Nos disparus est le second roman (admirablement) traduit (ici par Marc Amfreville) de Tim Gautreaux publié en France (après Le dernier arbre). Il justifie parfaitement son surnom de « Conrad des bayous »…
Arrivé pour se battre en France le 11 novembre 1918, jour de l’Armistice, Sam Simoneaux ne verra de la guerre que les opérations de « nettoyage » – comprendre de déminage – et les accidents qui en découlent. De retour à la Nouvelle-Orléans, il perd son poste de responsable d’étage dans un grand magasin le jour où la petite Lily Weller, âgée de trois ans, est enlevée sous son nez (et pour le malheur de son crâne). Pour retrouver son poste, Sam Simoneaux s’engage à ramener l’enfant. Il se fait embaucher comme troisième lieutenant sur l’Ambassador, le vapeur hors d’âge sur lequel travaillent les parents de Lily, chanteuse et musicien dans un orchestre de jazz, entre autres petits boulots de service.
Sam Simoneaux remonte donc le Mississippi à la recherche d’une gamine qui n’est pas la sienne. Il va croiser sur cette route sa propre tragédie familiale, du massacre de sa famille quand il était âgé de six mois à la perte de son premier enfant des suites d’une fièvre maligne.
Dans le Sud profond de la prohibition, des vapeurs à aube aux banques, de la Nouvelle-Orléans au trou du cul du Kentucky, de whisky de contrebande en gombo de poulet, les personnages se débattent pour vivre, ou survivre, entre nécessité de gagner sa vie, rêve d’un avenir meilleur, et sentiments plus ou moins avouables, de l’amour au sens de l’honneur en passant par la vengeance.
Le « Conrad des bayous » vous entraine dans un périple profondément humain et universel dans les questionnements intimes qu’il suscite. Une plume à lire, qui n’est pas sans rappeler par certains aspects Jim Harrison, et Pat Conroy par d’autres…
Philippe Rubempré
Tim Gautreaux, Nos disparus, Seuil, 2014, 540 pages, 23 euros
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