Journal d'un caféïnomane insomniaque
dimanche novembre 24th 2024

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La Dame au cabriolet – Guiou & Morales

« Comme si le monde d’avant s’autorisait une dernière Suze avant de se faire hara-kiri. »

Retour de Thomas Morales au polar et à quatre mains. Après Les Mémoires de Joss B. et Madame est servie, Morales s’associe à Dominique Guiou pour nous embarquer avec La Dame au cabriolet. Ce polar léger, stylé, chapitré en chansons, se déguste avec un doux plaisir nostalgique, en compagnie des chanteurs italiens, des jolies mécaniques et des clins d’œil littéraires et cinématographiques.

Yvonne Vitti, détective privé, se voit confier par le bel Orlando la recherche de son frère, Stéphane Castigliano. L’affaire tourne vinaigre, et de Paris à la Corse, à bord du coupé Saab ou d’une Méhari, les péripéties s’enchaînent, les intrigues se croisent et s’entrecroisent, on se trompe, on se tue, on s’enlève, on se retrouve… La recherche du mystérieux Stéphane n’est pas un long fleuve tranquille !

Guiou et Morales excellent à faire vivre une galerie de personnages truculents et bien campés, hauts en couleurs, à l’image de la journaliste Brigitte Lemercier ; des vraies « gueules », comme dans le cinéma d’Audiard ou les romans de Simonin, mais bien contemporaines. Roman actuel, contexte Covid, La Dame au cabriolet exhale pourtant des fragrances de l’âge d’or du polar à la française, et fleure bon la grande époque des Fleuve Noir (Spécial Police, San Antonio, Espionnage…), de la Série Noire ou du Masque (la collection, pas l’insupportable slip facial).

À la fois léger et profond, racé et en-chanté, on redemande un tour de cabriolet, qui plus est en compagnie de la charmante Yvonne Vitti !

Philippe Rubempré

Dominique Guiou & Thomas Morales, La Dame au cabriolet, Serge Safran Éditeur, à paraître le 2 juillet 2021, 157 p.

Fils de collabos, neveu de résistant – Jean-Pierre Cousteau

« On ne trouvera ici ni plaidoyer, ni rancune, ni procès ; seulement les souvenirs d’un homme dont le nom fut marqué au fer rouge de l’Histoire, et qui a su prendre sa vie à bras le corps pour se faire un prénom. »

Nicolas d’Estienne d’Orves (extrait de la préface).

Jean-Pierre Cousteau est le fils de Pierre-Antoine Cousteau (PAC), journaliste, polémiste, rédacteur en chef de Je Suis Partout, journal collaborationniste pendant les « heures les plus sombres de notre histoire » chères aux cendres de la Mitterrandie (aux côtés de Brasillach, Blond et Rebatet, entre autres), condamné à mort à ce titre, peine commuée en travaux forcés à perpétuité puis gracié en 1953. PAC est le frère aîné de Jacques-Yves, le célèbre commandant Cousteau, quant à lui résistant de la première heure, pourtant d’une fidélité sans faille à son frère. Voilà le contexte dans lequel s’inscrivent les souvenirs de Jean-Pierre Cousteau, fils du collabo PAC et neveu du résistant au célèbre bonnet rouge.

Jean-Pierre Cousteau retrace son parcours avec intelligence et pudeur, racontant son père, cherchant à comprendre, jamais à juger. En raison de la singularité de sa famille, l’auteur et sa sœur Françoise durent s’exiler chez leurs grands-parents en Angleterre, refusés dans toutes les écoles de la République en 1945. Paradoxalement, ce nom de famille a ouvert des portes et provoqué des rencontres riches, diverses, ingrates parfois… Jean-Pierre s’est fait un prénom en choisissant la médecine, devenu cardiologue, médecin de l’équipe de France de tennis puis de Roland-Garros.

L’auteur signe ici un portrait touchant de son père et de son oncle, le tableau d’un demi-siècle également, le deuxième du terrible Vingtième. Ses souvenirs sont suivis de morceaux choisis de la correspondance de PAC lorsqu’il était enfermé, toujours à propos de ses enfants chéris, qui donnent à voir tout le talent littéraire de PAC, toute son humanité aussi.

Enfin, une « Lettre d’un père à son fils » signée PAC et parue dans Rivarol le 17 novembre 1955 conclut l’ouvrage par d’intéressantes considérations sur l’époque et l’éducation qu’il est curieux et stimulant de lire en nos heures décadentes.

Philippe Rubempré

Pierre-Antoine Cousteau, Fils de collabos, neveu de résistant, Préface de Nicolas d’Estienne d’Orves, Via Romana, 2019, 195 p.

Lectures mai

  1. Happy Sex – Zep
  2. Sido – Colette
  3. Portés par un fleuve violent – Bruce Murkoff
  4. Arthur et Janet. À fleur de peaux – Cornette & Karo
  5. Paradise Island – Lu Ping & Teufel
  6. Erma Jaguar. L’intégrale – Alex Varenne
  7. Little Ego – Giardino
  8. Oh ! Giovanna ! – Giovanna Casotto
  9. Giovanna ! Si ! – Giovanna Casotto
  10. Cosmine. L’ère d’après la bombe – Scénario Silverio Pisu, dessin Remo Pizzardi
  11. Mister Mastermind 1 À la poursuite d’Olga – Franco Saudelli
  12. SAS Les enragés d’Amsterdam – Gérard de Villiers
  13. Caroline Choléra et le dauphin – Danie Dubos et Georges Pichard
  14. Fées en Folie – Wallace Wood
  15. De la démocratie en Pandémie. Santé, recherche, éducation – Barbara Stiegler
  16. Le Guide de la Sexualité épanouie – Léandri, Gotlieb et alii
  17. Plaidoyer pour un frère fusillé – Gabriel Bastien-Thiry
  18. Ironwood 1 Un diable dans la peau – Bill Willingham
  19. Samouraï – Eberoni
  20. Le Solitaire 2 Dan – Alain Mounier, Roger Brunel
  21. Le Diable dans la démocratie. Tentations totalitaires au coeur des sociétés libres – Ryszard Legutko
  22. La Guerre des Idées – Eugénie Bastié

Ab hinc… 302

« Mais la langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d’autant plus naturellement que je m’en remets inconsciemment à elle. Et qu’arrive-t-il si cette langue cultivée est constituée d’éléments toxiques […] ? Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelques temps l’effet toxique se fait sentir. » – Victor Klemperer, LTI. La Langue du IIIe Reich (1947), Albin Michel, 1996.

Cité in Barbara Stiegler, De la Démocratie en Pandémie. Santé, Recherche, éducation, Tracts Gallimard n°23, janvier 2021.

Ab hinc… 301

« … Je m’engageais donc sur la route que suivent les indifférents, les timorés, les résignés, ceux qui acceptent n’importe quelle tyrannie en prenant comme excuse qu’ils haïssent la haine et détestent la violence et qu’ils croient à l’amour universel. J’écrivis avec la force de l’ignorance, avec la conviction tirée d’un petit échec. J’ai vu les hommes se révolter, échouer et mourir misérablement, en pure perte, car tout redevint comme avant. Alors, à quoi sert la rébellion ? Mieux vaut rester tranquille. Je devais apprendre un jour que cette acceptation tacite de la tyrannie est le rempart le plus sûr de la tyrannie et que l’apathie, la crainte et l’indifférence sont les véritables meurtriers des Libertés de l’Homme. Mais cela ne devait venir que plus tard… »

Han Suyin, L’Arbre blessé.

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