« Jules Verne néant » disait Hergé. Et pourtant, ce court essai richement illustré et abondamment informé tente, non sans conviction, de démontrer le contraire. À l’appui des oeuvres de Verne et d’Hergé, bien entendu, mais aussi en se référant aux biographes et autres exégètes de ces deux monstres sacrés.
Force est de reconnaître que les similitudes relevées, textes et illustrations, sont troublantes, et il parait peu probable qu’Hergé n’ait pas lu Jules Verne. L’a-t-il apprécié s’il l’a lu? C’est une autre question. Si par hypothèse, on y répond par la négative, on peut alors supposer qu’il fut inconsciemment influencé par cette lecture peu goutée, et donc qu’il ne peut en revendiquer la référence. Cette hypothèse est la mienne, elle n’est pas évoquée ni formulée par Tomasi et Deligne.
Voici quelques exemples d’étranges similitudes que vous pouvez vous amuser à vérifier : Tryphon Tournesol et le professeur Palmyrin Rosette (Hector Servadac), les Dupond-t et les inspecteurs Craig et Fry (Les Tribulations d’un Chinois en Chine, à mettre en regard du Lotus Bleu), ou encore l’univers marin de Vingt mille lieues sous les mers et du Trésor de Rackham le Rouge.
À l’instar d’Hergé, Henri Vernes, le créateur de Bob Morane auquel on a souvent imputé une influence vernienne – ne serait-ce que l’homophonie de son pseudonyme -, ne se revendique pas de Jules Verne. Comme si il y avait une honte ou une forme de déconsidération à se réclamer de cet écrivain injustement réduit à un auteur pour la jeunesse… ce qui est loin d’être le cas. Malgré une oeuvre parfois inégale (ce dont il était parfaitement conscient, il l’a écrit), Jules Verne est un grand auteur du XIXe siècle français, tout comme Hergé est un immense auteur de bande-dessinée au-delà des polémiques régulières (et ridicules, à l’image de ceux qui les suscitent) sur son oeuvre, et Henri Vernes le romancier d’aventures pour la jeunesse (mais pas seulement !) que les admirateurs de Bob Morane (dont je suis) connaissent bien…
Jules Verne, Hergé, Henri Vernes sont trois auteurs qui nous emportent avec eux, et leurs personnages dans leurs aventures à la découverte du monde et des mondes. Ils nous offrent de rêver intelligemment, de nous instruire en nous distrayant. Une saine lecture de 7 à 77 ans…
Philippe Rubempré
J.-P. Tomasi, M. Deligne, Tintin chez Jules Verne, Lefrancq Littérature, Bruxelles, 1998, 163 pages, prix selon bouquiniste.