
Quel(s) point(s) commun(s) entre la guerre en Ukraine, les élections en Roumanie, la condamnation de Le Pen après la relaxe de Bayrou dans une affaire similaire, la fuite en avant de Macron dans la construction européenne, le retour de Trump et l’avènement de Vance et Musk, la référence omniprésente à l’œuvre d’Orwell, le wokisme, le deux poids deux mesures judiciaire (selon que vous serez bourgeois black block ou prolo facho), j’en passe et des meilleurs ? L’ensemble de ces événements politiques majeurs et de ces dysfonctionnements de la société dite occidentale – qu’on les approuve, les regrette, s’en affole ou s’en tamponne le coquillard – sont constatables par toute personne de bonne foi. Nous assistons, volens nolens, à une tendance schizophrène tiraillée entre un repli identitaire, souverainiste à plus ou moins grande échelle mais qui se vérifie aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, en Inde ou en Chine d’une part, et d’autre part, à une fuite en avant dans un mondialisme effréné sous l’égide de l’ONU et de la « communauté internationale »…
Dans un essai roboratif et sourcé, Martin Peltier se propose d’analyser en profondeur ce qu’il qualifie de « grand bordel » et qu’il baptise « Arc-en-Ciel ». Les constatations qu’il établit sont aussi solides que contestable est l’analyse qu’il en offre. Sous-titré « Au bout de la révolution, un empire et sa religion », l’essai de Martin Peltier propose des clés pour comprendre notre monde tel qu’il va, ou pas. Sic transit gloria mundi…
Prenant de la hauteur et du champ historique comme philosophique, Martin Peltier tente de comprendre quels sont les marionnettistes, les carburants, les objectifs et les moyens mis en œuvre dans la marche actuelle du monde – qui ne lui sied pas. Pour cela, il s’intéresse à tous les domaines, de la santé (grippe H1N1, covid-19…) à la politique (communisme, socialisme, libéralisme…) en passant par l’écologie, les enjeux internationaux (immigration, économie…) ou les concepts de peuple, nation, souveraineté… Afin de préciser les contours de son Arc-en-Ciel, une première partie est consacrée à ce qu’il n’est pas : ni catastrophe naturelle, ni complot. En effet, en isolant les angles d’analyse, on pourrait verser assez facilement dans le complot anti-élites. Ce n’est pas le cas : l’Arc-en-Ciel ne se résume ni à l’écologie, ni à la santé, ni à l’immigration, pas plus qu’il n’est orwellien, hyper-libéral, woke, transgenre ou cosmopolite.
Peltier définit son Arc-en-Ciel à l’aune du XXe siècle, comme une conséquence des deux conflits mondiaux. Il en démontre factuellement les influences maçonniques, l’imposition par le haut (les instances internationales déconnectées du réel, de l’ONU et ses satellites aux ONG) et la propagande permanente universelle d’une révolution totalitaire portée par ses sujets eux-mêmes, c’est-à-dire vous et moi. La thèse de Peltier n’est pas complotiste. Pour qu’elle le fut, encore eut-il fallut qu’il y ait une volonté de cacher, de dissimuler ; or, il n’en est rien. Et ce depuis la moitié du XXe siècle (nous pourrions dater les prémisses aux 14 points de Wilson et à la création de la Société des Nations – SDN). La multiplication des organisations internationales (politiques, économiques, d’influence, de la CEE à l’ALENA en passant par le groupe Bilderberg) traduit concrètement et ouvertement cette volonté d’une gouvernance mondiale qui se doit d’être incontestable. Il s’agit donc, pas à pas, d’écarter des cercles de décisions ce(ux) qui ne pense(nt) pas droit. D’abord, les défenseurs de la nation, rendus infréquentables par l’atroce paroxysme hitlérien ; puis les sceptiques de l’écologie et du réchauffement climatique d’origine anthropique, ceux de l’immigration naturelle qui aurait toujours existé, les rebelles de la santé universelle… Qui ne va pas dans le bon sens est diabolisé, plus ou moins violemment, et en fonction des intérêts du moment. La Fontaine avait, comme toujours, raison : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
L’Arc-en-Ciel est une révolution totalitaire, dans le sens où elle embrasse tous les domaines du vivant et s’appuie sur le contrôle des citoyens par les citoyens (le totalitarisme est la dictature de l’individu sur l’individu, pour reprendre les termes de Claude Polin), seul moyen efficace de s’imposer, incomparablement plus efficace que la coercition… C’est d’autant plus diabolique que l’Arc-en-Ciel n’a pas – et là je suis en désaccord avec Peltier – que des mauvais côtés. Ainsi, je suis le premier à apprécier avec curiosité d’autres horizons gastronomiques, culturels, cinématographiques, musicaux, artistiques… que le mien. Même si je rejoins Peltier quant à l’uniformisation des goûts et des productions sous influence US (et bientôt sino-indienne), cette « gloubiboulgaïsation » du monde a des effets pervers et particulièrement détestables… mais qui par ricochet provoquent une prise de conscience des traditions et des cultures singulières qui se revendiquent en tant que telles, s’affichent et se défendent. Et vous constaterez comme moi la multiplication des émissions télé, blogs, chaînes YT… consacrées à la tradition (ce qui ne passe pas, selon Dominique Venner), au risque, d’ailleurs, d’une folklorisation contre-productive.
Martin Peltier achève son ouvrage en montrant que cette révolution Arc-en-Ciel tolérante, écologique, ouverte, antiraciste… s’avère être une véritable religion, et tend à ériger son église avec son clergé et ses hérésies. Nous ne le suivrons pas forcément sur ce terrain, toutefois nous vous invitons à le lire pour vous faire votre opinion.
L’essai de Martin Peltier est une œuvre essentielle, singulière, certes iconoclaste et provocatrice, mais fondamentale pour appréhender la marche du monde tel qu’il va, et se forger une opinion éclairée. Hélas, je gage qu’étant donnée la personnalité controversée de son auteur (ou son anonymat pour la majorité, et pour cause) et de la maison d’éditions (pourtant excellente maison, qui regorge de pépites – et Dieu sait que je ne suis pas une grenouille de bénitier), il ne sera pas débattu de l’Arc-en-Ciel dans les médias de grands chemins. C’est regrettable. Si cette chronique quelque peu foutraque a suscité votre curiosité, mon objectif sera atteint : offrir à mes lecteurs de penser contre eux-mêmes et, partant, de ne rien céder à l’inertie ambiante.
Dans sa fable « Le Loup et le Chien », La Fontaine, encore lui, nous montre à quel point la Liberté est un choix difficile et périlleux. Tenter de comprendre, au risque d’être choqué ou bouleversé, voire même convaincu par une analyse autre, c’est exercer sa liberté. Le mot de la fin est pour Ernst Jünger, « tout confort se paie. La condition d’animal domestique entraîne celle d’animal de boucherie. »
Philippe Rubempré
Martin Peltier, Le vrai nom du grand bordel : Arc-en-Ciel, Les Éditions du Verbe Haut, février 2025, 331p.