Journal d'un caféïnomane insomniaque
mercredi novembre 27th 2024

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Ab hinc… 150

« Le politiquement correct est la langue des gens qui tremblent à l’idée de ce qui pourrait arriver s’ils arrêtaient de se mentir. » – Pierre Manent

Mal à Droite. Lettre ouverte à la vieille race blanche et à la droite, fille de joie – Nicolas Bonnal

bonnal-mal-a-droite    Publié chez Michel de Maule en 2011, Mal à Droite se veut, comme le précise son sous-titre, une « lettre ouverte à la vieille race blanche et à la droite, fille de joie ». En réalité, c’est un pamphlet un peu foutraque composé sur le modèle d’une symphonie en quatre mouvements. Son auteur, Nicolas Bonnal, est un écrivain d’une droite que d’aucuns qualifient d’extrême. Ancien responsable estudiantin du G.U.D., Groupe Union Défense (d’après sa notice Wikipedia, donc information sujette à caution), groupuscule clairement nationaliste d’extrême-droite, Nicolas Bonnal a publié notamment aux Belles-Lettres ou chez Michel de Maule des ouvrages sur Tolkien ou Jean-Jacques Annaud ; il contribue régulièrement au Boulevard Voltaire de messieurs Ménard et Jamet. Ce texte est donc une adresse à ce qui reste de la droite de la part d’un écrivain clairement à droite.

Le style pamphlétaire a les qualités de ses défauts, et inversement. Si Bonnal, qui fait montre d’une érudition certaine au fil de sa diatribe, décrit avec talent et de manière particulièrement incisive les  dégâts du (néo)libéralisme sur l’Homme et les sociétés humaines, il développe des expressions en regards qui sont pour le moins gênantes. Et en premier lieu son utilisation du mot « race ». Je comprends ce qu’il désigne par ce terme, mais il est impropre. Un écrivain se doit d’être précis dans le combat politique, faute de quoi le retour de bâton peut être violent en nos temps de liberté d’expression mais… Depuis Gobineau, la science a progressé. Il est su et démontré qu’il n’existe qu’une seule et unique race humaine. Il est donc impropre et déplacé de parler de « vieille race blanche ». Il eut fallu écrire « vieille ethnie blanche » (ce qui sonne différemment, il est vrai). En effet, la race humaine est subdivisée en différentes ethnies qui semblent devoir leurs caractéristiques physiques (mais je ne suis pas le moins du monde scientifique, je peux me tromper) au climat, à leur environnement, leur mode de vie, leur alimentation. Il me semblait que ce débat était clos, mais il faut croire que non. Le terme de « race » s’utilise à dessein ou par maladresse. Ceci étant, à aucun moment Nicolas Bonnal n’établit ni ne suggère au fil de son pamphlet une quelconque hiérarchie entre les ethnies baptisées « races », selon l’ancien terme.

Autre caractère gênant de cette lettre ouverte, l’accolement d’épithètes lapidaires aux noms d’écrivains ou de personnalités qui n’ont pas l’heur de plaire à l’auteur. C’est un peu court, jeune homme ! aurait pu dire Cyrano. Bien que je puisse être en accord avec certaines de ces associations, le procédé est léger et montre (ou risque de montrer) une faiblesse d’argumentation (pourtant liée au style pamphlétaire, j’en suis bien conscient). Cette manière définitive de qualifier une personne, souvent pour la décrédibiliser, est parfois drôle, parfois injuste, mais toujours réductrice et tuant dans l’oeuf toute velléité de disputatio (entre gens raisonnables et raisonnés). De ce point de vue, il me semble que cela dessert l’auteur, qui ne se montre pas sous un jour glorieux, et par conséquent, parasite potentiellement son propos.

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Ces réserves posées, le propos de Nicolas Bonnal visant à réveiller une droite endormie, victime consentante du gramscisme bien compris par la gauche, et à faire renaître une droite assumée, avec du panache, le sens de l’honneur et du réel, une droite fière de sa civilisation et de sa culture, et par-delà, un peuple qui s’assume, est tout-à-fait intéressant.  Voilà qui recréerait une alternative politique devenue fantoche aujourd’hui. Le clivage droite / gauche dont on nous rebat les oreilles n’est plus pertinent. À quelques détails près, gauche et droite se rejoignent sur l’essentiel : Europe, libéralisme économique (dénoncé vigoureusement par Bonnal, et dont la Banque Centrale Européenne vient de démontrer avec le cas grec en quelle estime les tenants de ce libéralisme économique tiennent le libéralisme politique et les choix démocratiques des peuples). Le vrai clivage aujourd’hui est entre les tenants de l’Union Européenne et du libéralisme économique, sectataires du fameux (et fort peu démocratique, soit dit en passant) T.I.N.A. tatchérien (There Is No Alternative, inutile de traduire) d’une part ; et d’autre part, ceux qui pensent que c’est le peuple qui doit être le coeur de la réflexion et de l’action politique, que « nos vies valent plus que leurs profits » (pour reprendre un slogan du Nouveau Parti Anticapitaliste, pour lequel je n’éprouve pas plus de sympathie que pour son pendant d’extrême-droite), que la démocratie politique prime sur le libéralisme économique et financier. Chacun de ces deux camps étant divisés en chapelles fort différentes, voire opposées, mais s’articulant autour de ce clivage. Nicolas Bonnal n’a pas son pareil pour décrire avec un humour triste empreint de colère les conséquences du (néo)libéralisme (ce qui revient à les dénoncer).

