Journal d'un caféïnomane insomniaque
mardi juillet 1st 2025

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L’Imposture (3/5)

De L’Imposture et de la Censure

A contrario du Bovarysme, Dom Pérignon millésimé de l’Imposture, la censure en est sa plus basse expression, la plus vile qui soit, elle et son hypocrisie inhérente. Danger suprême des sociétés humaines, de la liberté de l’Etre, de la liberté d’être, de penser et de s’exprimer. «  Je ne suis pas d’accord avec vos idées, mais je mourrai pour que vous puissiez les exprimer  ». Comme il avait raison, Voltaire, comme il a raison encore, toujours, envers et contre tous les censeurs, les Goebbels de la moralité, les ayathollas, bigots, grenouilles de bénitier et autres faces de carême  !

Rien ne justifie la censure, ni la protection de la morale, ni celle de la famille, pas même celle des enfants et encore moins celle d’un pouvoir politique quel qu’il soit. La bien-pensante qui considère que la censure est un outil pour protéger x ou y de toute forme d’expression jugée licencieuse, amorale ou dangereuse n’est qu’une infantilisation des êtres, une exonération de responsabilité, singulièrement des parents vis-à-vis de leurs enfants, finalement un assistanat de la pensée et de la morale. Ne prenez jamais les gens pour des cons, mais n’oubliez jamais qu’ils le sont… Telle pourrait être la devise des censeurs, de ces Goebbels de café du commerce, «  nazis pendant les guerres et catholiques entre elles  » dirait Jacques Brel…

Prenons l’exemple le plus frappant de censure et d’hypocrisie dans notre société (encore) démocratique (et heureusement, je m’en félicite et espère avoir toujours le courage de me battre pour qu’elle le reste, démocratique, citoyenne et responsable), la pornographie. La pornographie se définit étymologiquement comme le fait de montrer ou représenter (graphos) la prostituée ou la prostitution en tant qu’acte (pornos). Depuis toujours elle influence art et littérature. Ovide, Céline, Miller, certains livres de la Bible même (relisez le Cantique des Cantiques ou le Livre des Macchabées), j’en passe et des meilleurs. Mais voilà, elle se montre à l’écran, visible de tous et là, la morale refait son apparition en force et la loi X de 1975 se permet de détruire et de reléguer dans un ghetto une forme d’expression (non sans conséquences néfastes  : développement du gonzo, de l’abattage voire des snuff movies, si ces derniers ne sont pas qu’une légende urbaine…) qui ne fait que montrer des personnes adultes et consentantes en train de s’envoyer en l’air. Je parle ici de pornographie, pas d’érotisme. Interdit au moins de 18 ans  ! Ridicule et absurde quand nous avons la majorité sexuelle à 15 ans  ! Dépassé et hors de propos quand la moitié des gosses de 11 ans ont déjà vu un porno, la plupart du temps en se servant dans la vidéothèque de papa maman  ! La «  protection  » des enfants face à une forme de sexualité «  anormale  », n’est-ce pas de la responsabilité des parents  ? N’est-ce pas à eux de leur expliquer que c’est du sexe pour le sexe, de la performance et non pas de l’amour  ? N’est-ce pas eux de leur expliquer que ça existe justement car ce n’est pas un mode de relations sexuelles pratiqué dans les couples lambda  ? Que cela relève du fantasme plus que de la réalité (il y a toujours une exception pour confirmer la règle)  ? Je m’arrête là sur ce sujet racoleur et (un peu) caricatural, ce n’est pas mon propos.

Je veux souligner et affirmer le fait que la censure est de facto une aliénation de la liberté, c’est de facto considérer que les êtres sont trop cons pour faire la part des choses. J’admets tout à fait que les enfants n’aient ni l’expérience ni la culture nécessaire à l’exercice de ce libre arbitre, et j’affirme ici qu’il est du devoir des parents d’être responsables vis-à-vis d’eux. S’ils ne s’en sentent pas capables, qu’ils mettent des capotes.

