Journal d'un caféïnomane insomniaque
dimanche juillet 6th 2025

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MetaMaus – Art Spiegelman

maus    Retour d’Art Spiegelman sur son chef d’oeuvre, Maus, et son drame familial. Cette conversation avec Hillary Chute revient sur la genèse de Maus, ouvrage dans lequel Art Spiegelman détourne les codes de la bande-dessinée et de la métaphore animalière pour partager le témoignage de son père Vladek, survivant d’Auschwitz et Dachau.

Né en 1948 à Stockholm, Art Spiegelman plonge avec Maus dans son histoire familiale, ses parents, Juifs polonais mariés avant guerre, déportés, son frère Richieu, empoisonnés par la personne à laquelle il était confié pour ne pas tomber dans de mauvaises mains (cette personne se suicide après avoir empoisonné ses enfants et Richieu). MetaMaus revient sur la genèse de ce chef d’oeuvre de la bande-dessinée et témoignage poignant d’un survivant. Toutes les questions sont abordées : pourquoi la métaphore animalière (Souris-Juifs, Chats-Allemands, Cochons-Polonais) ? pourquoi la bande-dessinée ? ces choix fragilisent-ils la crédibilité du témoignage de Vladek Spiegelman ?

MetaMaus revient aussi sur la réception critique de Maus, les difficultés rencontréesmetamaus avec les éditeurs, la réception de l’oeuvre aux États-Unis, en Pologne, en France, en Allemagne, en Israël, les différents projets de documentaires ou d’expositions qui ont aboutis ou non. Cette analyse replace Maus et son auteur dans l’histoire de la bande-dessinée, spécifiquement dans celle de la BD américaine et de ses grands auteurs dont certains ont abordé d’une manière différente la question de l’antisémitisme, notamment Will Eisner.

Enfin, MetaMaus est un témoignage magnifique de la relation compliquée d’Art Spiegelman avec son père, et d’une manière plus générale, sur la difficulté des relations familiales après la tragédie du génocide auquel seuls quelques membres ont survécu. Les arbres généalogiques en fin de volume sont à ce titre d’un silence éloquent et glaçant. La conversation entre Art Spiegelman et Hillary Chute est entrecoupée du témoignage de ses enfants, Nadja et Dashiell, de celui de son épouse Françoise Mouly, et se clôture par la retranscription d’une partie du témoignage de Vladek, enregistré sur cassette. Un DVD accompagne le volume dans lequel on retrouve l’intégralité des planches de Maus enrichies de liens multimédias ainsi qu’une pléthore de documents sonores, vidéos ou autres, tels que le témoignage enregistré de Vladek Spiegelman, des témoignages de survivantes ayant connu la mère d’Art, Anja ou encore un documentaire réalisé par l’auteur et sa femme Françoise Mouly à Auschwitz en 1987.

MetaMaus est un chef d’oeuvre à l’égal de Maus. Il me semble que c’est une aventure unique dans l’histoire littéraire et historiographique. Loin de donner des leçons, Art Spiegelman apporte son regard sur l’histoire de sa famille qui a croisé tragiquement l’Histoire contemporaine, son regard sur son travail d’artiste, son regard de fils sur ses relations avec ses parents, son regard d’époux et de père sur le rapport de sa famille à Maus et au succès de ce chef d’oeuvre.

Maus comme MetaMaus sont des documents indispensables pour les amateurs d’histoire. Par le détournement des codes et le truchement d’une histoire familiale, ces oeuvres remettent l’Histoire en perspective et lui redonne son sens tragique trop souvent oublié aujourd’hui au profit d’une histoire moralisée et idéologisante nettement plus confortable. La lecture de MetaMaus et a fortiori celle de Maus ne vous laissera pas indemne : au-delà de l’Histoire, elle suscite une réflexion profonde sur notre humanité, sur qui nous sommes et dans quelle direction nous voulons aller en tant qu’êtres humains. Une quête de sens universelle.

Philippe Rubempré

Art Spiegelman, MetaMaus, traduit de l’anglais (américain) par Nicolas Richard, Flammarion, 2012, 300 p.

