Journal d'un caféïnomane insomniaque
vendredi novembre 22nd 2024

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Requiem pour une avant-garde – Benoît Duteurtre

Bien que très modéré dans sa forme, une forme absolument anti-manichéenne, cet essai fut l’objet d’un scandale sans nom. Et des ignominies propres à Homo Festivus ; au premier chef desquelles l’inévitable reductio ad hitlerum. Une musicologue parait-il de renom, Anne Rey pour ne pas la citer, a comparé dans (ce qui ose s’appeler un quotidien d’informations) Le Monde l’auteur Benoît Duteurtre à Robert Faurisson. Extêmement classe et tout à fait approprié considérant qu’il s’agit d’un essai sur la musique contemporaine, certes critique envers Boulez, mais jamais insultant. D’Anne Rey nous ne dirons rien. Tout le monde l’a oubliée et son décès lui interdisant toute réponse, il serait indélicat pour ne pas dire plus de l’accabler.

Suis-je en accord avec la thèse de Duteurtre ? Peu importe, je ne suis pas suffisamment compétent sur la question pour formuler un avis tranché ; ce dont je me garderai bien. En revanche, l’argumentation est convaincante pour le profane que je suis.

Qu’on soit en accord ou pas avec les thèses développées et les exemples choisis, cet essai est honorable et respectueux, sans concession et constructif. En aucun cas l’auteur ne méritait les bordées d’injures reçues (le constat est là, essentiellement de la part de cette gauche dite « caviar »). Il eut mérité une critique argument contre argument, exemple contre exemple ; comme il se pratique – ou devrait se pratiquer – entre humanistes (au sens Renaissance du terme), entre gens raisonnables et cultivés. À l’instar de la tribune publiée dans Le Monde, un certain nombre de critiques ressemblent à un autodafé à l’encontre de celui qui a osé émettre un soupçon de critique sur ce génie de droit divin qu’est supposé être Boulez sans contestation possible (Boulez qui ne s’est jamais gêné pour insulter avec une violence extrême ses contemporains). Bien entendu, toute cette gabegie s’est inscrite dans le noble combat pour les droits de l’homme, au nom de la liberté d’expression et du progrès, contre les monstres rampants du conservatisme, du fascisme et du nazisme.

Il est désolant et inquiétant de constater encore aujourd’hui que pour une certaine gauche, tout ce qui est quelque peu en désaccord avec ses thèses, tout ce qui émet un doute, une question ou une critique, rime avec fascisme, au pire avec nazisme, au mieux avec ringardisme… L’actualité sociétale récente en témoigne. Excellente manière de tuer le débat, la pensée, la démocratie et la liberté. Depuis la parution de l’essai de Duteurtre, cette gauche (et non pas la gauche en général) n’a fait que progresser dans son rayonnement médiatique.

On vous aura prévenu…