Accepter la censure au nom de l’ordre et de la morale, c’est renoncer à sa liberté de penser et de s’exprimer, c’est-à-dire renoncer à sa condition d’être humain. L’animal n’est pas libre il est déterminé par l’instinct. Un homme ou une femme qui accepte une quelconque forme de censure pour quelque raison que ce soit devient de son propre fait (Sartre aurait pu dire, mais je ne veux pas parler en son nom, de son propre choix) un être bâtard, quelque part entre l’être déterminé et l’être dominé. D’aucun par confort et par lâcheté sont tentés de préférer une certaine forme de censure (même si il faut être honnête et reconnaître qu’en France elle est relativement light  ; mais elle existe en dehors de la définition du dictionnaire et c’est déjà trop). Le renouveau des intégrismes religieux de tout poil, les candidats politiques modérés de gauche comme de droite qui revendiquent un retour à l’ordre moral, voire pour l’une d’entre eux, qui revendique et assume qu’on la surnomme «  mère la pudeur  », en voilà la démonstration de la lâcheté d’une société de consommateurs incultes et irresponsables. Tant qu’ils ont du pognon, un pavillon en banlieue, le match de foot le dimanche et qu’ils peuvent sortir madame et les gosses en vacances une ou deux fois par an, rien ne les dérange  !

Je vous le demande, et je finis par me le demander, à quoi ont servis les philosophes grecs, les poètes, les dramaturges, Christine de Pisan, l’Humanisme d’Erasme, Rabelais, les Lumières, les révolutions littéraires et poétiques du XIXème et du XXème Siècles  ? Revient-on aux procès de 1857  ? Flaubert et Baudelaire doivent se retourner dans leur tombe  ! Les génies sont pourtant là, pas chez les censeurs.

Autres exemples dans le domaine artistique (en bref). Tarquini, avec son œuvre inspirée de «  L’origine du monde  » de Courbet. Censurée à cause d’une plainte d’une intégriste catholique  ! Doit-on interdire le Musée d’Orsay aux mineurs à cause de Courbet  ? Mesdames et messieurs les culs-bénits, pères la morale et autres mères la pudeur, vous êtes tous nés d’une partie de jambes en l’air, et arrivés en ce bas monde par là où Courbet et Tarquini le montrent. Naturel, pas choquant.

Il faut tout de même préciser ici qu’en France une ridicule (par sa taille) association religieuse ou familiales peut faire interdire en justice une œuvre au nom de la morale  ou de l’atteinte à la religion (nous sommes en France un pays laïc depuis le 9 décembre 1905  !) ou de la protection de l’enfance  ! Les beaux prétextes que voilà  ! Henri-Claude Cousseau en fait les frais à l’heure actuelle (je n’oublie pas Stéphanie Moisdon et son autre collègue également mises en examen), comme par hasard 5 ans après la fin de l’exposition dénoncée et au moment du retour de la droite catholique et moraliste à Bordeaux  !

La censure n’est que lâcheté et hypocrisie, quelle qu’en soit sa forme. En prenant les êtres pour des cons et en les exonérant de l’exercice de leur libre arbitre (ce qui implique de les laisser dans une illusion de culture – une députée de droite soutenait hier soir en campagne un bac à 6 voire 3 épreuves au lieu de 12 ou 9 à l’heure actuelle, elle veut tuer la culture générale des lycéens, en faire de parfait consommateurs contribuables si possible électeurs  ; elle tue ce qui a fait la force de l’Education Nationale française, la culture plus grande qu’ailleurs des gens qui en sortent car le pragmatisme immédiatement rentable économiquement était considéré moins bénéfique aux étudiants que l’acquisition d’une certaine culture générale, et par conséquent d’un libre arbitre singulièrement plus développé), la censure abrutit les êtres, et donc les rend dangereux. Elle peut même les fanatiser et elle devient criminelle. Le potentiel néfaste et désastreux de la censure est incommensurable. Je veux cependant nuancer ce propos. La censure en tant que telle n’est pas un crime, c’est juste une connerie. Et c’est pire.

Je veux revenir ici sur des termes que j’ai employés à plusieurs reprises, Goebbels, nazi, ayatholla, face de carême, grenouille de bénitier ou bigot. Le lecteur peut avoir le sentiment d’une assimilation malsaine du censeur avec le nazi, l’islamiste et le catho intégriste. Il n’en est rien et je veux clarifier cette position.

