Inclinons-nous devant François Jonquères, il élargit les limites trop étroites de nos vies sans saveur. C’est que Jonquères est un écrivain, poète quelquefois, et surtout, il est un rêveur. C’est vous dire à quel point ce joyeux drille tendance hussard n’est pas en odeur de sainteté en Macronie… Ce récidiviste nous avait charmé avec son premier roman, La Révolution buissonnière (Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016, à lire toutes affaires cessantes si ce n’est pas déjà fait ; à relire le cas échéant). L’essai est largement transformé avec ses (sic) Voix de fées, ces chants et contrechamps d’un prince du calembour, d’un dandy lettré amateur d’Aymé et autre Fallet (la lecture des Voix de fées m’a plongé Les pieds dans l’eau – Mercure de France, 1974 – en compagnie de René Fallet dans la foulée).
La plupart de nos contemporains l’a oublié, voire nie l’évidence : le monde est dirigé par les fées. Et ce sont bien elles qui vont aider le narrateur – l’auteur ? – à résoudre ses questions existentielles. À la fois maîtresses de ce bas monde et du pays des rêves, les fées jouent avec les songes du narrateur et enchantent notre imaginaire en détournant quelques géants de la littérature, de Kipling à Jules Verne en passant par Marcel Aymé, Rabelais, Perrault ou La Fontaine (liste non-exhaustive reflétant en partie seulement les goûts du chroniqueur, qui ajoute en pousse-café Blondin, ce singe hivernal de génie).
Avec son deuxième roman (sur une série de sept annoncés comme les sept péchés capiteux de l’auteur, vaste programme de réjouissances en perspective !), François Jonquères réhabilite la féérie en littérature, rend les honneurs perdus au conte, à l’imagination, au style et à l’originalité – ici, non-galvaudée.
J’ai découvert Jonquères avec son premier roman, dont vous lirez la chronique dans ces pages. je le retrouve bonifié avec ses (re-sic !) Voix de fées. Et j’apprends en lisant Éléments que ce facétieux a refait la traversée de Paris en compagnie du génial Olivier Maulin et de quelques dizaines de gais lurons du même acabit, avec force cochonnailles et haltes bistrotières ! Décidément, ce type ne manque pas de sel ! Lisez et relisez Jonquères, qui a eu le bonheur de commettre de sacrées Voix de fées !
Philippe Rubempré
François Jonquères, Voix de fées. Chants et contrechamps, préface de Philibert Humm, Éditions La Thébaïde, coll. Roman, 2018, 161 pages.