« La destruction du système scolaire français correspond historiquement à l’expansion de l’idéologie néolibérale dans la sphère politique. Fâcheuse corrélation. Mais qui n’est pas seulement une corrélation. La transformation de l’école en lieu d’épanouissement, et non plus d’émancipation, des individus au nom de théories pédagogiques qui ont montré leur capacité à créer les inégalités qu’elles prétendaient combattre a ouvert la voie à une normalisation du système éducatif français pour l’intégrer au grand marché mondial. Le remplacement des savoirs par les compétences comme objectif premier est au cœur de ce processus. Le concept, porté d’abord par les généreux pédagogues centrés sur « l’enfant au cœur du système », est en fait directement importé du management et constitue le cœur de l’idéologie néolibérale en matière d’éducation : chaque individu est détenteur d’un capital humain qu’il doit faire fructifier pour s’insérer sur le marché mondial. Et le rôle d’un système éducatif est de mettre en place les outils performants qui permettront de développer au mieux les compétences de chacun. Ce modèle est porté par l’OCDE, qui s’emploie depuis les années 1980 à uniformiser les systèmes éducatifs pour les vider de toute dimension nationale et démocratique. »
Natacha Polony, Sommes-nous encore en démocratie ?, pp. 73-74
Les Éditions de l’Observatoire, février 2021, 89 p., 10 euros.