Itinéraire spiritueux – Gérard Oberlé
Spirituel et spiritueux, un itinéraire à lire ou relire toutes affaires cessantes !
Le spirituel Itinéraire spiritueux de Gérard Oberlé est un hymne à la vie et à la liberté, érudit en diable sans être pédant, joyeux sans être ravi de la crèche. Ce n’est pas la première fois que je le lis, et de manière certaine, c’est loin d’être la dernière. Ce récit mérite qu’on y revienne régulièrement. Chaque nouvelle lecture est un nouvel émerveillement. La part des anges explique sans doute ce phénomène ; le talent de plume de Gérard Oberlé à coup sûr ! La vie de Gérard par Oberlé vue par le cul de la bouteille… Dans notre monde inculte où le seul destin admis est de crever en bonne santé, en consommant et surtout sans penser, voilà des nouvelles Fleurs du Mal qui font du bien !
Retraçant sa vie à travers le prisme bachique, Gérard Oberlé rend hommage à ses maîtres (au sens Renaissance, humaniste, du terme) en littérature, oenologie, alcool ; il rend hommage à ses amis, aux poètes et aux écrivains, à Dionysos et Bacchus, Ganymède et Vénus… Son érudition est admirable et invite toujours à découvrir, à vivre, à être libre. Le livre est au moins autant une ode à la liberté qu’à la dive bouteille et à la substantifique moelle. Un comédien japonais avec lequel j’ai eu le plaisir de travailler dans une autre vie appelait l’alcool « médicament » – et il tenait, le bougre ! La plume de Gérard Oberlé est quelque part aussi un médicament, du genre alcool de Ricqles sur un sucre que petit nous piquions pour expérimenter, ou essayer du moins, l’ivresse. Un remède délicieux contre cette chienne de vie de merde à laquelle on voudrait nous faire adhérer sans réserve alors qu’elle se situe à l’opposé de notre voie et de nos choix.
Il y a chez Gérard Oberlé quelque chose de René Fallet – auteur pour lequel je ne cache pas mon admiration. En relisant Itinéraire spiritueux, des réminiscences du Braconnier de Dieu, du Beaujolais nouveau est arrivé et de La soupe aux choux sont venues égayer mon esprit. Oberlé est un mousquetaire de la littérature, tendance Blondin ou Gouffé. On voudrait le fréquenter, partager avec lui la table, la boisson, discuter, refaire le monde. On admire son amitié avec Jean-Claude Pirotte ou Jim Harrison dont il nous gratifie de quelques épisodes.
En outre (à vin), il faut souligner l’humour et la richesse de l’humeur du sieur Oberlé dès qu’il s’agit de s’attaquer à ceux que j’appelle les ayatollah en blouse blanche, les Diafoirus de dispensaire, à tous ces toubibs moralisateurs faute d’être compétents, à ces donneurs de leçons ternes comme la vie qu’ils se promettent de nous imposer. Court extrait :
« Mais j’entends déjà les hurlements des camelots de la pédagogie officielle, de l’ignorance gratuite et obligatoire, les sectateurs du mens sana, les socio-psys à la mords-moi le calibistri qui émargent au râtelier des cellules psychologiques, tous ces dictateurs de la vertu et de la tempérance subventionnés pour assomer le licheur, le fumeur et le trousseur à coups de sermons, de rapports et de menaces : « L’alcoolique n’est pas libre ! Il est, bien au contraire, prisonnier, esclave de son vice. » Pompeux imbéciles ! Allez donc vous noyer dans un verre d’eau minérale plate.«
On ne saurait mieux dire. Lire Oberlé c’est célébrer l’ivresse de l’alcool, de la gastronomie, de la poésie, de la liberté. Oberlé vit et donne envie de vivre.
Itinéraire spiritueux ressuscite les moroses et emmerde les pignoufs hypocrates et crites de l’Empire du Bien. À lire ou relire toutes affaires cessantes !
Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.
