Lectures décembre
- Sukkwan Island – Ugo Bienvenu, d’après le roman de David Vann
- Éloge du génie créateur de la société civile – Pierre Rabhi
- Histoire de France – Jacques Bainville
- Du rififi chez les hommes – Auguste Le Breton
- Linda aime l’art. La vie moderne – Philippe Bertrand
- Gamiani – Alfred de Musset (attribué à)
- OSS 117 voit rouge – Jean Bruce
- Histoire de la musique – Paule Druilhe
- Aventures de trois Russes et trois Anglais dans l’Afrique australe – Jules Verne
- Une nouvelle utopie culturelle en marche ? Essai sur une autre vision de l’action culturelle en Europe – Jean Hurstel
- Fac-similés – G.J. Arnaud
Ab hinc… 192
« On ne fait les grands progrès qu’à l’époque où l’on devient mélancolique, qu’à l’heure où, mécontent du monde réel, on est forcé de s’en faire un plus supportable. » – Héraut de Seychelles
Ab hinc… 191
« Les livres sont des maîtres qui nous instruisent sans verges ni férules, sans cris ni colères. Si on les approche, on ne les trouve point endormis, si on les interroge, ils ne dissimulent point leurs idées. Si l’on se trompe, ils ne murmurent pas… O livres, qui possédez seuls la liberté, qui seuls en faites jouir les autres et qui affranchissez tous ceux qui vous ont voué un culte fidèle ! » – Richard de Bury
Brassens, une mauvaise réputation – ouvrage collectif
Brassens, une mauvaise réputation est un album hybride riche de photos rares, réunissant entretiens avec le poète moustachu et textes relatifs à sa vie et son oeuvre. La préface signée Bernard Lavilliers, qu’on a connu en meilleure forme, s’avère décevante et apporte peu si ce n’est rien à cette composition quelque peu anarchique.
Les éditions Consart proposent toutefois un bel objet articulé autour de trois textes essentiels. L’analyse du Brassens libertaire par Marc Wimet, passionnante, plonge au coeur des mots du chroniqueur anar comme de ceux de l’anar chanteur. La retranscription de l’entretien de Michel Polac avec Brassens et René Fallet pour l’émission Le Livre de Poche s’intéresse au Brassens lecteur, Gargantua de la descente d’imprimé. La discussion menée de main de maître par un artiste du genre se révèle surprenante et nous en sortons avec plein d’idées de lectures à venir. À noter le passage sur cette merveille signée Claude Tillier, Mon Oncle Benjamin, oeuvre chroniquée sur le Salon Littéraire par votre serviteur. Enfin, un entretien intéressant conduit par Gilbert Bovay sur Brassens et son monde vu par Brassens.
Autour de ces trois morceaux d’anthologie, le journaliste musical Olivier Horner propose quelques pastilles thématiques bienvenues, offrant un regard neuf sur la vie et l’oeuvre de Brassens, sa relation avec la gent féminine, la censure dont il fut l’objet plus que n’importe quel autre chanteur de son temps, et la rencontre fameuse Brassens – Brel – Ferré.
Avec cette composition foutraque à l’iconographie particulièrement soignée et singulière, les éditions Consart réussissent un portrait original du chanteur moustachu, amoureux de la liberté, de la poésie, des chats et de Püppchen. Une discographie sélective et critique conclut ce livre que les brassensophiles apprécieront à sa juste valeur.
Philippe Rubempré
Gilbert Bovay, Olivier Horner, Michel Polac & Marc Wilmet, Brassens, une mauvaise réputation, Éditions Consart, 2011, 100 pages, 25 euros
Chronique à retrouver sur Le Salon Littéraire.
L’île au trésor – Pierre Pelot
Hommage du prolifique et éclectique Pierre Pelot au maître écossais du roman d’aventures Robert-Louis Stevenson. Nous retrouvons le jeune Jim Hawkins sur une île touristique au large du Brésil, chasseur à ses heures perdues pour le Barrocco, hôtel tenu par sa tante Sally-Sea et le compagnon de celle-ci, Trelaway. À la différence du roman de Stevenson, celui de Pelot est situé au XXIème Siècle, après un accident climatique, cette montée du niveau des eaux qu’on attendait ni si tôt, ni si rapide, et qui a remodelé la surface du globe d’une manière surprenante et encore imparfaitement connue.
C’est dans ce contexte qu’un soir de tempête tropicale le capitaine Billy Bones débarque et s’écroule littéralement dans le hall d’entrée du Barrocco. Jim se lie d’affection avec cet étrange énergumène qui ne sort de sa chambre quasiment que pour se payer des muflées phénoménales ! L’air perpétuellement préoccupé, Billy Bones semble redouter quelque chose… ou quelqu’un, ce que confirme la visite d’un hurluberlu louche d’aspect. Comme chez Stevenson, Bones, lieutenant du terrible capitaine Flint, détient une carte – ici, quelques documents oubliés sur un antique téléphone portable – indiquant le lieu où est planqué le butin du pirate. Sauf que la topographie a changé entretemps. Jim, sa tante et Trelaway embarquent à bord de l’Hispaniola, commandée par un certain Silver, en quête de l’île où est enterré le fameux trésor…
En reprenant la trame de L’île au trésor et en situant l’action dans un monde post-climatique, Pierre Pelot relève la gageure et réussit à redonner un coup de fouet à cette histoire qui a bercé la jeunesse de tant de générations. L’auteur a su conserver quelques repères stevensoniens, ainsi les personnages de Jim Hawkins ou de Silver, ou le bateau Hispaniola, sans commettre pour autant un simple copié-collé futuriste du roman originel. Au petit jeu de l’hommage, Pierre Pelot se montre grand, et offre de nouvelles lettres de noblesse au roman d’aventures, trop souvent relégué à un simple divertissement pour jeunes garçons. Car sans être le moins du monde pédant, moraliste, climato-catastrophiste ou donneur de leçon, Pierre Pelot donne à réfléchir sur nos mode de vie et nos habitus de consommation en imaginant la vie dans des pays ayant subi une montée brutale du niveau des eaux, celle qu’on nous promet à terme et que ni la COP 21 ni les suivantes n’empêcheront en rien.
Avec Pierre Pelot, L’île au trésor s’offre une cure de jouvence, le roman d’aventures une crédibilité littéraire et une reconnaissance comme miroir subtil et pertinent de notre bas-monde. De l’auteur, nous avons lu également La guerre olympique, roman de science-fiction imaginant un monde où la guerre et la violence sont codifiées comme une manifestation sportive internationale, proposant une réflexion iconoclaste sur les relations humaines et sociales. Ces deux romans dénotent la personnalité forte et inclassable du romancier Pierre Pelot, un écrivain dont nous allons poursuivre l’exploration de l’oeuvre.
Philippe Rubempré
Pierre Pelot, L’île au trésor, Calmann-Lévy, 2008, 285 pages, 18 euros