Enfin, Nicolas Bonnal constate et regrette avec véhémence la régression intellectuelle, culturelle, civilisationnelle qui frappe la France contemporaine ; ce qu’il nomme « l’Apocalypse molle et médiatique ». Le corps politique n’existe plus : bien qu’étant « le pire des régimes à l’exception de tous les autres » (Churchill), notre démocratie est lourdement engluée dans une crise profonde que traduit élection après élection une abstention toujours plus forte. L’abandon des humanités à l’école, la paix depuis 1945 (dont il faut se féliciter, mais dont les effets pervers sont l’habitude du confort, l’immobilisme et la culture du « droit-acquis »), la massification du divertissement déguisé en culture (la culture a tué l’art, le culturel a tué la culture et le divertissement achève le culturel), et la marchandisation de toute chose (voire celles de la vie humaine et du corps humain qui nous pendent au nez) nous ont conduit à perdre toute forme d’intérêt général, de transcendance, de sens de l’État. Seuls comptent notre confort et nos libertés, nos sacro-saints droits durement acquis (surenchère sempiternelle du toujours plus de droits), jamais de devoirs. À cela s’ajoute la culpabilisation à outrance d’une France forcément coupable (je vais me répéter encore, mais je vous renvoie toujours à mon cher Spinoza, « la repentance est une seconde faute »). La droite s’est rendue complice de cela depuis 1945, d’où la qualification de « fille de joie ». Nicolas Bonnal l’appelle à reprendre du poil de la bête. Plus largement, il appelle de ses voeux (sans trop y croire ?) un sursaut, du bon sens, de l’honneur, du panache, de la fierté. Bref, redonnons du sens à la France pour avancer.

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In fine, et malgré certaines réserves sur le style ou l’emploi de certains termes qui offensent ma pudeur (toute ironie de ma part serait purement volontaire), la lecture de cet essai est utile. Il devrait, au même titre que l’essai d’Alain Bentolila Pourquoi sommes-nous devenus si cons ? être mis sur le ring de la disputatio politique car il soulève deux questions fondamentales à mon sens, qui feront que la France restera un grand pays ou non, celle du modèle civilisationnel (culturel, politique) et celle du modèle économique (et de notre rapport à l’international, régi au moins autant par l’économie et la finance que par le politique aujourd’hui).

Philippe Rubempré

Nicolas Bonnal, MAL À DROITE – Lettre ouverte à la vieille race blanche et à la droite, fille de joie, 2011, Michel de Maule, 124 pages, 10 euros

Retrouvez cette chronique sur le Salon Littéraire.

Berezina – Sylvain Tesson

berezina    Un peu dérangé, Sylvain Tesson, qui entreprend de refaire à bord d’une moto side-car russe de marque Oural le trajet de la retraite de Russie après la Berezina… Ou simplement aventurier, chevalier du panache et de l’honneur… Hommage aux morts de la Grande Armée, dont le sacrifice serait – et est, quand il n’est pas purement oublié – incompris aujourd’hui. Probablement notre mentalité autant contemporaine que détestable offrirait à ces héros un procès en règle. Médiatique certainement. Judiciaire aussi, sans doute.

Berezina est donc le récit de ce voyage, de la naissance de l’idée à l’arrivée aux Invalides. En apéritif, deux cartes sont proposées : la première retrace les trois itinéraires de la Grande Armée – campagne de Russie (aller), puis retraite (des soldats) et retour de Napoléon, qui pressé de sauver son Empire, laissa la conduite du retour à Murat ; la seconde carte retrace le parcours de Tesson et de ses compagnons, Cédric Gras, directeur du centre culturel français de Donetsk (Dombass, Ukraine), Thomas Goisque, photographe et deux amis russes, Vassili et Vitaly. Berezina est aussi le récit d’une amitié forgée dans les difficultés, la littérature et l’alcool. Les cinq amis ont voyagé en compagnie des témoignages écrits des survivants, mémoires de Caulaincourt (le secrétaire de Napoléon), ou du sergent Bourgogne, entre autres. Cette traversée de l’Europe de Moscou à Paris sous la férule du général Hiver et sur des engins branlants par nature est un hymne à l’aventure. L’objectif : rendre hommage aux morts, aux victimes survivantes aussi, de la retraite infernale. Sûrement pas plus idiot que les multiples journées commémoratives inutiles et oublieuses (forçant l’oubli) si drôlement décriées par Philippe Muray.

Le récit est émaillé d’aphorismes – Sylvain Tesson les aime au point d’en publier des recueils – et de considérations sur la France actuelle, la politique occidentale à l’encontre de la Russie et sur le sens de la vie. Non dénué d’humour, Berezina bovaryse au plus haut point ! Je dois confesser l’avoir lu d’une traite et avoir refait la traversée toute la nuit suivante. je ne peux que recommander chaudement cette froide épopée qui remet sur le devant de notre scène craintive et recroquevillée sur elle-même les beaux mots d’Honneur, de Gloire, d’Aventure, de Littérature…

Retrouvez cette chronique sur le Salon Littéraire.

Ab hinc… 149

« La France, petit paradis peuplé de gens qui se pensent en enfer, administré par des pères-la-vertu occupés à brider les habitants du parc humain, ne convenait plus à son besoin de liberté. » – Sylvain Tesson, Berezina, Guérin, 2015, p.25

Lectures janvier

  1. Crime et châtimentFiodor Dostoievski
  2. Le capitaine Nemo – Pascal Davoz et Richard Ortiz, d’après l’oeuvre de Jules Verne
  3. Soumission – Michel Houellebecq
  4. Les résidents – Maurice G. Dantec
  5. Histoire de la France pour tous les Français – Antoine Auger, Dimitri Casali
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