Courage ! Le manuel de guérilla culturelle de François Bousquet
Comment résister à la folie déconstructionniste – destructrice, en vérité – de notre triste époque ? Comment stopper les rouleaux compresseurs du wokisme et du Grand Effacement ? Pourquoi si, en tout cas d’après les médias de grands chemins, les enracinés ont « gagné la bataille des idées » et sont majoritaires, cela ne se traduit-il pas politiquement ? C’est à ces questions, et d’autres encore, que François Bousquet, rédacteur en chef de la revue Éléments et directeur de la Nouvelle Librairie, entend répondre et esquisser des solutions. Ou plus exactement, une solution ; qui tient en un seul mot : Courage !
S’appuyant notamment sur les figures de Soljenitsyne et Gramsci1, Bousquet s’emploie à décortiquer pourquoi et comment le gauchisme culturel (l’expression est du sociologue Jean-Pierre Le Goff, je crois), véritablement civilisationnicide, écrase tout sur son passage lors même qu’il est ultra-minoritaire (ce n’est après tout qu’une maladie infantile de la gauche qui métastase, pour paraphraser Lénine). Il en explique les mécanismes et montre comment lutter. Le grand écrivain et dissident russe a, dans un discours à Harvard resté fameux2, constaté et analysé ce Déclin du courage, et donné des clés pour l’affronter. Bousquet en développe deux : le refus absolu du mensonge3 et l’élimination des « mouchards ». S’appuyant sur Sun Tzu4, il nous enjoint à la guérilla culturelle, à cette guerre de mouvement asymétrique et imprévisible qui permet de faire bouger la fenêtre d’Overtone et de reconquérir le terrain des idées, préalable à toute action politique conséquente.
Le « manuel de guérilla culturelle » proposé par François Bousquet n’implique pas nécessairement une symbiose intellectuelle avec l’auteur. C’est une œuvre d’intelligence, très bien écrite – et drôle à bien des égards, Bousquet tirant l’ironie comme Cyrano son épée – qui remet la civilisation et le bien commun au cœur des préoccupations, à l’opposé des idéologies mortifères et des lubies assassines de la technoscience, de la finance et du wokisme conjugués.
Courage ! est une œuvre d’espérance, loin du pessimisme ambiant, mais sans béni-oui-ouisme pour autant. Œuvre lucide, qui ne manque pas de mettre à l’honneur Le samouraï d’Occident, Dominique Venner, pour qui « exister, c’est combattre ce qui me nie. Être un insoumis (…) cela signifie être à soi-même sa propre norme par fidélité à une norme supérieure. S’en tenir à soi devant le néant. Veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse. Préférer se mettre le monde à dos que se mettre à plat ventre ». Pour cela, François Bousquet nous invite à faire preuve de Courage !
Philippe Rubempré
François Bousquet, Courage ! Manuel de guérilla culturelle, éditions La Nouvelle Librairie, 2019, 250 p.
11891-1937. Écrivain et philosophe communiste italien, théoricien du combat culturel.
2Alexandre SOLJENITSYNE, « Vivre sans mentir », in Révolution et mensonge, Fayard, 2018.
3Nous pouvons ici rapprocher Soljenitsyne de Péguy qui écrivait : « Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » ; ou encore : « Celui qui sait la vérité et ne gueule pas la vérité se fait le complice des menteurs et des faussaires. »
4SUN TZU, L’art de la guerre, trad. Du chinois par le père Amiot, Mille et une Nuits, 2000.
Lectures avril
- Histoire d’une falsification. Vichy et la Shoah dans l’Histoire officielle et le discours commémoratif – Jean-Marc Berlière, Emmanuel de Chambost, René Fiévet
- Éloge de la force – Laurent Obertone
- O.S.S.E.X Ottawa que je m’y mette – Rod Gray
- Squeak the mouse revival – Mattioli
- Le Magasin des accessoires – Arnaud Bordes
- Le Hussard ne perd pas le Nord – Bruno Favrit
- Rouge et jaune pour le Hussard – Thierry Bouclier
- Docteur Geikil & Mister Hussard – Pierric Guittaut
- Le Hussard porte le shako – Jean-Claude Sacerdot
- Le Hussard et le Dragon – Jean-Michel Conrad
- Le Hussard et le cadavre de l’île d’Yeu – Thierry Bouclier
- Erreur mortelle – Philippe Randa
- Pinocchia – Jean-Pierre Gibrat & Francis Leroi
- Des immortelles pour mademoiselle – Ange Bastiani
- Meurtre à Canton – Robert Van Gulik
- Teens at Play #1 – Rebecca
- Tunnel – André Ruellan
- Mendiants et orgueilleux – Albert Cossery
Vivre autonome – Salsa Bertin
Chacun de nous a l’image en tête du survivaliste ricain surarmé et défendant son bunker dans l’attente de l’Apocalypse… Aux antipodes de cette version Rambo quelque peu caricaturale du courant survivaliste, Salsa Bertin, entre autres journaliste gastronomique, se propose avec Vivre autonome. Le survivalisme à la française de nous guider dans cet univers autonomiste, en en expliquant tenants et aboutissants. Son ouvrage tient donc à la fois de l’essai, du guide et du manuel pratique. Très structuré, doté d’index et d’une table des matières détaillée, il est facile d’approche, tant pour une lecture cursive que pour une consultation ponctuelle et précise.