Tous les censeurs sont égaux entre eux, mais il y en a certains qui sont plus égaux que d’autres. Je veux dire par là qu’il est évidemment absurde, faux et insultant de mettre sur un même plan Goebbels et les nazis, les intégristes religieux de tout poil, les croyants sincères et les politiques comme Alain Peyrefitte, ancien ministre de l’Information. Il y a dans ces groupes (dont la liste n’est pas exhaustive) incontestablement des salopards d’un côté, et de l’autre, des gens respectables qui défendent leur vision de la liberté d’expression (avec laquelle je ne suis pas en accord parfait). Ces derniers je les combats sur le terrain de leurs idées, cependant je les respecte pleinement car ils sont honnêtes et je crois profondément démocrates.

Cependant, la censure procède toujours de la même logique et participe de la même démarche, empêcher un groupe de personnes d’avoir accès à une œuvre d’art ou de la pensée au nom de principes ou d’intérêts affirmés supérieurs à cette liberté. La seule chose, et la chose essentielle qui change dans le processus de censure entre Goebbels et Peyrefitte, c’est l’intention finale, et donc le degré d’application du procédé (qui implique le choix de la méthode à utiliser).

Il en est de même en ce qui concerne la religion (en général) et les croyants. Chacun a le droit d’avoir et de pratiquer sa religion, ou de ne pas en avoir. Moi de même. Cela relève de la liberté de pensée et de conscience et il serait insensé que la censure vienne leur pourrir la vie. Chacun sait le mal que cela engendre. Je ne mets pas dans le même sac les fidèles et les intégristes.

Ceci étant posé, je crois qu’il n’est plus possible de me taxer d’intolérance ou de mépris envers qui que ce soit. Je défends ma conception de la liberté d’expression car je la pense juste et je suis intimement convaincu que seule une liberté d’expression totale permet de réduire les extrémismes, intégrismes, communismes ou fascismes de tout bord et toute tendance. Je le crois car cela ôte de facto à tous ces idéologues toute justification à leurs actes puisqu’ils ont la liberté d’exprimer leurs opinions, aussi contestables soient-elles. Les priver de cette liberté les pousse dans la clandestinité et le terrorisme, et leur permet de justifier, comble de l’ironie, au nom de leur propre liberté bafouée, des actes ignobles (et le mot est faible).

Le combat se mène sur les idées en les confrontant, pas en les censurant. Je crois qu’en démocratie libre, le citoyen combat les idées qui ne sont pas les siennes, librement, et juge les actes qui répondent devant le choix de contraintes consenties pour le vivre ensemble (contraintes nécessaires, homo homini lupus).

Ceci n’est pas un cri de haine envers les personnes qui pensent différemment de moi, mais bien un cri d’amour, un cri d’amour éperdu et passionné de la République, de la Démocratie, des Etres Humains et plus que tout de la Liberté.

Ce même cri d’amour qui me fait dénoncer toutes les lois mémorielles qui se multiplient depuis quelques années, lois au service de lobbies qui empêchent historiens, philosophes et journalistes (j’en oublie sûrement) de faire leur travail correctement. Ainsi les lois Gayssot, Taubira, la loi sur le Génocide Arménien et d’autres encore. Je n’ai aucun doute sur la réalité de l’Holocauste ni sur celle du Génocide Arménien, pas plus que sur celle de l’esclavage et du commerce triangulaire. Pas plus que je ne doute des intentions nobles de leurs inspirateurs et des législateurs qui les ont votées et de l’exécutif qui les a promulguées. Ce que je regrette profondément, c’est que ces lois sont dénaturées et détournées par des lobbies au nom d’intérêt communautaristes ou particuliers. Vous en doutez  ? Vous pensez que j’exagère  ? Voyez Monsieur Olivier Pétré-Grenouillot, immense historien réputé, qui a osé faire état dans un ouvrage de recherches historiques menées intelligemment et scientifiquement, traduit en justice pour avoir minimisé les faits. Ou plus exactement, avoir énoncé une vérité historique qui déplaît à certains communautarismes victimo-vengeurs (30 novembre 2013). Les associations à l’origine de ce procès ne rassemblent qu’un ramassis de censeurs incultes autant qu’intolérants qui au nom de la protection contre le racisme et de la reconnaissance de l’esclavage interdisent à un historien d’établir une vérité différente de leurs fantasmes de victimisés (et non de victimes. Les descendants de personnes réduites en esclavage il y a deux ou trois siècles ne sont pas plus des victimes que les descendants de présumés communards déportés à Cayenne sans preuve réelle).

