Chroniquer un roman érotique n’est pas chose aisée. Chroniquer et non pas critiquer ; je ne suis pas critique, je n’en ai ni l’ambition, ni le talent. Il faut bien reconnaître qu’il est plus difficile encore d’écrire un bon roman érotique. Le piège de la vulgarité pornographique (pléonasme) à deux sous tient ses machoires largement ouvertes, et le moins que l’on puisse dire est que ces dernières sont tout particulièrement sensibles ! Les auteurs de la collections des « Érotiques » de feu Gérard de Villiers en savent quelque chose, en grands spécialistes de la question (pour en avoir lu un certain nombre, je ne crois pas avoir conservé de bon souvenir littéraire ou érotique de ces romans de toilettes de gare – je ne parle pas des S.A.S.). Les collections publiées par Esparbec sont d’un niveau tout autre. Il faut dire qu’il a redonné des lettres d’une noblesse toute proustienne à la pornographie (il revendique le terme).
Désormais, outre la plume d’Esparbec, il faudra compter sur l’érotisme élégant jusque dans sa crudité de Stéphane Rose. Avec Pourvu qu’elle soit rousse, son premier roman, Stéphane Rose évite le piège de la trame à deux balles destinée à servir grossièrement une pornographie crade, sans âme ni qualités littéraires, bonne pour la branlette des trous (de balle). Au contraire, son autobiographie d’un obsédé par les rousses est un roman profond et élégant, littéraire et érotique. Et comme toute bonne littérature, il pose des questions plutôt qu’il n’offre de solutions (Alberto Manguel).
Le héros et narrateur, Stéphane, est obsédé par les rousses, les vraies, et notamment leur odeur singulière supposée. Le roman s’ouvre sur sa relation avec Anaïs, une vraie rousse, volcanique et démoniaque à souhait. Tout se gâte quand leur relation prend fin, et que Stéphane décide de s’inscrire sur un site de rencontres bien connu pour combler sa soif inextinguible de rousses, et poursuivre sa quête de ce graal sacré à ses yeux…
Dans son style sobre et efficace, Stéphane Rose nous offre véritablement le trivium et le quadrivium de la roussitude (décidément, les accidents de langage de la Marie-Ségolène en goguette sur la Grande Muraille font florès…). Des différentes teintes de roux à leur odeur supputée, tout est passé en revue, tout est étudié avec un humanisme renaissant et une drôlerie certaine. L’érotisme est sans doute l’objet du roman (le narrateur reconnait sa volonté d’écrire un livre érotique), mais ce n’est certainement pas un prétexte. À chaque fois à sa juste place, tantôt esthétique, tantôt crû, mais toujours élégant, l’érotisme selon Stéphane Rose est plein de questionnements auxquels l’auteur à la sagesse de ne pas répondre – ainsi, par exemple, le fétichisme ou la dépendance… Ce choix judicieux, la qualité de la plume et de l’histoire, l’originalité du traitement et son humour font de Pourvu qu’elle soit rousse un roman à lire… et à relire !
Philippe Rubempré
Stéphane Rose, Pourvu qu’elle soit rousse, L’Archipel, 2010, 195 pages, 16,95 euros