Marsault est de retour en solo, plus énervé que jamais ! Son oeil acéré et acerbe sur notre société dérange, au point d’être menacé et assailli de tentatives pour le réduire au silence… Et pourtant, cet œil s’avère pertinent sur les émissions de « témoignages » héritées de Delarue sur le sévice public ; Marsault en révèle avec cruauté et jubilation le fond abject, odieux, ignoble et profondément dégueulasse de ces programmes, de ceux qui les produisent, les animent, et j’ajoute, les regardent. Son œil est toujours pertinent sur la liberté d’expression et l’enflure de la « cage aux phobes » si bien pressentie par Philippe Muray ! La société de la transparence, des médias et des réseaux sociaux vire au totalitarisme, c’est-à-dire, pour reprendre une expression de Claude Polin, à la « dictature de l’individu sur l’individu », cet être atomisé au coeur d’une société liquide et veule, parfaitement interchangeable et idiot utile des manipulateurs et des puissants.
Marsault croque nos tares contemporaines et notre décadence avec férocité et humour, avec tendresse parfois, pour les innocents broyés et méprisés par la machine. De la télé aux phobies liberticides, de la malbouffe au porno à outrance, rien n’échappe à l’épée vengeresse du dessinateur polémique. Une catharsis qui fait du bien et qui ne plaira pas à tout le monde. Brassens le chantait en 1954, les braves gens n’aiment pas qu’on suive une autre route qu’eux. Ce qui a changé depuis, ce sont les braves gens…
Philippe Rubempré
Marsault, Bordel de Dieu, Éditions Ring, janvier 2020.