Mais revenons au sujet qui nous préoccupe, l’Imposture. Je vous ai dit en ce début de chapitre que la censure est la forme la plus basse et la plus vile de l’Imposture. Hélas, c’est une Imposture, une imposture scélérate certes, mais une imposture quand même, qui vise à éloigner d’une manière coercitive ou sournoise une majorité de personnes de la réalité d’idées ou d’œuvres dont l’influence est potentiellement néfaste aux imbéciles qui les censurent. Je conclus ainsi et de manière très brève ce thème de la censure. Rien à ajouter de plus, la démonstration est à mon sens évidente, la censure est la forme la plus basse, la plus vile, la plus ignoble, la plus scélérate, la plus traître, la plus pourrie, la plus immonde, la plus dégueulasse, la plus déshonorante et j’en passe et des pires (je n’ai que litotes à produire, mon vocabulaire est bien limité, inculte que je suis) de cette noble conception de la Vie qu’est l’Imposture.

A CUL LES CENSEURS, VIVE L’IMPOSTEUR  !

Ab hinc… 105

« C’est toujours un grand malheur, une grande cause de découragement pour des artistes, que de n’être payé que par un gouvernement, si éclairé qu’il soit. Ils sont ainsi privé des leçons directes du public. » – Stendhal

L’Imposture (2/5)

De l’Imposture et du Bovarysme

Jamais nous ne remercierons assez Gustave Flaubert de nous avoir offert cette œuvre magnifique et salutaire qu’est Madame Bovary. De son art découle la notion de Bovarysme. Faut-il bien l’avouer  ? Je suis gravement atteint par ce mal à la fois sublime et mortel, subtil et douloureux.

Vous allez me poser inévitablement la question, mais quel rapport entre l’Imposture et ce «  Bovarysme  » dont vous nous rebattez les oreilles depuis quelques lignes. Eh bien, je crois que le Bovarysme est la forme ultime de l’Imposture, sa Noblesse la plus prestigieuse, et en même temps la plus destructrice. Le bovaryste est un Imposteur, le plus grand et le plus beau qui soit  ; l’inverse n’est pas automatique…

Trêve de palabres, entamons les préliminaires. Commençons déjà par définir ce qu’est le Bovarysme, ou plus modestement notre définition subjective de cet état. Le Bovarysme est, comme le laisse supposer son origine, intiment lié aux livres, ou plus exactement à la lecture et à l’abandonnement auquel elle conduit, parfois jusqu’à la perte de tout repère. Je le décrirai avant tout comme l’état d’une personne, nécessairement une lectrice, état qui lui fait préférer son univers propre créé au travers de ces errances littéraires, ou par extension artistiques en général. Le Bovarysme amène à ne plus considérer le monde «  réel  », à en avoir peur et à le fuir  ; à l’extrême, ce mal délicieux provoque une confusion profonde entre réalité et imaginaire, produit de lectures. Un rêve qui peut basculer à chaque instant dans le cauchemar, jusqu’à la mort…

Jusqu’à cette mort vécue, oui je dis bien vécue, car l’être bovaryste meurt en entrant dans la peau d’un autre et ressuscite quand il en sort… quand il en sort… car tel est le danger mortel et précieux du Bovarysme, le bonheur de mourir  ? non, la joie d’une certaine mort, de la fin d’une partie de notre être qui est et vit de ce monde honni et abhorré… Folie ou suicide… au choix. Imposture, certes et de la plus belle et plus noble manière (au sens italien du terme) qui soit  !

Au comble de ma folie prétentieuse, non seulement je me revendique IMPOSTURE, mais plus encore la plus merveilleuse, la Divine, JE SUIS BOVARYSTE  ! Mon cher Gustave, vous avez divorcé de ce sentiment, de cet folie douce et funeste que vous avez si bien exprimée  ; moi je ne veux pas la quitter, elle n’est plus folie, elle est Passion, comme toutes les passions, destructrice acharnée et mortelle… Tel est mon destin, je ne sais pas si je l’ai choisi, mais je ne veux pour rien au monde y échapper.

