Yambo Ouologuem est réapparu sur le devant de la scène littéraire grâce à Mohamed Mbougar Sarr, écrivain sénégalais lauréat du Goncourt en novembre dernier, et qui lui a dédicacé son roman, La plus secrète mémoire des hommes.Ouologuem, écrivain malien, est d’abord connu pour son roman Le devoir de violence, prix Renaudot en 1968, à l’origine du polémique qui finira par provoquer son retrait de la littérature. La lettre à la France nègre est publiée en 1969. Ce pamphlet épistolaire conserve aujourd’hui, et sans doute plus que jamais, sa force provocatrice.
Avec une plume féroce et drôle, Yambo Ouologuem n’épargne personne. Il cultive l’art de tourner en dérision les relations France – Afrique (qu’il orthographie volontiers A Fric) pour mieux en dénoncer les absurdités et les compromissions, et en dévoiler les ambiguïtés. Il n’exonère les chefs d’États africains d’aucune de leurs responsabilités, pas plus qu’il n’ignore celles des élites françaises.
Sans mauvais jeu de mots, ces épistoles pamphlétaires montrent à quel point rien n’est Blanc, ni Noir, mais que la Réalité est Grise ; d’où que l’on se situe pour l’observer. Ainsi, Yambo Ouloguem s’adresse-t-il aux victimes de l’antiracisme, au Président de la République française (surnommé « mon JésusGaulle »), aux couples mixtes, aux non-racistes et aux racistes, aux rois nègres et aux nègres de plume, ou encore (la liste n’est pas exhaustive) aux pères d’Astérix, avec la même ironie mordante, qui fait mouche à tous les coups !
Yambo Ouologuem est un écrivain malien (décédé en 2017) à ranger parmi les grands pamphlétaires et les grands ironistes de langue française.
Philippe Rubempré
Yambo Ouologuem, Lettre à la France nègre, [Éditions Nalis, 1969] Éditions Le Serpent à Plumes, coll. Motifs, 2003, 220p.