Journal d'un caféïnomane insomniaque
mercredi novembre 27th 2024

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Vie et opinions philosophiques d’un chat – Hippolyte Taine

Hippolyte_Taine_with_cat    Non content d’affirmer avoir « beaucoup étudié les philosophes et les chats », et de renchérir en constatant avec malice que « la sagesse des chats est infiniment supérieure », voilà qu’Hippolyte Taine se glisse avec délice dans la peau d’un chat. Critique littéraire, mais surtout historien controversé des Origines de la France contemporaine, Taine ne s’est jamais caché d’être passionné par les chats. Une photographie le montre dans sa bibliothèque, caressant son matou. On sent d’ailleurs chez lui comme un regret de ne pas appartenir à la race féline, de ne pas pouvoir accéder à cette liberté et à cette félicité ainsi décrites :

« Celui qui mange est heureux ; celui qui digère est plus heureux ;  celui qui sommeille en digérant est plus heureux encore. Tout le reste n’est que vanité et impatience d’esprit« .

Né dans le grenier d’une ferme, le chat d’Hippolyte Taine (ou le chatvie-et-opinions-philosophiques-d-un-chat-de-hippolyte-taine-996307435_ML Hippolyte Taine ?) grandit, s’ébat et s’épanouit au sein de la basse-cour, dominée par les maîtres humains et surveillée par les chiens qu’il ne goûte guère, les considérant comme des « damnés » dont le corps est traversé par « les âmes coupables et punies ». Sage parmi les animaux (y compris les Hommes), le chat domine supérieurement cette société, en bien des points métaphore de la société humaine, grâce à sa philosophie. Celle-ci pourrait se résumer à cette formule prononcée par le capitaine Nemo (interprété par le génial James Mason dans le film adapté du roman de Jules Verne Vingt mille lieues sous les mers en 1954 par Richard Fleischer), adressée au maître-harponneur Ned Land (joué quant à lui par le grand Kirk Douglas) : « L’important dans la vie, c’est un esprit sain et un ventre bien rempli ».

Voilà qui est dit.

Retrouvez cette chronique sur le Salon Littéraire.

The Ape, le singe tueur de vos certitudes…

le-singe-tueur    En 2005, Bach films a eu la bonne idée de rééditer en dvd The Ape (Le singe tueur), de William Nigh, dans sa collection « Les inédits du fantastique ». Ce film américain de 1940 avec l’immense Boris Karloff a été restauré plus que correctement. Un reproche technique toutefois, le dvd ne comporte que la version française. La version originale sous-titrée (ou non) aurait été appréciée à sa juste valeur. Heureusement, le doublage est interprété honnêtement (et pas façon sitcom au rabais).

Pourquoi vous écrire aujourd’hui sur une curiosa cinématographique en noir et blanc, vieille de 75 ans et tombée dans les oubliettes d’Hollywood… Tout simplement parce que ce film entre en résonance avec nos débats modernes et animés sur les questions de bioéthique, et qu’à ce titre, The Ape est un film d’une criante actualité.

Le docteur Bernard Adrian s’est installé dans une petite ville de l’Amérique profonde à la suite d’une épidémie de paralysie. Il y soigne avec détermination Frances, une jeune demoiselle clouée sur le fauteuil qui lui sert de pilori. Cependant, la population locale se méfie du docteur, soupçonné de vouloir utiliser les habitants comme cobayes pour ses expériences destinées à comprendre et guérir la paralysie. L’arrivée d’un cirque et la fuite d’un grand singe ayant tué son dompteur accélèrent les événements. Le docteur se voit confier le dompteur mourant, et la question se pose de l’utilisation de ce corps pour mettre au point son sérum de guérison…

The Ape interroge ce que nous appelons la bioéthique, i.e. « l’étude de l’ensemble des problèmes d’ordre philosophique, moral, déontologique posés par les avancées récentes de la recherche (génétique, notamment) et ses applications en médecine et en biologie » (dictionnaire encyclopédique Auzou 2004). Le terme de « bioéthique » est anachronique compte tenu de l’âge avancé du film, mais c’est bien de cette réalité dont il s’agit. Jusqu’où peut-on aller au nom du progrès de la médecine et de la volonté de guérir ? Quels moyens peuvent être mis en oeuvre ? Peut-on, pour une cause juste, commettre des actes injustes (éternelle question !) ? En 62 minutes, toutes ces questions et celles afférentes sont soulevées par le film. La fin, que nous préserverons, vous laisse en plein dilemme cornélien. Et je n’ai pas de réponse à apporter à ces interrogations. En la matière, rien n’est simple, et des remèdes contradictoires peuvent raisonnablement sembler acceptables. C’est toute la difficulté posée par le progrès, qui devrait se faire au service de l’Humain, et non au service d’intérêts individualistes (financiers, égoïstes, de pouvoir…), ce qui reviendrait à retourner le progrès contre l’Humanité.

