Journal d'un caféïnomane insomniaque
jeudi avril 18th 2024

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Les seigneurs de la faune canadienne – Roger Frison-Roche

J’ai acheté Les seigneurs de la faune canadienne, ce bel ouvrage richement illustré de photographies sauvages, au mètre, alors que la bibliothèque municipale de Cordicopolis le destinait au pilon. Je l’ai acheté sur la seule foi de son auteur, Roger Frison-Roche, l’auteur de Premier de cordée, qui rappellera sans doute des souvenirs d’école à certains d’entre vous. J’éprouve une certaine admiration pour Frison-Roche et son oeuvre (Premier de cordée étant à ce titre une exception, celui là je ne peux pas), à la fois pour son oeuvre romanesque, souvent en plein désert ou à la montagne, mais aussi ses oeuvres plus personnelles comme les Carnets sahariens, ou scientifiques, comme celles autour du Grand Nord. C’est dans cette dernière catégorie que se situe a priori l’ouvrage chroniqué ici. Mais rien est aussi simple, et avec Frison-Roche les catégories s’embrassent.

Le titre du livre annonce le contenu. Après une présentation géographique du Canada, Frison-Roche brosse le portrait de ces seigneurs : bison, loup, orignal, wapiti, mouflon, ours & grizzly, oie blanche et boeuf musqué. Le tout est superbement illustré par des photographies magnifiques. Cependant, si l’ouvrage se résumait à cela, il serait bon pour être feuilleté en salle d’attente ; c’est toujours mieux que les torche-culs qu’on y trouve communément.

Frison-Roche est un Aventurier, un vrai, un explorateur de la vie, des hommes et de leur environnement. Tout son texte est fondé sur ses expériences du Grand Nord canadien, plusieurs expéditions en compagnie notamment de Pierre Tairraz. Non seulement le livre répond aux attentes fixées dans son titre, vulgarisation scientifique, géographique, éthologique autour des grands animaux, leur environnement, leur comportement, leur histoire, les dangers qui les menacent et leur préservation, mais c’est surtout un vécu riche de rencontres. Rencontres humaines avec les Québécois, les Indiens ; rencontres avec les animaux, mystérieuses, poétiques, sauvages, violentes parfois ; rencontres avec les histoires du pays, les légendaires comme les réelles.

Un témoignage d’Humanité et d’Aventure. Une oeuvre qui n’oublie pas que l’Homme, s’il est omnivore et doué de raison, n’en reste pas moins un maillon de la chaîne, dépendant à ce titre de son environnement. Pourtant, nulle leçon d’écologie ou de morale ici. Nous ne sommes pas dans le spectacle mesquin des pseudo-écolos-bobos d’Europe Écologie les Verts qui ne sont jamais sortis de leur centre-ville. La nature parle d’elle-même, et Frison-Roche se fait son porte-parole le plus fidèle et le plus respectueux, en mettant l’humain face à ses contradictions. À l’exemple de ces touristes qui veulent le beurre et l’argent du beurre : donner à manger aux ours et que les autorités tuent les mêmes ours si ceux-ci revenaient pour se nourrir dans leur campement. Bossuet disait que « Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles chérissent les causes« . On ne saurait mieux dire…

En conclusion, Frison-Roche signe là un livre riche de la qualité exceptionnelle de son contenu, de sa littérature, de ses photographies. Un ouvrage dont la lecture, je crois, ne vous laissera pas tranquille et devrait vous interroger. Du moins je l’espère…

Les étrangers sont nuls – Pierre Desproges

Illustré par Edika.

Recueil de courtes chroniques écrites pour Charlie Hebdo en 1981, à l’époque où ce canard baignait dans une digne subversion… Aujourd’hui, Les étrangers sont nuls c’est à peu près un procès par page, pour racisme ou incitation à la haine – ce qui est parfaitement cocasse quand on connait Desproges, mais hélas pas étonnant compte tenu de l’inculture crasse et de la susceptibilité mémorielle mal placée d’un certain nombre de nos compatriotes (des trois couleurs de l’Empire et des trois religions du Livre).

