Journal d'un caféïnomane insomniaque
jeudi septembre 18th 2025

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Le Camp des Saints – Jean Raspail

L’auréole sulfureuse et nauséabonde qui cerne à l’aube de 2014 Le Camp des Saints, roman de Jean Raspail publié en 1974, incite à la prudence. Le politically correct (à ne pas confondre avec la common decency) impose un interdit moral à la lecture de ce roman qualifié d’ « odieusement raciste » (Daniel Schneiderman, Libération). On ose à peine avouer que nous avons lu Le Camp des Saints tant la reductio ad hitlerum et le lynchage médiatique purgent la société de ses mal-pensants avec autant d’efficacité que les procès staliniens l’ont fait pour les officiers compétents de l’Armée Rouge. Bien conscient de cette réalité, nous voulons espérer encore en l’intelligence de la pensée et l’aptitude à la dispute civilisée (débarrassée d’attaques ad hominem et de procès d’intentions) ; aussi nous nous proposons de le chroniquer.

Constatons d’abord qu’il s’agit d’un roman. Peut-on s’attarder sur ce point, et considérer Le Camp des Saints pour ses qualités romanesques et littéraires… Il nous a semblé, sur le plan romanesque, que l’intrigue – l’invasion du Sud de la France par un million de pauvres hères venus du Tiers-Monde (comme on ne le nomme plus aujourd’hui) sur le seul week-end pascal – est présentée d’une manière réaliste, souvent effrayante, dérangeante, avec un suspense dégressif (jusqu’au bout, on pense éviter le pire) et dans une langue classique parsemée d’éclairs novateurs. L’humour n’est pas absent du roman, loin de là ; une politesse du désespoir en quelque sorte. Donc sur la forme romanesque et littéraire, nous considérons que ce livre est valable ; il laissera une empreinte de son temps.

Venons-en à présent au fond et aux idées développées. Raspail manifeste clairement une appréhension du multiculturalisme. Il croit que c’est une impasse. En a-t-il le droit ? Évidemment ! Est-ce suffisant pour en faire un raciste ? Nous ne le pensons pas. Il lui a été reproché les qualificatifs utilisés quant aux indiens qui débarquent : « masse grouillante », « puante »… Passez plusieurs semaines en mer à bord de cercueils flottants, au milieu des cadavres, des excréments et des vomissures, je doute que vous sentiez la rose. Ce n’est pas une infériorité naturelle qui est reprochée, c’est un constat de fait lié aux circonstances romanesques. La lecture de ces passages est choquante, effrayante, odieuse même… à l’image de la situation de l’action ; pas en reflet du prétendu racisme de son auteur.

Raspail défend une espèce d’uniculturalisme dans le sens où il semble considérer que chaque culture est propre à un environnement, une terre, un climat, à des humains. Et que le multiculturalisme ne signifierait rien d’autre que la mort des cultures, donc de la Culture. Il est hanté par l’immigration massive en tant que destructrice de la culture française et européenne. L’Eldorado promis par le capitalisme mondialisé n’est qu’une chimère entretenue et nourrie par l’esprit de revanche de certaines anciennes colonies, et celui de repentance de certaines « élites » occidentales. En dépit du concert de casseroles des bonnes âmes charitables, est-il permis de penser la crainte exprimée par Raspail ? De la penser en profondeur, avec ses tenants, ses aboutissants, ses arguments… De la réfléchir pour s’y opposer, ou l’amender, ou la conforter, plutôt que de s’invectiver à coups d’articles de presse autant vains qu’inutilement réducteurs ?…

Nous ne partageons pas la crainte de Jean Raspail, pas telle qu’elle est exprimée dans Le Camp des Saints. Nous n’emploierions pas les mêmes qualificatifs pour décrire des migrants, aussi nombreux soient-ils. Cependant, nous nous gardons bien de donner des leçons de morale ou d’antiracisme à Raspail. Il a toute la liberté du romancier pour s’exprimer. Et ses contradicteurs celle de lui répondre sur le fond (ce qu’ils n’ont évidemment pas fait, l’écume sulfureuse suffisant à le condamner, à le clouer au pilori pour mieux se faire mousser dans le camp du Bien). In fine, remettons les choses dans leur contexte : Le Camp des Saints n’est qu’un roman écrit à une époque de faible immigration (1974, c’est-à-dire avant la mise en place de la politique de regroupement familial par Giscard). Si les événements récents et récurrents de Lampedusa semblent abonder les craintes de Raspail, nous n’oublions pas que le dernier mot, en matière d’immigration comme pour le reste, doit revenir aux peuples, du moins pour ce qui concerne les démocraties. Nous croyons en l’hospitalité, et nous croyons que le peuple français est un peuple hospitalier. L’un des plus hospitaliers qui soit en raison de son Histoire. Si l’hospitalité peut se définir par l’expression « à Rome, fais comme les Romains », est-ce que les migrants accueillis souhaitent l’hospitalité ? La réponse est évidemment complexe, plurielle, et ne saurait se réduire au clivage faux et caricatural cher à Harlem Désir : pro-immigration = Bien ; toute opinion divergente = raciste.

