Chacun de nous a l’image en tête du survivaliste ricain surarmé et défendant son bunker dans l’attente de l’Apocalypse… Aux antipodes de cette version Rambo quelque peu caricaturale du courant survivaliste, Salsa Bertin, entre autres journaliste gastronomique, se propose avec Vivre autonome. Le survivalisme à la française de nous guider dans cet univers autonomiste, en en expliquant tenants et aboutissants. Son ouvrage tient donc à la fois de l’essai, du guide et du manuel pratique. Très structuré, doté d’index et d’une table des matières détaillée, il est facile d’approche, tant pour une lecture cursive que pour une consultation ponctuelle et précise.
Dès son avant-propos, Salsa Bertin singularise le survivalisme à la française, qu’elle a à cœur de distinguer de son cousin d’outre-atlantique, et qu’elle préfère nommer autonomisme. Dans la version française, l’homme reste un animal social ; l’autonomie ne rime pas avec l’autarcie. Ainsi, l’entraide, le partage ou encore la gratuité sont des valeurs cardinales du mouvement autonome à la française. L’homme ne peut s’en sortir seul.
Pourquoi Vivre autonome ? L’auteur prend soin de constater les insuffisances de nos gouvernants et les incohérences du système capitaliste financier globalisé, ainsi que toutes les attaques virulentes qui en découlent, contre nos libertés, notre santé, la nature, la vie humaine… Elle relève non sans une certaine jouissance ironique quelques réalités contemporaines bien concrètes que la science-fiction avait prédites, que ce soit en termes de technosciences ou de sécurité et de libertés (les récentes réécritures wokistes des œuvres de Roald Dahl ou d’Agatha Christie attestent que le roman 1984 de George Orwell se concrétise sous nos yeux, sans que ça ne dérange grand monde, d’ailleurs – et hélas !). Salsa Bertin en conclut à la nécessité – ou du moins, à la profonde utilité et à la grande pertinence – d’un mode de vie autonome, en accord avec la nature et la biologie, écologique au sens propre du terme.
S’en suivent les chapitres et pages pratiques constituant un véritable guide, avec références techniques et bibliographiques. De très nombreux aspects sont abordés, de la maison autonome à la gastronomie, du jardinage à l’eau potable, et viennent utilement enrichir vos connaissances et compétences, donc augmenter votre liberté, votre capacité à penser et agir par vous-même.
Tout l’intérêt de l’ouvrage de Salsa Bertin est de présenter un mode de vie sain, économique et écologique, accessible à tous à des degrés divers. Il sera utilement complété pour la réalisation concrète de votre base autonome durable du guide de référence de Piero San Giorgio, Survivre à l’effondrement économique (Culture & Racines, 2020, préface de Michel Drac). Loin d’un mouvement extrémiste « anti-système », le mode de vie autonome défendu avec talent par Salsa Bertin s’inscrit dans la vie et est ancré dans la société ; il rayonne par l’exemple qu’il diffuse. Il reste peu apprécié des autorités, qui ne manquent pas de lui chercher des poux car c’est un mode de vie qui vous rend vos libertés, si ce n’est votre liberté, en vous permettant en toute légalité d’échapper un tant soit peu aux diktats politiques, économiques ou sociétaux du temps. Le mode de vie autonome ne menace en rien, n’en déplaisent à certains, la démocratie, ce régime qui est, parait-il, le pire à l’exception de tous les autres (ce dont, à titre personnel, je doute de plus en plus, au regard de l’expérience et des perspectives…).
Philippe Rubempré
Salsa Bertin, Vivre autonome, Éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2023, 263 p.