Dès son avant-propos, Salsa Bertin singularise le survivalisme à la française, qu’elle a à cœur de distinguer de son cousin d’outre-atlantique, et qu’elle préfère nommer autonomisme. Dans la version française, l’homme reste un animal social ; l’autonomie ne rime pas avec l’autarcie. Ainsi, l’entraide, le partage ou encore la gratuité sont des valeurs cardinales du mouvement autonome à la française. L’homme ne peut s’en sortir seul.
Pourquoi Vivre autonome ? L’auteur prend soin de constater les insuffisances de nos gouvernants et les incohérences du système capitaliste financier globalisé, ainsi que toutes les attaques virulentes qui en découlent, contre nos libertés, notre santé, la nature, la vie humaine… Elle relève non sans une certaine jouissance ironique quelques réalités contemporaines bien concrètes que la science-fiction avait prédites, que ce soit en termes de technosciences ou de sécurité et de libertés (les récentes réécritures wokistes des œuvres de Roald Dahl ou d’Agatha Christie attestent que le roman 1984 de George Orwell se concrétise sous nos yeux, sans que ça ne dérange grand monde, d’ailleurs – et hélas !). Salsa Bertin en conclut à la nécessité – ou du moins, à la profonde utilité et à la grande pertinence – d’un mode de vie autonome, en accord avec la nature et la biologie, écologique au sens propre du terme.
S’en suivent les chapitres et pages pratiques constituant un véritable guide, avec références techniques et bibliographiques. De très nombreux aspects sont abordés, de la maison autonome à la gastronomie, du jardinage à l’eau potable, et viennent utilement enrichir vos connaissances et compétences, donc augmenter votre liberté, votre capacité à penser et agir par vous-même.
Tout l’intérêt de l’ouvrage de Salsa Bertin est de présenter un mode de vie sain, économique et écologique, accessible à tous à des degrés divers. Il sera utilement complété pour la réalisation concrète de votre base autonome durable du guide de référence de Piero San Giorgio, Survivre à l’effondrement économique (Culture & Racines, 2020, préface de Michel Drac). Loin d’un mouvement extrémiste « anti-système », le mode de vie autonome défendu avec talent par Salsa Bertin s’inscrit dans la vie et est ancré dans la société ; il rayonne par l’exemple qu’il diffuse. Il reste peu apprécié des autorités, qui ne manquent pas de lui chercher des poux car c’est un mode de vie qui vous rend vos libertés, si ce n’est votre liberté, en vous permettant en toute légalité d’échapper un tant soit peu aux diktats politiques, économiques ou sociétaux du temps. Le mode de vie autonome ne menace en rien, n’en déplaisent à certains, la démocratie, ce régime qui est, parait-il, le pire à l’exception de tous les autres (ce dont, à titre personnel, je doute de plus en plus, au regard de l’expérience et des perspectives…).
Philippe Rubempré
Salsa Bertin, Vivre autonome, Éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2023, 263 p.
Xavier Eman moraliste
Serait-il le nouveau La Rochefoucauld (célèbre auteur des Maximes, prénommé François) ? Avec Hécatombe (Éditions de la Nouvelle Librairie, 2021, préface de David L’Épée, illustrations de Gallic), Xavier Eman, rédacteur en chef de l’excellente revue Livr’arbitres et chroniqueur au magazine Éléments, entre autres, nous livre ses « pensées éparses pour un monde en miettes ». Il se montre tantôt grave, tantôt ironique, piquant souvent, radical au sens premier du terme, et toujours juste pour porter l’estocade à notre monde, ne s’épargnant pas plus que ses amis politiques ou ses adversaires. Un La Rochefoucauld contemporain qui ne compte pas pour rien, moraliste drôlatique et percutant tant dans ses scènes croquées sur le vif que dans ses réflexions jetées comme des peunchelaïnes, comme on dit dans cet affligeant et omniprésent globish.