Ab hinc… 121

« Je respecte profondément Iggy Pop et Neil Young pour le fait qu’ils n’ont jamais cédé aux compromis et que leur musique a toujours été sauvage. Tout cela n’a rien à voir avec ces Guns N’ Roses et autres Metallica qui devraient être ^pendus par les couilles, voire castrés… En fait, on devrait leur injecter du silicone dans la poitrine et les envoyer dans un bordel nippon tenu par la maffia locale. » – Kurt Cobain

Lectures avril

  1. La nuit des archées, une aventure d’Anaëlle & Myrios – F. Boilet & G. Deffeyes
  2. Big twin – Achdé
  3. Monsieur le Consul – Lucien Bodard
  4. Cap Canaveral – Grégoire Bouillier
  5. 60 gags de Boule et Bill n°1 – Roba
  6. Je pense souvent à Louis-Ferdinand Céline – Sture Dahlström
  7. Gags de Boule et Bill n°7 – Roba
  8. Léonard est toujours un génie – Turk & De Groot
  9. Le Robinson Suisse – Johann David Wyss
  10. Dreuse – Louis Jeanne

Ab hinc… 120

« Le bobo est un état d’esprit faute d’être un esprit tout court » – Michel Crépu

Du bonheur d’être réac – Denis Tillinac

Confession d’un réac tendance mousquetaire

Enfin un auteur qui assume positivement d’être réac ! Enfin quelqu’un qui rappelle à Aymeric C… (celui avec deux lettres en trop dans le nom, dirait Naulleau) et à toute la clique boboïsante de la moraline socialo-coconne qu’il est possible d’aimer sa patrie et l’histoire, la littérature, voire d’être croyant, d’être nostalgique, d’avoir le sens de l’honneur, de croire en des valeurs, de reconnaître les hiérarchies, bref de ne pas être ecosocialo-concon tout en étant honorable, respectable et digne. Il faut être honnête et préciser que le socialo-concon (ou l’écosocialo-concon) a son équivalent de droite. Points communs : communicants, incultes (culture générale superficielle, façade culturée qui s’érode dès qu’on gratte pour chercher à comprendre), sectateurs, manichéens (le Bien étant leur opinion, le Mal, qui rappelle forcément « les heures les plus sombres de notre histoire » toute opinion autre). La médiocrité la plus crasse les caractérise. Mais là n’est pas le sujet, revenons au court essai de Denis Tillinac.

Tillinac réussit brillamment, avec plume et non sans humour, à retourner joyeusement le procès permanent instruit à l’encontre des réacs (quand ils ne sont pas qualifiés de ringards, de fachos ou de nazis). Pour la première fois de ma courte existence, je me suis senti réac. Selon la définition proposée par Denis Tillinac : « en réaction contre les tendances de l’époque ». En clair, je suis nostalgique de temps que je n’ai pas connus – et dans lesquels je me serais senti en décalage. Comme le souligne Tillinac, non seulement le réac est distant vis-à-vis de l’époque à laquelle il vit, mais il le serait peu importe l’époque dans laquelle on lui proposerait, par je ne sais quelle magie ou quel sortilège, de vivre.

Tillinac relève le flambeau et porte haut l’étendard de la réaction. De son texte, nous retiendrons que réactionnaire ne signifie nullement anti-démocrate, nostalgique du Régime de Vichy ou fasciste (anti-républicain au sens usité par nos minables politicards et autres pseudo-sociologues n’a aucun sens en France. La République est notre type de régime politique, par opposition à la monarchie ou à l’empire. Il est des républiques dictatoriales, la Chine de Mao par exemple ; et des monarchies démocratiques, le Royaume-Uni de Tatcher – toute provocation dans le choix des exemples étant parfaitement délibérée et assumée, ce d’autant plus que j’éprouve un mépris profond pour ces deux dirigeants, quoique je ne les mette pas sur un pied d’égalité). Le réac selon Tillinac vante l’intériorité, l’humour, le détachement, la différence entre les sexes, un sens de l’honneur et des valeurs que d’aucun juge désuet, obsolète, voire ringard. Mieux vaut être galant que néo-féministe tendance Femen. L’agnostique que je suis se reconnais dans la religiosité de Tillinac en ce sens que je respecte au sens profond du terme les croyances et les religions, sans déroger toutefois à mes valeurs. Je ne commettrai pas la connerie sans nom de putain sans cervelle en mimant un avortement sur l’autel de la Madeleine la veille de Noêl (c’est condamné par la loi qui garantit le respect des lieux de cultes, mais ça n’a pas dérangé Valls pourtant encore Ministre de l’Intérieur et des Cultes). Pas plus que comme certains crétins (connards) musclés ne disposant pas de plus de cervelle je n’irai jeter des têtes de porcs ensanglantées sur une mosquée ou taguer une synagogue (là les condamnations sont  systématiques, exemplaires – encore heureux ! – et médiatiques. Deux poids, deux mesures…).

Circonstance aggravante, en réac historien, je refuse la repentance, cette seconde faute selon Spinoza (je la refuse aussi en tant que concept essentiellement chrétien, étant sceptique). Je me moque de l’inculture et de la stupidité abyssale des abrutis qui ne cessent de manipuler et juger l’Histoire en fonction de l’esprit et des meurs contemporains, ou plus prosaïquement de leurs intérêts bassement politiciens ou communautaristes (Taubira, Gayssot, Devedjan, Terra Nova, liste absolument non-exhaustive). L’Histoire n’est pas la compilation des mémoires victimaires. L’Histoire tient compte de la mémoire pour ce qu’elle est, avec ses errements sentimentaux – certes légitimes – et ses défaillances factuelles. L’Histoire se doit autant que possible d’être objective, froide. Les événements s’inscrivent dans une époque et une géographie. Ils ne sauraient être interprétés à travers le spectre de la moraline actuelle.

Voilà quelques réflexions que le bel essai de Tillinac m’inspire. Il y en aurait plus, bien sûr, avec du temps et un minth-julep bien frais… Quelles que soient vos opinions politiques – le réac peut-être de droite comme Tillinac ou de gauche comme Debray – je vous recommande la lecture de cette confession d’un réac tendance mousquetaire (expression détournée d’un autre réac, Bernard Lugan).

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.

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