Journal d'un caféïnomane insomniaque
samedi janvier 4th 2025

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Mon Oncle Benjamin – Claude Tillier

Benjamin Rathery, médecin de campagne, raconté par son petit-neveu. Un livre essentiel. Sésame indispensable à une amitié partagée avec Georges Brassens et René Fallet. L’art du contrepoint et de la fugue transposé en Littérature. Hymne à la vie, à l’amitié, à la légèreté, aux femmes et à l’ivresse. Aux ivresses. À toutes ces formes d’ivresse. Remède indispensable contre la connerie, la morosité, le marché, le taff et le reste. L’Oncle Benjamin de Claude Tillier, c’est tout ça et bien plus encore. Une vraie leçon de vie pour les paltoquets qui polluent notre quotidien et que j’ai déjà égratignés à l’occasion de plusieurs chroniques (sur les oeuvres de René Fallet, Gérard Oberlé ou Robert de Goulaine entre autres).

L’Oncle Benjamin est un médecin paresseux, buveur, endetté, coureur et fidèle en amitié, prodiguant des idées à contre-courant du monde tel qu’il va, qu’il développe à l’occasion de muflées mémorables. Ce toubib, qui ne diagnostique de maladie à aucun patient, attend joyeusement l’arrivée d’une hypothétique épidémie qui fera sa fortune et lui offrira d’honorer ses (innombrables) dettes. Il vit chez sa soeur, son beau-frère et leurs enfants. Sa soeur ne l’entend pas de cette oreille et s’échine à lui faire épouser la fille de Minxit, autre carabin, spécialiste quant à lui dans la lecture des urines humaines, et riche à souhait… Telle est la situation de l’Oncle, à vous d’en découvrir les péripéties et autres aventures.

Ce roman est indispensable en ces temps sinistres où l’inculture des petits « moi » le dispute à l’incompétence généralisée d’élites qui n’ont d’élite que le nom. L’Oncle Benjamin rappelle quelques vérités essentielles, à demi-mots et sans donner de leçons – leçons dont nous imaginons volontiers que Benjamin les a en horreur. Toutefois, il est bon de rappeler à certains jocrisses que la vie ne se résume pas à  trimer en bonne santé pour engraisser les jobastres cyniques des milieux autorisés. Cette lecture saine remet les pieds sur terre, redonne espoir et coeur à l’ouvrage. D’ailleurs, ainsi qu’aime le faire l’Oncle Benjamin, je vais de ce pas me déboucher une bonne bouteille de blanc que je m’en vais boire à votre santé, cher(e)s lecteur(-trice)s…

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.

HISTOIRE des premières civilisations à la chute de Rome – Dr Ann Millard & Patricia Vanags

À l’origine de ma passion pour l’Histoire, déterminante puisque je l’ai étudiée jusqu’à la Maîtrise, se trouvent quatre petites souris réconfortant la perte d’autant de dents de lait. Quatre livres d’Histoire illustrés et adressés aux enfants. Cette chronique concerne l’un d’eux. Sans doute un jour je partagerais aussi mes réflexions sur les trois autres. Inutile de préciser que ces quatre mousquetaires m’accompagnent depuis notre rencontre et que je les visite au moins une fois l’an (tout comme Les aventures de la Chevalière du regretté André Hodeir ou Le tour de France par deux enfants). Nostalgie sûrement, mais assumée ; et avant tout, des ouvrages de très grande qualité.

Celui qui nous intéresse est le second tome de l’Encyclopédie en Images Rouge et Or consacrée à l’Histoire des premières civilisations à la Chute de Rome. Une courte mais bienvenue introduction expose les motifs de l’ouvrage : susciter le goût et la curiosité de l’Histoire chez les enfants, notamment grâce à l’attrait que constituent les illustrations, mais également les exercices ludiques relevant plus du loisir créatif, ainsi à titre d’exemple la construction d’un modèle réduit de chadouf assyrien. Cette introduction est doublement intéressante, car elle pose aussi les limites de l’ouvrage : il n’est pas, et ne peut être exhaustif ; il est adapté à un public jeune, reléguant à la portion congrue analyses fines et débats historiographiques. Par ailleurs, les auteurs y revendiquent le fait de proposer des ouvertures, des pistes de recherches pour assouvir la curiosité des enfants, prolonger le livre, et qui sait, susciter des vocations… Enfin, et là je complète, le livre s’inscrit dans la chronologie, tant dans l’ordre des chapitres (quoiqu’étant thématiques – par civilisation – des chevauchements sont inévitables) qu’au sein de chaque chapitre, avec un tableau chronologique récapitulant les dates essentielles des événements et des personnages marquants d’une période.

