vous en tirerez quelques leçons à votre profit (et par voie de conséquence, à celui de vos proches).
Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.