Un prof ne devrait pas dire ça…
… mais tout parent ayant des enfants scolarisés devrait lire ça. Les livres, essais ou romans, traitant du naufrage de l’éducation nationale depuis 40 ans ne manquent pas, et, me direz-vous, un de plus ou un de moins… Oui, mais, car il y a un mais, l’auteur, Ève Vaguerlant, ne traite pas des marges de l’éducation nationale ; elle n’enseigne pas (ou pas essentiellement) dans des établissements défavorisés ou dans les dits Territoires perdus de la République (périphrase qui en dit long sur le déni de réalité et la démission des élites de droite comme de gauche, mais surtout de gauche) ; elle enseigne dans des établissements « normaux », au sens où ils se situent dans la norme, ni établissements d’excellence de facto réservés à l’élite, ni à la lie où croupissent ceux qui n’ont pas la possibilité d’aller ailleurs (faute de connaissance du système, de piston, ou…). Des établissements que nous pouvons légitimement supposer représentatifs de l’état général de l’enseignement en collèges et lycées. C’est de ce point de vue que le témoignage d’Ève Vaguerlant prend une tournure particulièrement inquiétante. Il est en effet illusoire de croire que tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des systèmes éducatifs possibles, sauf à nier les inégales capacités et compétences des élèves, sans parler de leurs centres d’intérêt. Concrètement, l’ouvrage s’interroge en deux temps, pourquoi les profs se plaignent-ils autant ; et pourquoi le niveau des élèves est-il aussi bas.
Entre une hiérarchie trop souvent carriériste ou pas-de-vaguiste qui les lâche à la moindre difficulté, (quand elle ne les crée pas ex nihilo) et trop de parents qui voudraient que leur petits choux chéris d’amour réussissent sans efforts (vous comprenez, c’est de la maltraitance de les obliger à bosser), les profs sont pris entre deux feux hostiles, et l’exercice de leur mission – l’instruction, essentielle pour la Nation – devient très compliqué, voire dans certains cas littéralement impossible. Comment instruire si la parole de l’élève vaut celle du professeur ? Comment instruire si demander aux élèves de travailler, d’apprendre, de réfléchir est jugé inutile (tout se trouvant sur l’Internet, la culture générale est devenue, à en croire certains, vaine et même discriminante) ? Comment instruire quand l’évaluation est jugée humiliante ? Comment instruire quand exercer son autorité professorale (pour avoir le calme en cours, ou établir des faits contestés par les superstitions de certains élèves, de plus en plus nombreux) est considéré comme fasciste ? J’en passe et des pires. Vous pensez que j’exagère ? Lisez le témoignage de Vaguerlant, et renseignez-vous.
À cela s’ajoutent les entrismes idéologiques de tout poil, wokiste, islamique, néo-féministe, ellegébétiste, gauchiste… L’école fut longtemps un sanctuaire, épargné par les questions politiques ou « sociétales ». Grâce aux criminels pédagogistes (Meirieu et consorts), elle ne l’est plus. L’école s’est ouverte sur la société dont elle est devenue un condensé des problèmes. Il faut reconnaître que cela n’aurait pas été possible sans le concours éminent de certains syndicats gauchistes de l’éducation nationale, de la FCPE, et sans l’inconsistance voire la lâcheté de la plupart des ministres de l’éducation nationale, au premier rang desquels Lionel Jospin (cf Creil, 1989). Les (rares) tentatives de réformer intelligemment l’école, c’est-à-dire de remettre les savoirs au cœur du système (et non l’élève), se heurtent à la résistance farouche d’une hydre syndicalo-administrative ultra-idéologisée, considérant comme facho toute opposition, aussi courtoise, argumentée et légitime soit-elle, et ne reculant devant aucune pression pour asseoir son petit pouvoir. Le pédagogisme obligatoire allié à la propagande permanente a découragé de nombreux enseignants qui ont démissionné, au sens propre comme au sens figuré, pour avoir la paix. Les rares résistants ont contre eux la hiérarchie, l’inspection et les parents. Je ne peux que vous inciter encore une fois à lire ce témoignage important, et vous renvoyer vers les essais de Jean-Paul Brighelli, Natacha Polony et d’autres sur l’éducation.
À chacun de s’emparer de cet ouvrage édifiant autant qu’inquiétant signé par Ève Vaguerlant. Rien n’indique, hélas, que les choses vont évoluer dans le bon sens. Le contraire est à redouter, et certainement le plus probable. Le ministre en exercice, Pap Ndiaye, a tellement confiance dans le système éducatif à sa charge qu’il scolarise ses propres enfants à l’École alsacienne, établissement d’excellence s’il en est, réservé à la progéniture d’élite.
Philippe Rubempré
Ève Vaguerlant, Un prof ne devrait pas dire ça. Choses vues et choses tues dans l’éducation nationale, L’Artilleur, 2023, 191p.