Les étrangers sont nuls – Pierre Desproges
Illustré par Edika.
Recueil de courtes chroniques écrites pour Charlie Hebdo en 1981, à l’époque où ce canard baignait dans une digne subversion… Aujourd’hui, Les étrangers sont nuls c’est à peu près un procès par page, pour racisme ou incitation à la haine – ce qui est parfaitement cocasse quand on connait Desproges, mais hélas pas étonnant compte tenu de l’inculture crasse et de la susceptibilité mémorielle mal placée d’un certain nombre de nos compatriotes (des trois couleurs de l’Empire et des trois religions du Livre).
Les étrangers sont nuls, donc. Et les Français pas beaucoup mieux si nous lisons bien ces hilarants portraits de peuples divers. Entre mauvaise foi, jeux de mots à deux balles et saillies dont seul Desproges a le secret, nous nous marrons aux dépens de tous, équitablement, et surtout à nos dépens, à grands renforts d’auto-dérision et d’humour absurde. Deux exemples choisis presqu’au hasard de saillies typiquement desprogiennes :
Sur les Israéliens : « Les Juifs ne pensent qu’à gagner de l’argent en vendant des manteaux de fourrure. C’est pourquoi, en Israël, il n’y a pratiquement que des fourreurs, et très peu de militaires. » (et paf ! une plainte de la LICRA au cul !).
Sur les musulmans : « Le Qatar compte à peine plus de 100 000 habitants pour une superficie de 22 000 kilomètres carrés. Toutes proportions gardées, force nous est de constater qu’il y a dix fois moins de bougnoules au Qatar que dans les Bouches-du-Rhône. Je dois dire que ça m’énerve. Pourtant, je ne suis pas raciste, surtout depuis que je vis avec deux aspirateurs de couleur. » (et vlan, v’là la plainte du Collectif Contre l’Islamophobie en France !).
Tout le monde en prend pour son grade, pour le meilleur et pour le rire. Quant à ceux qui y verrait une quelconque forme de racisme ou de xénophobie (ce qui serait en soi une preuve flagrante de leur défaut de culture générale et particulière), offrons leur un cerveau en état de fonctionner, au moins ce cadeau sera utile. « Alors s’il vous plait, je vous en prie ».
Ab hinc… 124
« Pour le véritable humaniste, un contemporain pose toujours problème » – Robert Louis Stevenson
Lectures mai
- Lolly Strip – Danie Dubos & Georges Pichard
- Le chercheur d’absolu – Théodore Monod
- Écrits de combat – Théodore Monod
- L’Oncle Robinson – Jules Verne
- L’Hercule sur la place – Bernard Clavel
- Et toc ! – James Hadley Chase
Monsignore – Jack-Alain Léger
Des bas-fonds de Brooklyn aux arcanes querelleuses du Vatican, Monsignore retrace l’itinéraire de John Flaherty, caïd américano-irlandais devenu cardinal. Ce parcours de vie ressemble de loin à l’itinéraire de saint-Paul de Tarse, persécuteur de chrétiens qui voit la Lumière sur le chemin de Damas et devient le plus grand et le plus talentueux prosélyte de son temps ; un dont nous pouvons – croyant ou non, le talent est athée – apprécier les nombreuses épîtres. Mais les apparences sont trompeuses. Ici, le roman de Jack-Alain Léger débute comme un thriller (comme on dit en bon français), ou plutôt comme un roman noir, sauce Chandler ou Chase.
Ce roman est remarquable par sa construction déstructurée qui ne se restructure qu’à son terme. Il est remarquable par sa plume à la fois fluide et riche ; une plume qui épouse avec justesse les situations et les personnages. Remarquable aussi les caractères, le héros qui n’en est pas vraiment un, et toute la galerie des personnages secondaires.
De Brooklyn au Vatican, de la rue au séminaire, à la guerre ou à l’église, Jack-Alain Léger dévoile les dessous d’un Vatican État, avec ses aléas de pouvoir, de jalousie, de débauche, de corruption, ses liens avec la maffia ou les dictatures en fonction de ses intérêts supérieurs au dogme. Tout du moins en réalité à défaut de l’être dans le discours.
Ce n’est pourtant pas un roman anticlérical ou une attaque en règle de l’Église catholique romaine. Déjà en 1975, on ne tire pas sur une ambulance (l’Église reprend du poil de la bête, si je puis dire, depuis quelques années, mais pas en Occident). À ce jeu là, nous pourrions considérer qu’il s’agit plutôt d’une charge contre la fragilité vénale de l’être humain. Une charge tendre et impitoyable…
Jack-Alain Léger s’est défenestré en juillet 2013. Un Grand Écrivain s’en est allé, quelles que fussent certaines polémiques à son égard.
Ab hinc… 123
« Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là en toute beauté et tout jeunesse le début de la tyrannie. » – Platon