Alea jacta est…

Ab hinc… 104

« Le droit à la différence peut rapidement conduire à la différence des droits » – Montesquieu

L’Imparfait du Présent – Alain Finkielkraut

D’emblée fâchons les ceusses-qui-ne-voient-Finkie-que-sous-le-prisme-du-conflit-israélo-palestinien, c’est-à-dire comme le colonisateur fasciste et « islamophobe » qu’il n’est pas et n’a jamais été. La lecture de cet essai, ou de cette chronique, nous a été lumineuse. Un vrai plaisir, intense intellectuellement autant que sur le plan littéraire. De là à dire que nous approuvons l’intégralité de ce que le livre expose, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Par modestie, de prime abord. Les textes relatifs au Proche-Orient nous interpellent, d’autant plus que nous fréquentons artistes et intellectuels en profond désaccord avec Monsieur Finkielkraut ; ceci étant, nous nous refusons à tomber dans le piège de l’engagement – et si possible, nous tenterons d’éviter celui du dégagement. Nous avons la faiblesse de penser que ne connaissant pas suffisamment l’histoire, la géographie, la situation politique, sociétale et religieuse, notre « avis » sur la question serait infondé (comprendre fondé sur le sentiment et non la raison). Or, seule la pensée politique ou géopolitique fondée sur le droit et les faits est légitime, réaliste, raisonnable, pour ne pas dire souhaitable. Pour toutes ces raisons, nous ne chroniquerons pas non plus les textes relatifs au conflit en ex-Yougoslavie. Nous allons donc nous attacher à commenter d’autres thèmes abordés dans les textes de ce recueil du millénaire naissant, choisis en fonction de notre réactivité à leur lecture. Pas non plus d’analyse globale (pas d’analyse : c’est bon pour les Diafoirus de dispensaire), pas de chronique d’ensemble.

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Défense de la langue française et de la transmission de l’héritage culturel

Le cheval de bataille favori de Finkie ! Il en parle avec passion, argumente fougueusement et sans relâche pour enfoncer ce qui, à notre sens, devrait être une porte ouverte, mais qui est devenu une preuve de crypto-fascisme : pour être citoyen à part entière, pour « faire société » (nous empruntons cette horrible expression à Claude Askolovitch), il est fondamental de maîtriser la langue, l’histoire, la littérature du pays. Son héritage culturel. Une civilisation – une nation également, à moindre échelle – se définit par une géographie, une histoire et une langue (et même par un environnement et un climat) ; c’est-à-dire un héritage commun, le socle qui réunit l’ensemble des citoyens (appelons les ainsi), le corpus adopté par ceux qui souhaitent intégrer cet ensemble, et à partir duquel il devient possible d’imaginer et de construire un avenir commun. Ce système impliquant des valeurs, il est pour le « Bien » universel (quoique minoritaire) soupçonné d’être essentiellement raciste, dans le sens ou pour ces Gens là, tout ce qui pense différemment d’eux est raciste à sa manière. Pour le « Bien », tout se vaut. Les seules différences admises le sont dans le cadre d’un égalitarisme parfait. Hors l’égalité, point de salut. Juste des suspects. Le spectre de Saint-Just refait surface, avec ses escadrons de Fouquier-Tinville d’opérette. Finkielkraut, en s’efforçant de penser cet héritage culturel et son devenir, combat intelligemment ce « Bien ». Ce « Bien »qui prétend s’imposer au nom de valeurs universelles car elles sont les seules admises… et par conséquent sont tout, sauf des valeurs (nous appliquons le même raisonnement aux idéologies politiques et autres dogmatismes religieux). Finkielkraut défend remarquablement sa position, sa lecture est lumineuse… et ne manque pas d’humour, comme le démontre sa version paritaire de la fable de La Fontaine Le corbeau et le renard, qui ne manque vraiment pas de sel ! De ce point de vue, l’auteur souligne avec brio l’absurdité du « Bien » universel (et minoritaire, nous ne le répèterons jamais assez).

