Journal d'un caféïnomane insomniaque
vendredi juillet 4th 2025

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Les Mémoires de Joss B. – Thomas Morales

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.

mémoires joss b    Vrai faux roman noir relatant les affaires les plus fameuses de Joss Beaumont, ex-journaliste devenu privé, Les Mémoires de Joss B. sont surtout le roman de la nostalgie. Ce Philip Marlowe parisien croise une galerie de personnages truculents que l’on imagine volontiers interprétés par les acteurs fétiches des films de Michel Audiard.

Joss B., la cinquantaine flasque, amateur de voitures américaines et de variété française à l’heure de l’écologisme et de la soit-disant musique dite « techno » ou « électro », enquête plus ou moins à contre-coeur sur les cas sélectionnés par son assistante, la belle Samira. Avec l’aide du journaliste Merlin, tout un poème, et du commissaire Tabourin, devenu selon ses propres termes auxiliaire de médias plus qu’auxiliaire de justice, Beaumont est amené à fouiner sur les morts d’un industriel du béton mexicain et d’un représentant d’une firme automobile chinoise, tous deux amateurs de chair fraiche payable en monnaie sonnante et trébuchante. Affaires sans doutes liées… Puis, il s’intéresse aux décès de plusieurs journalistes n’ayant pas retenus l’attention de la maréchaussée et l’affectant personnellement. En bon privé dans la tradition du genre, ses enquêtes culbutent une vie sentimentale complexe.

Joss B. parait s’être trompé d’époque. Véritable anachronisme du début du XXIe Siècle, sa mentalité et ses goût le situent plutôt dans les années 1960-1970. Nostalgique à l’heure de la tabula rasa. Thomas Morales prouve avec ce roman son talent. Il a l’art de saisir l’âme du temps et celle de son lecteur ; il incarne la nostalgie d’une époque, d’un cinéma, d’une musique, de mots, aujourd’hui révolue, si ce n’est diabolisée. Qui emploie encore les mots margoulin, gougnafier ou rastaquouère ? Les premiers sont discriminants vis-à-vis de la vulgate sans vocabulaire issue de quarante ans de pédagogisme scolaire ; le dernier est considéré comme raciste, ce qu’il n’est pas dans le contexte du roman (mais la police politico-médiatique de l’Empire du Bien ne s’arrête pas à ce genre de détail). La nostalgie chez Morales n’est pas dénuée d’humour, politesse du désespoir comme on dit, ni de moments heureux. Elle s’inscrit dans une vision lucide de notre bas monde, que reflète à merveille cette citation à méditer, avec laquelle je me sens en parfaite symbiose :

« Les gens qui ont beaucoup lu, appris, sont inaptes à la réussite professionnelle. La lecture leur a ouvert les yeux sur les atrocités du monde et leur a coupé toute initiatives ou ambitions personnelles. Ils n’ont pas assez d’espoir ou d’inconscience  pour faire des choses, entreprendre, créer. Ils savent que toute gesticulation est dérisoire et futile.« 

Philippe Rubempré

Thomas Morales, Les Mémoires de Joss B., Éditions du Rocher, 2015, 250 pages, 18,50 euros

Ab hinc… 180

« Les gens qui ont beaucoup lu, appris, sont inaptes à la réussite professionnelle. La lecture leur a ouvert les yeux sur les atrocités du monde et leur a coupé toutes initiatives ou ambitions personnelles. Ils n’ont pas assez d’espoir ou d’inconscience pour faire des choses, entreprendre, créer.Ils savent que toute gesticulation est dérisoire et futile. » – Thomas Morales, Les Mémoires de Joss B., Éditions du Rocher, 2015.

Solitude du témoin – Richard Millet

solitude du témoin    Mis au ban du petit monde médiatico-littéraire depuis une « affaire » ridicule et infondée instruite par une Torquemada autofictionneuse et l’un des plus mauvais prix Nobel de littérature de l’histoire (récompensé pour son sans-frontiérisme bêlant et aveugle plus que pour sa plume fade), Richard Millet ne mérite ni cet excès d’indignité, ni le concert d’éloges idéologiques venus d’en face. Il est un (bon) écrivain qui mérite d’être considéré à l’aune de sa production intellectuelle et littéraire.

Dans Solitude du témoin, qui relève à notre sens autant de l’essai sur ce qui reste de la civilisation occidentale et son devenir que du journal littéraire (à l’image d’un Jules Renard ou d’un Sébastien Lapaque), Richard Millet prend acte de son ostracisme – avec une certaine insistance qui finit par agacer – et se met en retrait de ce monde judéo-chrétien, héritier d’Athènes et de Jérusalem, qu’il sent, qu’il voit décliner, s’abîmer dans une mort lente, infinie, à force de renoncements, mensonges, lâchetés, et d’abandons des valeurs – notamment pour Richard Millet le catholicisme. L’auteur se pose en témoin solitaire, fantôme vivant d’une autre civilisation, celle qui fut la nôtre, en voie de disparition sous les coups de boutoir du mondialisme financier capitaliste (inféodé au Saint-Fric mondialisé) et ses corollaires – Millet insiste beaucoup sur l’immigration extra-européenne et l’islam.

Du haut de ses certitudes, de ses convictions, Richard Millet apparait parfois arrogant et un tantinet donneur de leçon, notamment quand il se pose comme l’un des derniers écrivains ou qu’il lâche quelques jugements à l’emporte-pièce (sur Brassens par exemple et page 153, réduit à un chansonnier qui déshonorerait le pays qui  baptise une école de son nom ; ceci prouve que Millet ne connait que très partiellement son oeuvre écrite comme musicale). Toutefois, le témoin n’est pas aveugle, et globalement nous partageons son constat de décès en cours, d’agonie sans fin de la civilisation héritée d’Athènes et de Jérusalem ; nous regrettons en outre que les oeuvres de Millet ne fassent plus l’objet d’une dispute civilisée, cet auteur donnant manifestement à réfléchir sur notre société.