Lectures janvier
- Bel-Ami – Guy de Maupassant
- Chants d’ombre – Léopold Sédar Senghor
- Lettera amorosa – René Char, illustrations de Georges Braque
- Guirlande terrestre – René Char, illustrations de Jean Arp
- L’épée du paladin – Henri Vernes & Gérald Forton
- Blake & Mortimer : L’onde Septimus – Dufaux, Aubin, Schréder
- La défaite de la pensée – Alain Finkielkraut
- Le parti pris des choses – Francis Ponge
Le Monde des Chevaliers
Sous-titré « La vie et la légende des chevaliers au temps des châteaux-forts », Le Monde des Chevaliers est l’adaptation française par Gallimard Jeunesse d’un ouvrage d’initiation à l’Histoire anglais, anonyme (vraisemblablement collectif sous contrôle d’un comité scientifique), publié par les éditions Carlon Books.
Hugues Templier, conservateur d’un château-fort musée, découvre par hasard un coffret renfermant notamment un morceau de cotte de maille et une point de flèche, un médaillon de bronze et un bout d’étoffe. C’est le point de départ d’une enquête sur le monde des chevaliers, dans laquelle les interventions d’Hugues Templier se font discrètes. Mais sans doute le scénario initial est l’alibi devant susciter la curiosité de nos chères têtes blondes (ou brunes, rousses, frisées, crépues, lisses… je ne veux pas d’ennuis avec N. V-B.). Organisé en quatre parties thématiques, allant globalement du général vers le particulier (quoique les deux dernières parties seraient interchangeables), l’ouvrage offre aux enfants auxquels il se destine un panorama assez étendu du monde de la chevalerie. Partant du contexte médiéval, le livre brosse à la fois les aspects sociaux et sociétaux du Moyen-Âge, les organisations politique, familiale, religieuse… pour consacrer finalement une partie importante aux armes et aux batailles.
Si le panorama permet une initiation globale à l’Histoire médiévale, il présente néanmoins le risque d’entraîner une certaine confusion temporelle et de créer des stéréotypes chez certains enfants (public visé) dont le cerveau n’est pas encore, ni biologiquement, ni intellectuellement, formé pour comprendre et assimiler les méthodes de l’école des Annales. N’est-ce pas Lucien Fèbvre qui disait que « l’Histoire devrait être interdite aux mineurs » ?! Non pas en raison de sa violence ou d’une surexposition pornographique, mais bien parce que l’apprentissage de l’Histoire requiert un certain degré de maturité biologique et intellectuelle.
Je souhaite toutefois noter le plaisir bovaryste que j’ai pris, es qualité d’historien, à lire cet ouvrage de vulgarisation pour la jeunesse dont la qualité première est l’iconographie. Et il faut reconnaître qu’elle est remarquable !
Résumons donc : un panorama du monde des chevaliers (vaste et imprécis, nécessairement, des inexactitudes pouvant être induites par le manque de précision), un défaut de chronologie et une banque iconographique de grande qualité (jouissive et judicieuse !). À offrir aux enfants auxquels il est destiné, mais en leur rappelant que toute Histoire se situe dans le temps et dans l’espace.
Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.
Ab hinc… 110
« En coupant la tête à Louis XVI, la Révolution a coupé la tête à tous les pères de famille. Il n’y a plus de famille aujourd’hui, plus que des individus. (…) En proclamant l’égalité des droits à la succession paternelle, (les Français) ont tué l’esprit de famille, ils ont créé le fisc ! Mais ils ont préparé la faiblesse des supériorités et la force aveugle tue la masse, l’extinction des arts, le règne de l’intérêt personnel et frayé les chemins à la Conquête. (…) Tout pays qui ne prend pas sa base dans le pouvoir paternel est sans existence assurée. Là commence l’échelle des responsabilités, et la subordination, qui monte jusqu’au roi. Le roi, c’est nous tous ! »
Honoré de Balzac, Mémoires de deux jeunes mariés, cité in « La république selon la la monarchie : de Bonald à Chateaubriand », Jean-Yves Pranchère, Revue des deux mondes, N°3752, janvier 2014