Journal d'un caféïnomane insomniaque
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Vendredi 24 avril 2020

En relisant Un samouraï d’Occident, le Bréviaire des insoumis de feu Dominique Venner, je tombe dans le chapitre intitulé « Notre mémoire oubliée » sur un paragraphe consacré à Henri de Montherlant racontant le choc vécu à huit ans à la lecture de Quo vadis, le roman d’Henryk Sienkiewicz. Ce roman dont l’action se situe sous le règne de Néron confronte le premier christianisme au stoïcisme de Sénèque, et surtout de Pétrone. J’ai donc relu ce livre, dont on m’avait offert une version illustrée quand j’étais gamin, et je me suis aussi souvenu que quelque part devait traîner une adaptation cinématographique polonaise dans ma dvdthèque, revue également.

« Tout nous ramène à quelque idée de la mort, parce que cette idée est au fond de la vie. » – Chateaubriand, Voyage en Amérique

Grand bien m’en a pris. Le roman se dévore avec autant de voracité que quand j’étais môme, mais le plaisir se double d’une réflexion sur la vie et la mort, ou plus exactement, sur le sens de la vie et le sens de la mort, à la lumière du christianisme antique et du stoïcisme. Un excellent choix de lecture en ces temps décadents dans lesquels on a voulu nous faire croire que la mort n’était pas normale, qu’elle était nécessairement souffrance et peine, où on a voulu la faire disparaître de notre quotidien avec un certain succès. Le Covid 19 est venu balayer cette comédie d’un goût douteux. La mort appartient à la vie, pleinement. Il est tout aussi important de réussir sa mort, si ce n’est plus, que de réussir sa vie. La souffrance aussi appartient à la vie. On peut toujours se raconter des histoires, créer un homme bionique ou jouer du cornet à piston devant la tour Eiffel en s’imaginant qu’elle va danser la samba, la mort est bien présente. Autant en prendre acte, et la chanter joliment, comme Brassens dans Oncle Archibald, par exemple, ou vivre en étant conscient de cette borne ultime.

Là, Quo vadis nous donne avec le récit de la mort de Pétrone une belle leçon de dignité face à la mort. Se sachant condamné par Néron, l’arbitre des élégances organise une fête entouré de sa femme et de ses amis; il prend acte de son sort et met cérémonieusement fin à ses jours en compagnie d’Eunice, son aimée, dans les chants, les danses et les libations, accompagné par le siens. Cette mort donne à réfléchir ; elle remet en question pour les non-croyants la vision glauque, forcément glauque, de la mort véhiculée par les médias et les politiques, au point de se mêler de votre santé et de brider vos libertés pour vous obliger à mourir en bonne santé (ou à travailler toujours plus longtemps pour des intérêts financiers qui ne seront jamais les vôtres). Le sacrifice des Chrétiens est, lui aussi, à sa manière, exemplaire dans l’acceptation de la souffrance par la Foi ; leur attitude est même, osons l’écrire, absolument admirable.

J’avais envie de vous parler de Quo vadis, ce beau roman qui résonne singulièrement en temps de confinement versus mortem. Il pose de passionnantes questions sur notre rapport à la mort et à la souffrance, à l’heure où elles sont mises en scène et exploitées sans vergogne par une large partie des politiciens, des médias et des médecins. À bientôt.

Quo vadis, Henryk Sienkiewicz, Le Livre de Poche, Classiques, 2001.

Quo vadis, film de Jerzy Kawalerowicz, 2001, en dvd.