Lectures janvier
- Des filles formidables – Frémond
- Tous mes amis – Paul Gégauff
- Le théâtre des opérations. Journal métaphysique et polémique 1999 (hiver 1998-1999, printemps et été 1999) – Maurice G. Dantec
- Le bureau des gaffes en gros – Franquin
- Le gorille a bonne mine – Franquin
- Quelle école pour l’Europe de demain ? – Philippe Nemo
- Les perles des urgences du sexe – Stéphane Rose
- Lagaffe nous gâte – Franquin
Ab hinc… 243
« La vie est un bien perdu quand on ne l’a pas vécue comme on l’aurait voulu, c’est pourquoi tout mon soin aura été de la passer plutôt que d’épargner de quoi la conserver. » – Philippe Esnos
Ab hinc… 242
« Cela peut-être le signe de la mort d’une culture, que le ridicule ne tue plus, mais qu’il agisse comme éléxir de vie. » – Karl Kraus
Ab hinc… 241
« Dans les circonstances tragiques, j’ai toujours fait confiance au vin. Le vin est profond, il ne baratine pas mais agit. Quelques bons apôtres vous prendront par la main et vous assureront qu’il ne faut pas boire pour oublier. Les plus vicelards vous diront même de ne jamais boire seul. Foutaises et saintes nitoucheries que tout cela ! Quand on boit seul, on n’est pas seul. Les bouteilles ne sont pas de simples objets, des corps inanimés. Les vins sont comme les livres, ce sont des personnes vivantes, avec une âme et de la conversation. » – Gérard Oberlé
Les Aristocrates – Michel de Saint-Pierre
C’est à la lecture de l’article de Christian Brosio, « Pour Michel de Saint-Pierre, contre Jean d’Ormesson. Destins croisés de l’aristocratie » (Éléments n°162, novembre – décembre 2016, pp. 52-54), que je me suis souvenu que le roman de Michel de Saint-Pierre, Les Aristocrates, me faisait de l’oeil sur ma table de travail, noblement empanaché dans sa couverture de La Table Ronde de 1954. Le moins que je puisse écrire est que je n’ai pas été déçu du voyage !
Plus que le portrait de la famille de Maubrun, aristocrates bourguignons, c’est un portrait de la noblesse telle qu’elle devrait être et telle qu’elle est en train de devenir – sans doute aujourd’hui il faudrait écrit telle qu’elle est devenue -, l’éternelle lutte entre le rite, le rang, la transcendance de la tradition d’un côté, et le progrès, la modernité, l’immanence de l’instant présent de l’autre.
Jean de Rémicourt-Porringes, marquis de Maubrun, veuf inconsolable et père de six enfants, vit pour son nom et son domaine, menacé à la fois de décrépitude et de banqueroute. Cet homme droit incarne la noblesse d’épée dans toute sa tradition et sa pureté, se bat quotidiennement pour oeuvrer à sa tâche aux côtés de ses enfants. Deux tantes vivent au domaine, et le marquis accueille en cet été une amie de sa fille, une simple roturière au charme étrange. Tout le sel de ce beau roman tient d’une part à sa plume classique et classieuse, et d’autre part aux relations familiales complexes, tortueuses et paradoxales entretenues par le marquis et ses enfants, tous de caractère affirmé et singulier, tous conscients de leur rang et désireux de sauver le domaine de Maubrun. Chacun se trouve confronté selon sa sensibilité à l’époque nouvelle, à l’évolution des moeurs et de la modernité technologique, à la vitesse du temps, redoutable au regard de la lente et majestueuse pompe du savoir-vivre aristocratique.
Michel de Saint-Pierre signe ici une saga familiale qui va au-delà du simple roman populaire adaptable – et adapté – pour la télévision. Que l’on soit noble ou non, c’est un roturier assumé qui écrit, les Aristocrates est un livre qui nous interroge sur notre histoire intime, familiale, aux prises avec l’Histoire et le temps ; sur notre rapport à notre héritage, ce que nous en faisons, sur la manière dont nous le transmettons – ou non – à nos enfants. Un roman qui nous aide à nous situer pour mieux nous assumer, nous et nos responsabilités. Un roman qui en plus d’être plaisant et bien composé nous aide à être libre.
Philippe Rubempré
Michel de Saint-Pierre, Les Aristocrates, Éditions de La Table Ronde, 1954, 349 pages.