Les étrangers sont nuls, donc. Et les Français pas beaucoup mieux si nous lisons bien ces hilarants portraits de peuples divers. Entre mauvaise foi, jeux de mots à deux balles et saillies dont seul Desproges a le secret, nous nous marrons aux dépens de tous, équitablement, et surtout à nos dépens, à grands renforts d’auto-dérision et d’humour absurde. Deux exemples choisis presqu’au hasard de saillies typiquement desprogiennes :

Sur les Israéliens : « Les Juifs ne pensent qu’à gagner de l’argent en vendant des manteaux de fourrure. C’est pourquoi, en Israël, il n’y a pratiquement que des fourreurs, et très peu de militaires. » (et paf ! une plainte de la LICRA au cul !).

Sur les musulmans : « Le Qatar compte à peine plus de 100 000 habitants pour une superficie de 22 000 kilomètres carrés. Toutes proportions gardées, force nous est de constater qu’il y a dix fois moins de bougnoules au Qatar que dans les Bouches-du-Rhône. Je dois dire que ça m’énerve. Pourtant, je ne suis pas raciste, surtout depuis que je vis avec deux aspirateurs de couleur. » (et vlan, v’là la plainte du Collectif Contre l’Islamophobie en France !).

Tout le monde en prend pour son grade, pour le meilleur et pour le rire. Quant à ceux qui y verrait une quelconque forme de racisme ou de xénophobie (ce qui serait en soi une preuve flagrante de leur défaut de culture générale et particulière), offrons leur un cerveau en état de fonctionner, au moins ce cadeau sera utile. « Alors s’il vous plait, je vous en prie ».

Ab hinc… 124

« Pour le véritable humaniste, un contemporain pose toujours problème » – Robert Louis Stevenson

Lectures mai

  1. Lolly Strip – Danie Dubos & Georges Pichard
  2. Le chercheur d’absolu – Théodore Monod
  3. Écrits de combat – Théodore Monod
  4. L’Oncle Robinson – Jules Verne
  5. L’Hercule sur la place – Bernard Clavel
  6. Et toc ! – James Hadley Chase

Monsignore – Jack-Alain Léger

Des bas-fonds de Brooklyn aux arcanes querelleuses du Vatican, Monsignore retrace l’itinéraire de John Flaherty, caïd américano-irlandais devenu cardinal. Ce parcours de vie ressemble de loin à l’itinéraire de saint-Paul de Tarse, persécuteur de chrétiens qui voit la Lumière sur le chemin de Damas et devient le plus grand et le plus talentueux prosélyte de son temps ; un dont nous pouvons – croyant ou non, le talent est athée – apprécier les nombreuses épîtres. Mais les apparences sont trompeuses. Ici, le roman de Jack-Alain Léger débute comme un thriller (comme on dit en bon français), ou plutôt comme un roman noir, sauce Chandler ou Chase.

Ce roman est remarquable par sa construction déstructurée qui ne se restructure qu’à son terme. Il est remarquable par sa plume à la fois fluide et riche ; une plume qui épouse avec justesse les situations et les personnages. Remarquable aussi les caractères, le héros qui n’en est pas vraiment un, et toute la galerie des personnages secondaires.

De Brooklyn au Vatican, de la rue au séminaire, à la guerre ou à l’église, Jack-Alain Léger dévoile les dessous d’un Vatican État, avec ses aléas  de pouvoir, de jalousie, de débauche, de corruption, ses liens avec la maffia ou les dictatures en fonction de ses intérêts supérieurs au dogme. Tout du moins en réalité à défaut de l’être dans le discours.

Ce n’est pourtant pas un roman anticlérical ou une attaque en règle de l’Église catholique romaine. Déjà en 1975, on ne tire pas sur une ambulance (l’Église reprend du poil de la bête, si je puis dire, depuis quelques années, mais pas en Occident). À ce jeu là, nous pourrions considérer qu’il s’agit plutôt d’une charge contre la fragilité vénale de l’être humain. Une charge tendre et impitoyable…

Jack-Alain Léger s’est défenestré en juillet 2013. Un Grand Écrivain s’en est allé, quelles que fussent certaines polémiques à son égard.

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