Cette défense de l’héritage nécessaire à l’élaboration de toute pensée (y compris la tabula rasa) pose en préalable le combat pour l’école et l’élitisme républicain. En cela, nous sommes en symbiose avec Alain Finkielkraut. Nous résumerons cette bataille essentielle pour la transmission en proposant un essai de définition de ce qu’est l’élitisme républicain. L’élitisme républicain n’est pas la doctrine consistant à tout donner aux meilleurs en laissant la masse à la ramasse ; l’élitisme républicain est la nécessité d’amener chaque enfant, chaque élève, chaque discipulus, au maximum de ses capacités et de ses compétences, tout en leur conférant le socle de connaissances minimum à l’exercice plein et entier de leur citoyenneté future, c’est-à-dire, à l’exercice de leur liberté (et donc de leur responsabilité sine qua non). Ceci implique qu’il existe une « inégalité » naturelle entre les êtres qui ne se fonde ni sur une prétendue « race » ni sur l’origine sociale, donc qui est inadmissible pour nombre de personnes. D’autant plus que l’excellence est par nature minoritaire. Or cette « inégalité », cette différence de capacités, de compétences, de connaissances fonde la richesse de l’Humanité. Et ne remet aucunement en question l’égale dignité de chaque être humain à la naissance.

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Défense critique de Renaud Camus

Nous croyons fermement qu’en matière d’opinion, de pensée, tout doit pouvoir être exprimé, et donc que tout doit pouvoir être critiqué, combattu ou défendu. Y compris de ce qui apparaît indéfendable, odieux, immonde. Tant que cela reste sur le plan du débat d’idées, de la dispute civilisée (pour reprendre une expression chère à Elisabeth Lévy), de l’affrontement argument contre argument. Plusieurs textes de cet ouvrage sont consacrés à la défense critique par Alain Finkielkraut de Renaud Camus. Constatons de prime abord que c’est courageux de sa part. Clarifions ensuite notre position : le fait que Camus soit homosexuel ou ait soutenu, de manière circonstanciée, Marine Le Pen, nous nous en tamponnons le coquillard. Insuffisant pour juger d’un écrivain (ou même d’un homme). Camus nous interroge par l’expression manifestement problématique d’une opinion sur une émission de France Culture intitulée Le Panorama (au moment de la parution du livre, le sulfureux n’avait pas, sauf erreur, théorisé son « grand remplacement(1) », lequel l’a définitivement rangé  du côté des infréquentables – ce qui présente l’avantage d’éviter de le lire, de penser, de réagir intelligemment). De ce que nous en savons, il a été reproché à Renaud Camus par Weitzmann (dans une tribune(2) publiée par Les Inrockuptibles) d’être antisémite pour avoir considéré que ladite émission radiophonique reflétait une forme de communautarisme juif. Nous ignorons la réalité de ce point (et nous nous en foutons). Nous constatons simplement que Camus a subit ce qu’il faut bien nommer un lynchage médiatique. Et c’est là ce qui nous interpelle, c’est là que la réaction de Finkielkraut nous apparaît raisonnable. Finkielkraut qui, vous nous le concéderez, ne peut être suspect d’aucune forme d’antisémitisme, d’anti-sionisme ou d’anti-judaïsme.

