Journal d'un caféïnomane insomniaque
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Dans les forêts de Sibérie – Sylvain Tesson

dans forets siberie    Récit autobiographique, Dans les forêts de Sibérie est le journal de retraite de Sylvain Tesson dans une cabane sise au bord du lac Baïkal entre février et juillet 2010. C’est aussi, et sans doute avec plus de force encore que celui de Dominique Venner (1), le bréviaire d’un insoumis. Hymne à la Liberté, ode à la Nature, Dans les forêts de Sibérie explose de fraîcheur, sans mauvais jeu de mots : fraîcheur de sa plume ; fraîcheur du climat sibérien ; fraîcheur de son rapport à la modernité technico-consumériste inculte… Dans le même temps, Tesson insuffle à son récit la chaleur de la vie : chaleur du poêle à bois dans la cabane au coeur de l’hiver russe ; chaleur de la vodka à 40° qui réjouit les coeurs en détruisant les foies ; chaleur de banya (sorte de sauna chauffé à 80°) qui régénère les corps et les âmes ; chaleur de l’accueil russe et de l’amitié partagée.

Fidèle à son goût des aphorismes, Sylvain Tesson en parsème généreusement son récit, en en faisant les phares et balises donnant sens et repères à son expérience. L’aventurier s’était promis lors d’un premier passage sur le Baïkal d’y revenir. Par ailleurs, ce Robin du froid avait décidé d’expérimenter l’érémitisme avant ses quarante printemps. Chose faite à trente-huit. Mieux qu’une psychanalyse pour savoir si l’on se supporte, la retraite en forêt. Une cabane de bois de neuf mètres carrés. Une provision substantielle de vodka, cigares et cigarillos. Une bibliothèque soigneusement choisie : lectures en retard, romans, essais philosophiques ou artistiques, tout ouvrage éloigné de son lieu de retraite, exception faite des guides faunistiques et floristiques. Vivres, outils, de quoi pêcher. La retraite sibérienne n’est pas de tout repos. Mais l’intensité de l’observation de la nature et de l’introspection est d’autant plus profonde que la fatigue des corvées de bois et la rudesse du climat s’insinue.

Six mois loin de tout et de tous, seul, Robinson des forêts sans Vendredi, naufragé volontaire du lac Baïkal. Six mois de réflexion, de randonnées de promenades. Changement total du rythme de vie, ressenti jusque dans les rythmes du corps. Six mois de solitude entrecoupée de visites clairsemées, pêcheurs ou gardes forestiers russes passant vider une bouteille de vodka et discuter autour d’un saucisson. Partager l’anachorèse de Sylvain Tesson est une aventure littéraire autant qu’intérieure. Dans les forêts de Sibérie appartient à cette catégorie de livres qui vous accompagnent  tout au long d’une vie, et qui gagnent à être lus et relus…

Le mot de la fin est pour l’auteur : « L’ermite ne s’oppose pas, il épouse un mode de vie. Il ne dénonce pas un mensonge, il cherche une vérité. » Je vous souhaite de poursuivre cette quête, mais pas d’arriver. Il me semble que la seule fin possible n’est que le terminus des prétentieux, comme dirait Audiard.

Il y a quelque chose de Brel chez Sylvain Tesson dans leur rapport à l’aventure chantée par le Grand Jacques, également chantre de la quête

Philippe Rubempré

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Éditions Gallimard, 2011, 270 pages, 17,90 euros.

(1) Dominique Venner, Un samouraï d’Occident. Le Bréviaire des insoumis, Pierre-Guillaume de Roux, 2013, 317 pages.