Ab hinc… 217

« Il y a deux vérités qu’il ne faut jamais séparer en ce monde : 1. Que la souveraineté réside dans le peuple. 2. Qu’il ne doit jamais l’exercer. » – Rivarol

Ab hinc… 216

« Aujourd’hui, chacun est contraint, sous peine d’être condamné par contumace pour lèse-respectabilité, d’exercer une profession lucrative, et d’y faire preuve d’un zèle proche de l’enthousiasme. La partie adverse se contente de vivre modestement, et préfère profiter du temps ainsi gagné pour observer les autres et prendre du bon temps, mais leurs protestations ont des accents de bravade et de gasconnade. Il ne devrait pourtant pas en être ainsi. Cette prétendue oisiveté, qui ne consiste pas à ne rien faire, mais à faire beaucoup de choses qui échappent aux dogmes de la classe dominante, a tout autant de voix au chapitre que le travail. » – Robert Louis Stevenson

Ab hinc… 215

« Pas plus qu’on ne réforme une société par décret, enfin, on ne réforme pas son pays contre son histoire. » – Marcel Gauchet

Une « poéthique » de la chasse, par Bruno de Cessole

Chasse cessole001    Un peu plus d’une centaine de pages ont suffi à Bruno de Cessole pour nous offrir l’essence de la chasse dans ce qu’il titre (du nom de la collection dirigée au Rocher par Vladimir Fédorovski) Le Petit Roman de la Chasse, mais qui est tout à la fois une poétique de la chasse, une philosophie cynégétique, une bibliothèque de vénerie.

De sa plume gracieuse et précise, Bruno de Cessole donne chair à cet instinct primitif et naturel du chasseur, survivance de l’animalité humaine devenue incompréhensible, voire inadmissible, pour nombre de contemporains laïcisés en consommateurs-jouisseurs, ennemis de toute règle, de toute limite, de toute contrainte (vécues par eux comme une injuste atteinte à leurs droits individuels), n’ayant plus conscience de la mort – c’est-à-dire du cycle de la vie, propre à la nature à laquelle l’Homme appartient, « où la vie nait de la mort même » – à tel point qu’ils tentent par tous les moyens d’en effacer les traces partout où elles subsistent, y compris dans l’extrême faiblesse de qui ne peut réagir.

Ce petit roman dévoile les fondamentaux de la chasse, cette passion noble : amour, connaissance, respect de la nature et des animaux (ce qui s’éclaire de manière limpide sous la plume de l’auteur dans un chapitre intitulé Le paradoxe du chasseur), humilité, éthique, code de valeurs, sens de l’honneur… Toutes caractéristiques à l’opposé de la caricature du chasseur matraquée par certains écolos et autres zoophiles (au sens étymologique du terme : qui aime les animaux. Toute autre interprétation serait malveillante) intégristes avec la complicité bienveillante de certains grands médias et de quelques « célébrités ». Bruno de Cessole leur répond sans faux-semblants ni acrimonie, sans non plus éviter les sujets qui fâchent, à l’instar des criminels qui confondent chasse et extermination. Il n’a pas besoin comme un certain nombre d’anti-chasse primaires de déshumaniser son adversaire pour le combattre – déshumanisation préalable de l’ennemi qui a marqué le fil de la longue histoire d’une alternance de sinistre et d’atroce).

Je ne suis pas moi-même chasseur, mais je ne peux m’empêcher d’être sensible à cette poéthique de la chasse merveilleusement transcrite par Bruno de Cessole. J’ai retrouvé dans ce petit roman la philosophie qui se dégage des 150 Aventures de chasse et deChasse burnand002 pêche de feu Tony Burnand – un livre pour enfants écrit par un chasseur devant l’éternel, et qui m’appris plus sur la nature et les animaux qu’une scolarité complète en sciences naturelles. Si la littérature jeunesse ne figure pas au menu de De Cessole, vous y croiserez nombre d’écrivains chasseurs, de Dominique Venner à Jim Harrison, de Maurice Genevoix à Gaston Phébus en passant par Jack London ou Paul Shepard…

Ce Petit Roman de la Chasse constitue une belle introduction à cet univers passionnel longtemps réservé aux castes dirigeantes. C’est un ouvrage à aborder sans a priori. Si la chasse vous dégoûte, je vous invite à un peu de curiosité : vous trouverez ici des explications sur l’essence même de cette passion inextinguible. Qui sait, si sans devenir chasseur, vous ne serez pas tenté de mettre un peu d’eau dans votre vin lors du banquet final… Je conclus cette chronique en soulignant que la poéthique de la chasse exposée par Bruno de Cessole me semble bien plus honorable et humaniste que le coquetèle de superficialité, de confort et de papillonnage individualo-consumériste exécuteur des basses-oeuvres d’aujourd’hui.

Philippe Rubempré

Bruno de Cessole, Le Petit Roman de la Chasse, Éditions du Rocher, 2010, 117 p.

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