La République française est Une et Indivisible (nous voulons encore y croire), par conséquent, aucune forme de communautarisme n’est tolérable, même en version allégée. Pas plus juif que musulman, chrétien, homosexuel, de classe, féministe ou rouge et jaune à petits pois. La Nation française se compose de citoyens, donc d’individus. Pas de communautés. Le communautarisme, c’est la guerre. Froide dans le meilleur des cas ; civile au pire. Si donc Renaud Camus a dénoncé ce qu’il a jugé être une forme de communautarisme, il a eu raison de le faire. C’est parfaitement légitime quand bien même l’expression en serait maladroite voire outrancière. Et ses contradicteurs ont raison de réagir et sur la forme et sur le fond, mais avec des arguments. C’est sur le fond qu’il fallait répondre, au lieu de hurler au retour du loup nazi ! La sinistre reductio ad hitlerum est une arme de crétins infoutus de penser ou d’argumenter. C’est bon pour les incultes, les dogmatiques ou les personnes de mauvaise foi. Finkielkraut a, nous semble-t-il, adopté la bonne réaction en ayant l’honnêteté de donner la parole à Camus pour qu’il s’explique, clarifie et défende sa position, tout en lui assénant sa contre-argumentation (et il est redoutable en la matière). Réagir, même violemment, à la position exprimée par Camus est également légitime, à la condition sine qua non que la réaction soit argumentée et sur le fond. Le temps n’est plus au wergeld, aux ordalies ou au crime d’honneur. Le lynchage médiatique est une forme de procès stalinien sans même un simulacre de défense. Il vise à rayer un « mal pensant » de la carte. À le flinguer intellectuellement – et si possible financièrement (pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ?). En lui fermant les portes des éditeurs, des journaux, des médias… C’est presque réussi avec Renaud Camus. Nous en admirons d’autant plus Alain Finkielkraut de lui conserver son amitié et de l’assumer. Il semble que Finkie soit un homme d’Honneur (valeur désuète, ringarde pour une certaine gogôche, mais qui nous parait indispensable à toute forme de respectabilité). Enfin, vous nous excuserez, mais ne trouvant plus les ouvrages de Renaud Camus en librairie (et refusant tout commerce en ligne), nous n’avons pas lu le texte incriminé (juste les extraits soigneusement choisis par la presse pour justifier l’hallali). Ceci explique que nous nous exprimions sur la forme (le lynchage médiatique et ses avatars) et  non sur le fond (le supposé communautarisme juif du Panorama, émission que nous n’avons pas écoutée). Ne disposant que des textes de Monsieur Finkielkraut (ce qui ne nous suffit pas, avec tout le respect qui lui est dû), de Wikipedia et de quelques articles lus au hasard de recherches en ligne, l’honnêteté nous impose de nous abstenir de tout commentaire sur le fond. Après lecture, nous pourrons être amené à nous exprimer en connaissance de cause sur ce prétendu communautarisme de cette émission décédée.

***

Nous pourrions également commenter les textes relatifs au procès Papon, mais le terrain est glissant, surtout de nos jours. Cela mériterait un réel travail d’historien (ce qui est incompatible avec le politiquement correct et avec la réécriture des faits au nom d’impératifs politiques, dogmatiques, religieux, sociétaux… Nous vous renvoyons à l’affaire Pétré-Grenouillot et à la Loi Taubira(3) qui ne fait de l’esclavage un crime contre l’Humanité que lorsqu’il est le fait de Blancs, bien que les Arabes l’aient pratiqué plus longtemps et à plus grande échelle, mais il ne faudrait pas blesser la frange la plus fragile des jeunes issus de l’immigration – dixit Madame Taubira (4) elle-même). Nous concluons donc ici cette chronique en vous invitant à lire Alain Finkielkraut qui a le mérite de penser, de donner à penser et à contre-penser avec un talent littéraire certain et un sens de l’humour insoupçonné.

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(1)- Sur la théorie du « grand remplacement » de Renaud Camus à laquelle je fais référence, je vous renvoie à ses propres explications

http://www.bvoltaire.fr/renaudcamus/non-au-changement-de-peuple-et-de-civilisation,35190

Étant entendu que je n’approuve ni défends cette thèse, mais que, la mentionnant, je la soumets au débat et à la discussion (civilisée et argumentée, exclusivement).

(2)- Voici le texte de la tribune de Marc Weitzmann publié par « Les Inrockuptibles ». Je ne l’ai retrouvé que sur le site de Renaud Camus ; je suppose que le texte n’est pas tronqué (en tout cas je le souhaite).

http://www.renaud-camus.net/affaire/weitzmann.html

(3)- Sur la Loi Taubira relative à l’esclavage évoquée en conclusion, voici plusieurs liens :

– La loi

http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/esclavage.asp

– Un article critique publié par Causeur

http://www.causeur.fr/il-etait-une-fois-la-loi-taubira,17651#

– La position de Daniel Clairvaux (blog hébergé par le Nouvel Obs)

http://danielclairvaux.blogs.nouvelobs.com/tag/loi+taubira

(4)- Nous avons quelque peu reformulé ou interprété les mots de Mme Taubira quant à la question de l’esclavage. La justification exacte de Mme Taubira pour ne considérer comme crime contre l’Humanité que la traite négrière « blanche » est qu’il ne faudrait pas que les « jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes. » Comme si les jeunes Arabes étaient trop cons pour assumer et comprendre la réalité des faits historiquement établis…

Vous comprendrez que nous sommes en profond désaccord avec cette justification ; nous considérons que les jeunes Arabes (ou pas) sont capables de comprendre et de reconnaitre la réalité des faits.

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