Le corps de l’ouvrage, qui couvre une période débutant à la sédentarisation d’Homo Sapiens pour s’achever à la chute de l’Empire romain et au règne de Justinien à Byzance, est entièrement conçu autour des illustrations vives de Joseph McEwan. Les thèmes se retrouvent peu ou prou pour chaque civilisation, peuple ou période proposé : vie quotidienne, guerres, événements et personnages importants, et religion. Véritable voyage dans l’espace et dans le temps, magie du dessin et textes simples (mais pédagogiques et sans erreurs grossières), l’enfant peut se laisser vampiriser et bovaryser en paix. Il en sortira grandi et heureux.

L’ouvrage tient compte du fait que l’enfant n’a ni la culture ni le cerveau suffisamment développés pour étudier l’Histoire selon les principes de l’École des Annales. En cela, les oeuvres de la collection Encyclopédie en Image – Histoire sont salutaires en ces temps de totalitarisme pédagogiste pour le moins imbécile, s’il n’est pas simplement criminel. Le livre n’est hélas plus édité (la traduction française date de 1980 ; à quand une version réactualisée à la lumière des avancées de la recherche ?). Il vous faudra courir le bouquiniste ou les sites Internet consacrés à la revente entre particuliers (où les prix varient autour de 25 à 30 euros).

N’étant plus enfant depuis longtemps, je ne me suis toujours pas remis de cette lecture, et je ne m’en porte pas plus mal. Au contraire ! À consommer sans modération.

Illustrations de Joseph McEwan

Traduit de l’anglais par Odile Sabathé-Ricklin

Ab hinc… 126

« On ne comprend rien à la civilisation moderne si on admet pas d’abord qu’elle est une conspiration contre toute espèce de vie intérieure. » – Georges Bernanos

Ab hinc… 125

« Lorsque ne se réalise pas le syndrome entre ces quatre éléments – la situation, l’expérience vécue, l’émotion et l’idéologie -, les hommes n’agissent qu’en fonction de leurs intérêts. » – Ernst Nolte

L’internat féminin et autres contes coquins – Magnus

Magnus, alias Roberto Raviola, est un auteur de bande-dessinée italien, spécialiste des fumetti neri (Satanik), de leur parodie (Alan Ford) et maître de l’érotisme (avec son chef d’oeuvre Les 110 pilules adapté du Jing Ping Mei, classique érotique chinois). Par ailleurs, Magnus travaille en noir et blanc exclusivement, et maîtrise à merveille cette technique. Il lui offre le meilleur de sa plume et elle le lui rend bien.

Ici les éditions Delcourt rééditent en format original et en version intégrale quatre contes coquins adaptés et dessinés par Magnus. Les trois premiers sont des contes moyenâgeux, Dix chevaliers pour un magicien, Minuit de Mort, et Le crâne vivant. On y retrouve princesses et sorcières, des rois et des chevaliers servants, des malédictions et des fins heureuses. Le dernier conte, L’internat féminin, se passe aux États-Unis dans les années 1950 ou 1960. Il relève du roman noir, rappelle à certains égards Ed McBain. Toutes ces histoires sont coquines, mais chez Magnus, le fumetto ne se lit pas à une main (de préférence la gauche).

Les scenarii de Magnus ne sont pas prétextes à jeter des scènes pornographiques en pâture. Ils sont cohérents de bout en bout (si je puis dire). Le langage érotique y est à sa place, il n’en fait pas étalage inutilement. Pas de vulgarité ici. De même les scènes érotiques, magnifiées par le dessin noir et blanc de Magnus, ne sont pas de simples images alléchantes destinées à faire bander le chaland. Elles sont car elles doivent être. Elles appartiennent intégralement aux histoires, qui sans elles seraient bancales, incohérentes. Et comme pour la langue, le dessin érotique est à sa place, ni plus ni moins.

Pour les scènes érotiques, Magnus ne se cache pas derrière son petit doigt. Le dessin est cru et élégant. Si un gland ou une chatte ouverte doivent être montrés, ils le sont. De même, nous retrouvons dans certains récits et si l’histoire le commande, des scènes homosexuelles. J’insiste sur l’élégance et la précision du dessin de Magnus, qui sait être d’un réalisme noir dans L’internat féminin ou « à gros nez » dans Dix chevaliers pour un magicien, s’adaptant ainsi à la nature du récit. Et son dessin est toujours sublimé par sa maîtrise du noir et blanc.

Voilà, si vous décidez d’entreprendre le voyage, vous affronterez un méchant magicien pour délivrer une princesse (Dix chevaliers pour un magicien) ; vous assisterez au désespoir d’un couple hanté par une malédiction venue du Moyen-Âge (Minuit de Mort) ; et vous comprendrez peut-être à vos dépens qu’il n’est jamais bon de s’en prendre à la petite fille d’une sorcière (Le crâne vivant). Enfin, vous retournerez à l’école surveiller l’étrange nouveau médecin du pensionnat de jeunes filles.

Bonne lecture, et plus si affinités…

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.

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