Ab hinc… 348

« Les victimes sont complices du système qui les oppresse et les prive de dignité. Tous coupables. Moi, en premier. » – Georges Darien
Le Nain Jaune – Pascal Jardin

En quelque 150 pages, le scénariste Pascal Jardin brosse un portrait à la fois solaire et rabelaisien de son père Jean Jardin, collaborateur de Pierre Laval, dit Le Nain Jaune. Avec panache, style et humour, l’auteur fait revivre cet homme étrange que fut son père, à la fois admiré, aimé et défié.
Par delà ce portrait et ses souvenirs, Jardin offre un texte profond et fin sur la famille et les relations filiales. À ce titre, Le Nain Jaune est à classer près du Professeur d’Histoire de Vladimir Volkoff et du Grand Santini de Pat Conroy, qui, mutatis mutandis, chacun à leur manière singulière, proposent de grands romans sur la figure du père. À lire ou relire en ces temps où tout devient la faute d’un paternalisme largement idéologique et fantasmé.
Le Nain Jaune a obtenu le Grand Prix du roman de l’Académie française, absolument mérité. Sa grande tenue littéraire nous ferait presque oublier que Pascal est le père d’Alexandre1, écrivain également, mais qui n’est objectivement pas de la même trempe2.
Philippe Rubempré
Pascal Jardin, Le Nain Jaune, [Julliard, 1978], Presses Pocket, 1984, 158 p.
1Alexandre Jardin a notamment écrit Le Zubial, sur son père Pascal, paru en 1997, et Des Gens très bien, portrait contesté de son grand-père Jean, en 2011.
2Je vous renvoie à l’article de Philippe Muray « Effroyable Jardin » paru en mai 2004 dans L’imbécile et repris dans Exorcismes spirituels IV Moderne contre Moderne, in Essais, Les Belles Lettres, 2010, pp. 1499-1502.
L’étrange Monsieur Joseph – Alphonse Boudard

Avec sa gouaille poivrée à l’argot des fortif’s, Alphonse Boudard, ex-tubard, ex-taulard, fait revivre la figure caméléonienne de Joseph Joanovici, ferrailleur juif né en Bessarabie (actuelle Moldavie) ayant accumulé une fortune immense en un temps record pendant l’Occupation en France. Il est probable qu’on ne connaisse jamais l’exacte vérité, le fin mot de l’histoire quant au charismatique et étrange Monsieur Joseph. Il est de ces personnages ambigus, juif fréquentant la Carlingue (la Gestapo française), le 93 rue Lauriston des sinistres Lafont et Bonny, le gratin du S.D. (Sicherheitsdienst, service de renseignement de la S.S.) et de l’Abwher (celui de la Wehrmacht) tout en faisant libérer, sonnant et trébuchant, juifs, malfrats ou résistants et en finançant des réseaux comme Honneur de la police…
Son procès à la fin de la guerre sera retentissant et déchaînera les passions. Finalement condamné pour ses relations économiques avec l’ennemi, Joanovici ne se remettra pas malgré une indéniable énergie vitale consacrée à défendre son honneur. Il terminera ses jours ruiné et malade, oublié de tous sauf de sa secrétaire, après avoir défrayé la chronique judiciaire des années d’après-guerre.

Boudard a croisé Monsieur Jo à la Santuche. Il a consulté les archives, rencontré les témoins. Son récit est une leçon d’histoire scandée en argot. Ici, les non-dits, les silences, les zones d’ombre incitent à l’humilité plus qu’au jugement à l’emporte-pièce. Bien malin qui saura la Vérité ; bien vantard et malhonnête qui prétend La connaître… L’étrange Monsieur Joseph, une preuve de la faiblesse des esprits manichéens.
Philippe Rubempré
Alphonse Boudard, L’étrange Monsieur Joseph, Pocket, 1998, 349 p.
Lectures septembre
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- Oedipe sur la route – Henry Bauchau
- Ménagères en chaleur – Armas
- BREUM #1 Attention ça va piquer ! – Marsault
- Contes à faire rougir les petits chaperons – Jean-Pierre Enard
- BREUM #2 Blindage et liberté – Marsault
- BREUM #3 C’est pas la taille qui compte – Marsault
- Dernière pute avant la fin du monde – Marsault
- Girl next door – Mapp
- FDP de la Mode #2 L’ultime croisade – Marsault & Papacito
- Bordel de Dieu – Marsault
- Histoire de Bretagne – Jean-Pierre Le Mat