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« Dans une foule, même composée en bonne proportion de rigolos et d’exhibitionnistes, c’est la moralité qui l’emporte. Flamberge au vent, mais pruderie en tête. Civilisation ou pas, vous trouverez toujours trop de quakers. » – Georges Conchon, L’État sauvage
Un patachon dans la mondialisation – Thomas Morales
Le vingtième siècle eut Vialatte ; le vingt-et-unième, entre autres et dans des styles très différents, a Muray et Oberlé, auquel il faut désormais ajouter Thomas Morales. Leur point commun : l’art de la chronique. Saluons ici la sortie (courant septembre) du dernier né de Thomas Morales, Un patachon dans la mondialisation.
Composées dans la veine de leurs grandes soeurs d’Adios, ces chroniques empreintes de nostalgie vivante et joyeuse réchauffent nos ventres creux à force de marcher vers le néant globalisé. Morales n’écrit pas pour (ni sur) les baudruches contemporaines, vides, sans histoire, sans mémoire (si ce n’est celle de leur ordinateur ou de leur téléphone prétendument intelligent), sans racines, sans goût, sans culture, bref, sans humanité. Ces êtres de vitesse absconse et de communication creuse (pléonasme), ces valets du Saint-Fric en marche sont essentiellement incapables de goûter la plume douce amère de ce mousquetaire de la chronique, cette plume qui nous met du baume au coeur comme le whisky du dimanche soir. Les chroniques de Morales nous rappellent à chaque ligne, au détour d’un film de Belmondo ou d’une Partie de chasse en Sologne qu’il est bon de vivre et que la vie ne se résume pas aux tribulations de l’ersatz consommateur eco-citoyen à la mord-moi le calibistri qu’on voudrait nous imposer.
Qu’il est agréable de se replonger chez le Caporal épinglé Jacques Perret et dans son adaptation cinématographique par Renoir, d’avoir les yeux qui brillent à l’évocation d’une actrice de légende, ou de s’enflammer pour les voitures d’une époque où l’automobile rimait avec art de vivre. Qu’il admire ou qu’il griffe, Thomas Morales tire droit au but et sonne juste. Lisez, relisez et faites lire sa Lettre à un jeune écrivain. Surtout en ces temps de rentrée littéraire et de surdose d’imprimés. Elle est d’une drôlerie et d’une profondeur à méditer ! Cela ne fait pas de doute, au coeur de cette mondialisation où le vide le dispute à la sauvagerie, Thomas Morales est un patachon de choix et partage ses passions avec plume et humour. Vivent les patachons !
Philippe Rubempré
Thomas Morales, Un patachon dans la mondialisation, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2017, 190 pages.
Anthologie de la bande dessinée érotique – Sélection établie et présentée par Vincent Bernière
Voilà un beau livre pour les amateurs du Neuvième Art et de la gaudriole, utile complément aux ouvrages d’Henri Filippini, Petite histoire de l’érotisme en BD et Dictionnaire de la BD érotique. L’auteur, Vincent Bernière, connait son sujet : il dirige le département érotique chez Delcourt. Ses notices de présentation des auteurs et des oeuvres témoignent de son érudition en la matière, et surtout de son goût pour la chose. Ce qui nous préserve de la sensation de lire un ouvrage réservé aux bibliophiles, érotomanes et autres universitaires.
Après une introduction chaudement illustrée présentant (succinctement) l’histoire de l’érotisme en bande dessinée, Vincent Bernière propose une sélection fine sous un jour thématique (Soft, Chic, Trash, Rigolo, Autobio) pertinent, au sein duquel les oeuvres et auteurs présentés se déclinent chronologiquement.
Une anthologie signifie par définition un choix, une exclusion ; elle est non exhaustive. La sélection offerte par Bernière propose quarante-deux oeuvres et un peu plus de créateurs répartis non selon l’orientation ou le désir, comme le font peu ou prou tous les sites pornos (amateurs, BDSM, gros seins, hentaï, sodomie, gay…), mais, et c’est à la fois original et malin, selon l’angle d’attaque plus ou moins frontal, plus ou moins classe, plus ou moins vécu évoqué plus haut.
Les amateurs retrouveront sans surprise dans cette anthologie les grands noms de l’érotisme dessiné, de Pichard à Manara, de Varenne à Crepax, sans oublier Crumb ou Serpieri. Les néophytes curieux découvriront un joyeux et licencieux panorama de la bande dessinée érotique, dans ce que le genre offre de plus excitant.
Philippe Rubempré
Anthologie de la bande dessinée érotique, Vincent Bernière, Beaux-Arts Éditions, 2012, 368 pages.
Lectures août
- Le dernier combat. Drames et espoirs de l’Armée française – Général Paul Vanuxem
- Mémoire cavalière – Philippe Noiret
- Le manuel des échecs – Anatoly Karpov
- Histoire de la Littérature française du XXe siècle – sous la direction de Jean Dumont, avec la collaboration de Jean-Marc Brissaud
- Le caporal épinglé – Jacques Perret
- Le ruisseau des singes – Jean-Claude Brialy
- La vie est ainsi fête – Gérard Oberlé
- Les quatre évangélistes – Willy Lambil & Raoul Cauvin
- Spirou et Fantasio à Moscou – Tome & Janry
- Les Rivaux de Painful Gulch – Morris & Goscinny
- Billy the Kid – Morris & Goscinny
- Les Collines Noires – Morris & Goscinny
- Le bâton de Plutarque – Yves Sente & André Juillard
- La pluie à Rethel – Jean-Claude Pirotte
Ab hinc… 263
« Rien n’est humain comme l’humanisme. Mais rien n’est inhumain comme l’humanitariste. » – Léon Daudet