
Second roman du Hussard Mathias Kessler (après Pays réels, La Giberne, 2023), Les Bibliophiles nous infusent dans les arcanes fangeux de l’édition française. Entre copinage, magouilles et perfusions étatisées de petites structures éditoriales sans lectorat, le portrait brossé par le romancier – également éditeur au sein de la maison qu’il a fondée (et qui le publie), la Giberne – est pour le moins sarcastique, quoique tout à fait réaliste. Les Bibliophiles sont un roman, donc – vous connaissez la formule –, toute ressemblance avec des personnes existant… Vous pouvez néanmoins vous amuser à deviner qui se cache derrière tel écri-vain ou telle maison d’éditions.
Les Bibliophiles forment une sorte de club, trois amis aux prénoms évangélistes, Mathieu, Marc et Luc, chacun poursuivant son ambition en littérature, velléités d’écriture, thèse universitaire ou négoce d’incunables. Tous veulent percer dans le milieu. Au hasard d’une soirée, la rencontre d’un présentateur de télévision prénommé Jean s’avère déterminante. Jean, comme le quatrième évangéliste, l’auteur de l’Apocalypse de saint Jean, ce qui signifie en grec « révélation »…
L’histoire est narrée par la compagne de Mathieu, on ne peut mieux placée pour nous plonger dans les remous de la quête de gloire et les abysses éditoriales, dont la faune et la flore n’ont rien à envier au marigot politicien de la décramotie contemporaine. Les bibliophiles élaborent des projets, développent des stratégies, font des plans sur la comète, montent et démontent, s’engueulent, se réconcilient, se perdent… pour quel bénéfice ? Les tensions souterraines inondent jusqu’au point de crue…
Pour le découvrir, il vous faudra lire ce beau roman, astucieusement composé, aux multiples références littéraires (titres d’œuvres, citations cachées…) et bibliques. Ces dernières rapprochant, ceteris paribus, Les Bibliophiles d’un conte philosophique.
Philippe Rubempré
Mathias Kessler, Les Bibliophiles, Éditions La Giberne, 2025, 315 p.