Notre confortable agonie se traduit par le travestissement de la culture en Culturel, du réel en Propagande, de la vie en Divertissement. Ce que Richard Millet, à qui nous laissons le dernier mot avec cette longue citation, exprime merveilleusement page 16 :

« C’est oublier que je vis selon une autre conception de l’histoire ; que le catholique attend non pas la mort mais la mort de la mort, en ayant la conscience permanente de la doublure symbolique, surnaturelle, invisible de l’histoire officielle, sans être naïf pour autant (…). Ce qui est mort, c’est l’idée de culture comme civilisation, le Culturel, lui, étant l’alliance du divertissement et de la Propagande, c’est-à-dire un conditionnement de masse opérant au nom même du narcissisme individuel. La culture, pour peu que nous tenions encore à ce mot, est donc pour nous une expression caduque, car employée par le politiquement correct dans ses redéfinitions (raciales, ethniques, sexuelles, sociologiques) de l’humain, à quoi la littérature a été sacrifiée, à commencer par la langue, désormais vouée au consumérisme et à la Propagande, entre deux régimes de terreur que sont l’islamisme (avec l’antiracisme d’État pour corollaire) et le Culturel.« 

Philippe Rubempré

Richard Millet, Solitude du témoin, Léo Scheer, 2015, 171 pages, 17 euros

Ab hinc… 179

« Ce qui est mort, c’est l’idée de culture en tant que civilisation, le Culturel, lui, étant l’alliance du divertissement et de la Propagande, c’est-à-dire un conditionnement de masse opérant au nom même du narcissisme individuel. » – Richard Millet, Solitude du témoin

Liberté, égalité, laïcité : ite missa est, par Jean-Paul Brighelli

liberté égalité laicité    Voilà l’essai que devrait lire toutes affaires cessantes notre ministre de l’Éducation nationale en cette rentrée 2015-2016, première rentrée après les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo, première rentrée après la première décapitation islamique en France. Si le ministre était honnête, il constaterait la somme d’abandons et de lâchetés que sa réforme vient magistralement (si je puis dire) couronner. Dans son essai, sorte de journal de l’année scolaire écoulée (2014-2015), Jean-Paul Brighelli ne peut que constater les conséquences de la lâcheté politique (déguisée en tolérance) vis-à-vis de la laïcité, abandonnée sans vergogne, mais avec larges mensonges et trahisons, sacrifiée à l’intégrisme musulman communautariste parce que les politiques essentialisent les Français musulmans à cette caricature sinistre, et que tout vote est bon à prendre. La lâcheté ici s’apparente à de la collaboration. Il n’y a, en théorie du moins, qu’une communauté en France, la communauté nationale, c’est-à-dire le Peuple français. Chaque confession y est accueillie, y compris les non-confessions (athées, agnostiques, sceptiques et autres mécréants). En revanche, le politique est strictement séparé du religieux ; la discrétion sur ses options philosophiques est de mise dans l’espace public, et indispensable au sein des administrations et autres services publics représentant l’État sur le territoire.

Professeur ayant enseigné dans les territoires perdus de la République, vivant à Marseille depuis quelques années, Jean-Paul Brighelli n’a de cesse de dénoncer ce qu’il constate : la lâcheté et l’abandon du politique face au communautarisme religieux, intégriste par nature car méprisant l’Autre, le dhimmi en l’occurence, lui jetant  à la face comme un gant sa différence affichée avec morgue et supériorité morale. Mais Brighelli ne verse pas pour autant dans le ya-ka-fo-kon. Les solutions qu’il esquisse dans ces chroniques de la laïcité abandonnée sont crédibles et applicables : il ne demande que le respect de la loi, de la constitution, de notre Histoire, bref, le respect de la France, hospitalière (quoi qu’on en dise et malgré les naturelles imperfections) avec ses enfants. Gros mots racistes et néo-colonialistes pour les communautaristes bêlants et leurs idiots utiles médiapartiques, observés ou libérés.

Les conséquences de la lâcheté politique sur fond de dépression économique, de crise identitaire et morale, et de clientélisme électoraliste sont d’ores et déjà en oeuvre : un multiculturalisme destructeur et anti-démocratique vanté comme la seule voie possible, acceptable, nécessaire, impose sa chape de plomb morale sur fond de discours droits-de-l’hommistes (ce qui n’empêche nullement ses sectateurs de s’asseoir sur les droits de l’homme quand cela arrange les éternelles victimes du mâle blanc de culture européenne et judéo-chrétienne, ou quand il s’agit de signer quelques juteux contrats). L’aveuglement des politiciens et des bonnes âmes pétries de certitudes a conduit à ce climat de fortes tensions que nous vivons aujourd’hui, renforcé par le terrorisme islamique et la « crise des migrants ». Espérons qu’il ne conduise pas à la guerre civile et qu’un sursaut aura lieu… Mais nous ne sommes pas optimiste.

Philippe Rubempré

Jean-Paul Brighelli, Liberté – Égalité – Laïcité, Hugo&Cie, collection Hugo Doc, 2015, 187 pages, 14,95 euros.

Retrouvez le très instructif et passionnant entretien de ce passionné qu’est Jean-Paul Brighelli sur TV Libertés ici :

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