Après Le Tour de France de deux enfants, de G. Bruno, un des livres de chevet de mon enfance,ou les tribulations d’un Philibert Humm à travers une France baroque, bistrotière, seul ou en compagnie de son complice Adrian, voici que le tout jeune journaliste Valentin Schirmer, la petite vingtaine, rédacteur en chef de L’Étudiant libre et rédacteur en chef adjoint de Tocsin, nous invite à le suivre dans son tour de France cycliste.
Si la performance sportive (choix pour le moins singulier du VTT pour faire de la route…) et les ennuis mécaniques sont au rendez-vous de ce périple estival, ce sont les rencontres que Schirmer fait au fil de son voyage qui lui donnent toute sa saveur. Le sous-titre est ici éloquent : « la France à vélo, les Français à l’improviste ». L’auteur a en effet promis à son père de se loger chez l’habitant, sans plan préétabli. D’où ses rencontres avec des gens simples, mais pas simplistes, des Français du quotidien (ce qui leur vaudrait probablement d’être taxés de populistes voire pis par les « journalistes » de Quotidien) avec leurs problèmes terre-à-terre, loin des élucubrations bruxelloises (et de celles d’Antoine). Ils subissent de plein fouet la mondialisation (forcément) heureuse (puisque Attali et Minc vous le disent !), la déconnexion des élites globalisées au pouvoir, quoique minoritaires dans le pays – comme viennent de le montrer les élections européennes et législatives –, si bien incarnées par celui qui se compare volontiers à Jupiter. Ce peuple français des provinces va envers et contre tout de l’avant, au gré de ses joies et de ses peines ; il se révèle souvent hospitalier et généreux (nous sommes à l’été 2020, en pleine crise du Covid), parfois frileux, rarement odieux – toujours en contradiction avec l’image de beauf dont les médias dits mainstream voudraient l’affubler – et l’affublent trop souvent.
La richesse de ces rencontres conduit Valentin Schirmer à prolonger son odyssée initialement prévue des Ardennes aux Pyrénées en passant par les Alpes et le Sud jusqu’en Bretagne, avant un retour à Charleville-Mézières. Ce récit, par ailleurs fort bien écrit, est tout à fait réjouissant. Réjouissant car il nous montre une France généreuse et hospitalière plus vivante que jamais ; réjouissant car il nous montre une jeunesse française encore capable d’aventure et d’audace, ne se résumant pas aux crétin.e.s (je reste poli) scrollant leur saloperie de portable en jogging sur fond de mauvais rap ou de techno abrutissante.
Une douce respiration à l’aube de cet été 2024 qui se profile étouffant pour nos libertés.
Philippe Rubempré
Valentin Schirmer, Le plus beau pays du monde. La France à vélo, les Français à l’improviste, Les Éditions du Verbe Haut, 2024, 166 p.