Journal d'un caféïnomane insomniaque
jeudi novembre 21st 2024

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Solitude du témoin – Richard Millet

solitude du témoin    Mis au ban du petit monde médiatico-littéraire depuis une « affaire » ridicule et infondée instruite par une Torquemada autofictionneuse et l’un des plus mauvais prix Nobel de littérature de l’histoire (récompensé pour son sans-frontiérisme bêlant et aveugle plus que pour sa plume fade), Richard Millet ne mérite ni cet excès d’indignité, ni le concert d’éloges idéologiques venus d’en face. Il est un (bon) écrivain qui mérite d’être considéré à l’aune de sa production intellectuelle et littéraire.

Dans Solitude du témoin, qui relève à notre sens autant de l’essai sur ce qui reste de la civilisation occidentale et son devenir que du journal littéraire (à l’image d’un Jules Renard ou d’un Sébastien Lapaque), Richard Millet prend acte de son ostracisme – avec une certaine insistance qui finit par agacer – et se met en retrait de ce monde judéo-chrétien, héritier d’Athènes et de Jérusalem, qu’il sent, qu’il voit décliner, s’abîmer dans une mort lente, infinie, à force de renoncements, mensonges, lâchetés, et d’abandons des valeurs – notamment pour Richard Millet le catholicisme. L’auteur se pose en témoin solitaire, fantôme vivant d’une autre civilisation, celle qui fut la nôtre, en voie de disparition sous les coups de boutoir du mondialisme financier capitaliste (inféodé au Saint-Fric mondialisé) et ses corollaires – Millet insiste beaucoup sur l’immigration extra-européenne et l’islam.

Du haut de ses certitudes, de ses convictions, Richard Millet apparait parfois arrogant et un tantinet donneur de leçon, notamment quand il se pose comme l’un des derniers écrivains ou qu’il lâche quelques jugements à l’emporte-pièce (sur Brassens par exemple et page 153, réduit à un chansonnier qui déshonorerait le pays qui  baptise une école de son nom ; ceci prouve que Millet ne connait que très partiellement son oeuvre écrite comme musicale). Toutefois, le témoin n’est pas aveugle, et globalement nous partageons son constat de décès en cours, d’agonie sans fin de la civilisation héritée d’Athènes et de Jérusalem ; nous regrettons en outre que les oeuvres de Millet ne fassent plus l’objet d’une dispute civilisée, cet auteur donnant manifestement à réfléchir sur notre société.

Notre confortable agonie se traduit par le travestissement de la culture en Culturel, du réel en Propagande, de la vie en Divertissement. Ce que Richard Millet, à qui nous laissons le dernier mot avec cette longue citation, exprime merveilleusement page 16 :

« C’est oublier que je vis selon une autre conception de l’histoire ; que le catholique attend non pas la mort mais la mort de la mort, en ayant la conscience permanente de la doublure symbolique, surnaturelle, invisible de l’histoire officielle, sans être naïf pour autant (…). Ce qui est mort, c’est l’idée de culture comme civilisation, le Culturel, lui, étant l’alliance du divertissement et de la Propagande, c’est-à-dire un conditionnement de masse opérant au nom même du narcissisme individuel. La culture, pour peu que nous tenions encore à ce mot, est donc pour nous une expression caduque, car employée par le politiquement correct dans ses redéfinitions (raciales, ethniques, sexuelles, sociologiques) de l’humain, à quoi la littérature a été sacrifiée, à commencer par la langue, désormais vouée au consumérisme et à la Propagande, entre deux régimes de terreur que sont l’islamisme (avec l’antiracisme d’État pour corollaire) et le Culturel.« 

Philippe Rubempré

Richard Millet, Solitude du témoin, Léo Scheer, 2015, 171 pages, 17 euros