Journal d'un caféïnomane insomniaque
lundi novembre 25th 2024

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Mémoires d’un indifférent – Alain Sanders

mémoires indifférent    Ces Mémoires d’un indifférent m’ont laissé l’impression d’une autobiographie fantasmée à la hussarde d’Alain Sanders (de son vrai nom Alain Potier), dont le nom de plume n’est pas sans rappeler François Sanders, hussard bleu cher à Roger Nimier. Le narrateur revisite le Vingtième Siècle, siècle des idéologies s’il en est, au travers de ses guerres, notamment la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. Un voyage raconté par le cul de bouteilles littéraires d’un goût des plus sûrs.

Être âgé d’une vingtaine d’années lors de la défaite de 1940, résister par hasard et goût de l’aventure, être emprisonné à la Libération en raison de ses amitiés fidèles, n’admirer que l’Honneur, la Littérature et une certaine forme de savoir-vivre… Voilà ce qui fait du héros de ces mémoires un indifférent. Non qu’il soit un lâche (bien au contraire), ou un jean-foutre (pas plus), mais indifférent à l’air du temps, aux modes tant vestimentaires que politiques, et aux belles histoires qu’on vous raconte. Par exemple pour vous faire oublier que pendant l’Occupation, il n’y avait de résistants et de collabos qu’à la marge, que la majorité de la population cherchait à survivre, et les commerçants à faire du commerce… L’Épuration a été (aussi, mais pas que) le théâtre de règlements de comptes politiques, voire mafieux, assez odieux (je pense entre autres aux résistants de 1946, les plus nombreux, ceux qui furent les plus actifs… et les plus expéditifs).

Dandy au siècle des idéologies, le narrateur agit au nom de son idéal, réminiscence d’un idéal chevaleresque et littéraire d’une noblesse qui ne peut que heurter les médiocres. C’est ce qui le pousse, après avoir enseigné les Lettres dans un lycée de province pour « se faire oublier », à rempiler comme correspondant de guerre pour la presse de Sa Majesté en Corée. Puis devenu propriétaire terrien, jouissant des fruits de sa librairie confiée à un gérant, de profiter de la vie en gentilhomme. Jusqu’au jour où la tentation de l’Aventure resurgit sous les traits d’un jeune coq…

Philippe Rubempré

Alain Sanders, Mémoires d’un indifférent, Albin Michel, 1985, 229 pages, prix au bon coeur de votre bouquiniste préféré.

Retrouvez cette chronique sur le Salon Littéraire.