Lectures février
- Des gaffes et des dégâts – Franquin
- Les Décombres – Lucien Rebatet
- Ravage – René Barjavel
- Panade à Champignac – Franquin
- Décadence – Michel Onfray
- Jours obscurs – Jean-Claude Pirotte
- Les amours de Taneko – Shinichi Abe
- Une vie en liberté – Michel Mourlet
- Une vie à coucher dehors – Sylvain Tesson
- Squeak the mouse – Massimo Mattioli
- Itinéraire spiritueux – Gérard Oberlé
- Retour à Zornhof – Gérard Oberlé
Ab hinc… 246
« Toute société de pensée est oppression intellectuelle par le fait même qu’elle dénonce en principe tout dogme comme une oppression. » – Auguste Cochin
Ab hinc… 245
« L’ivresse, comme la vigueur, est la mère de la joie. Qu’est-ce que cela révèle? Pourquoi l’ivresse n’engendre-t-elle pas la mélancolie ? Premièrement, parce que celle-ci émane du vrai et non du faux, et que l’ivresse permet d’oublier le vrai, et parce que la joie ne peut naître que de cet oubli. Deuxièmement, parce que les hommes à l’état de nature, c’est-à-dire connaissant une vigueur nettement supérieure à celle d’aujourd’hui, étaient faits pour être heureux, pour s’abandonner aux illusions, les voir et les sentir comme des choses vives, physiques et présentes. » – Giacomo Leopardi
Beach Music – Pat Conroy
Lire un roman de Pat Conroy est toujours une plongée aventureuse mâtinée d’un séjour dans le Sud, souvent la Caroline, si chère à l’écrivain. Conroy nous en apprend beaucoup plus sur l’ethos carolinien que n’importe quel essai, étude ou reportage, tant il nous immerge au sein de la vie de ses personnages et joue de la machine à bovaryser.
Beach Music ne manque pas à l’appel. Au fil des 700 pages, nous accompagnons Jack McCall et sa fille Leah de l’Italie à la Caroline dans sa quête de réponses sur un passé qui ne passe pas. Veuf depuis le suicide de sa femme Shyla, Jack s’est installé avec sa jeune fille à Rome, après que ses beaux-parents aient tenté de lui en retirer la garde d’une façon pour le moins inélégante. Un attentat palestinien à l’aéroport de Rome, la nouvelle de la leucémie de sa mère en phase terminale et le retour en fanfare dans son quotidien d’amis d’enfance vont perturber à jamais la nouvelle vie qu’il souhaitait pour lui et Leah, loin des tourments du Sud et des souvenirs cruels.
Une fois encore, Pat Conroy signe un coup de maître. Plume exigeante et fluide, histoire dense, amour, amitié, mort, tous les ingrédients d’un grand roman sont là et le coquetèle est délicieux. Non seulement le plaisir de la lecture irradie, mais on n’en sort pas tout à fait indemne, et certains passages sont d’une rare intensité émotionnelle. Fidèle à son habitude, Pat Conroy traduit à merveille la complexité de la vie, et s’amuse avec le spectre des nuances de l’Histoire, des personnalités, des relations humaines.
Un grand roman au souffle épique qui témoigne, s’il en était besoin, qu’un écrivain exigeant peut être populaire et littéraire.
Philippe Rubempré
Pat Conroy, Beach Music, traduit de l’Anglais (États-Unis) par Françoise Cartano, Albin Michel, 1996, 700 pages.
Ab hinc… 244
« Le fascisme avait en réalité fait des guignols, des serviteurs, peut-être convaincus, mais il ne les avait pas vraiment atteints dans le fond de l’âme, dans leur façon d’être. En revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation, a profondément transformé les jeunes ; elle les a touchés dans ce qu’ils ont d’intime, elle a donné d’autres sentiments, d’autres façons de penser, de vivre, d’autres modèles culturels. Il ne s’agit plus, comme à l’époque mussolinienne, d’un enrégimentement superficiel, scénographique, mais d’un enrégimentement réel, qui a volé et changé leur âme. Ce qui signifie, en définitive, que cette civilisation de consommation est une civilisation dictatoriale. En somme, si le mot fascisme signifie violence du pouvoir, la société de consommation a bien réalisé le fascisme. » Pier Paolo Pasolini