En conclusion, The Ape peut constituer, pourquoi pas ?, une base de réflexion (quoique ce soit un divertissement) philosophique et éthique dont pourrait s’emparer nos penseurs, religieux, chercheurs, médecins, voire étudiants en médecine, pour expliquer les termes de ce débat fort complexe aux citoyens. Que pour une fois, nous puissions décider en toute connaissance de cause des choix qui nous concernent au tout premier chef : nos santés, nos vies, celles de nos parents et surtout, celles de nos enfants.

***

The Ape (Le singe tueur), réalisation William Nigh, USA, 1940, avec Boris Karloff, Maris Wrixon, Gene O’Donnell, Gertrude Hoffman… Réédition DVD Bach Film, 2005, collection « Les inédits du fantastique », 62 minutes, Noir & Blanc, VF uniquement, format 4/3 1.33, tout public.

Bande-annonce

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Avant de publier ma première chronique de film, je dois confesser que je ne suis pas le moins du monde critique cinématographique. Je n’entends rien en termes de plans, travellings, photographie, etc… bref, je suis un ignare de la technique cinématographique. Comme pour les livres, ce qui m’intéresse est le plaisir pris à regarder le film d’une part ; et d’autre part, ce que j’en conclus, les (éventuelles) leçons que j’en retire, les « messages » que j’y vois. In fine, ce que le film me raconte du monde au sein duquel je vis, et que je désire partager.

Comme pour les livres, je ne compte que sur le hasard et l’envie dans le choix des films chroniqués ; n’attendez pas de lire ici la chronique du dernier blockbuster sorti en salles (je n’ai pas mis les pieds dans un cinéma depuis Un secret de Claude Miller, en mai 2008 ; j’y retournerai quand il y aura de nouveau des cinémas à taille humaine, en centre-ville, avec des salles aux fauteuils de velours vermillon confortables et des ouvreuses en uniforme).

Bonnes lectures et bons films !

Ab hinc… 151

« Le libéralisme, c’est l’individualisme, donc l’anarchie édulcorée. Il aboutit, en fait, à la finance, à la pire et à la plus dure des tyrannies : celle de l’or. » – Léon Daudet

L’alcool et la nostalgie – Mathias Énard

L’amitié, l’amour, la mort. Voilà ce dont il est question dans ce court roman signé Mathias Énard, adapté d’un feuilleton radiophonique écrit par l’auteur pour France Culture. L’amitié, l’amour, la mort. Donc la Vie, avec un V majuscule ; la Glorieuse, façon Ve de Beethoven. L’amitié, l’amour, la mort. La Littérature donc. Tout part de là ; tout passe par là ; tout revient là.

L_alcool_et_la_nostalgie_large    Amour de Mathias pour Jeanne, de Jeanne pour Vladimir. Rivalité, méfiance originelle métamorphosée en Amitié indéfectible entre Mathias et Vladimir, Volodia. Vrai faux ménage à trois à Moscou. Un an d’excès, de folies, d’alcool et d’héroïne, une année hors du temps. Retour au réel, départ de Mathias, revenu à Paris. Ce roman s’ouvre par son retour en Russie à la suite du funeste appel de Jeanne. Volodia est mort. Malaise à l’idée de se revoir. Tristesse infinie de l’amitié morte faute d’ami vivant. Reste à Mathias à accompagner une dernière fois Volodia de Moscou à Novossibirsk, en Sibérie et en train. Jeanne s’oublie dans les caves moscovites en se suspendant à des esses plantées dans son dos, à même la chair. Douleur. Oubli. Nostalgie. Alcool. Miracle de la vodka.

Ce voyage empreint d’alcool et de nostalgie vaut le détour. Nouvelle plongée aux tréfonds de l’âme humaine pour Mathias Énard, après avoir exploré les arcanes du cerveau de Francis Servain Mirkovic dans le remarquable Zone. La plume de Mathias Énard vogue au fil des verstes et de la pensée, presque insensible mais bien là. Il y a fort à parier que ce bateau vous ramène à votre propre histoire, qu’il réveille la nostalgie qui sommeille en vous. À déguster avec une bouteille de bonne vodka frappée.

Le roman s’ouvre sur une citation d’Anton Tchekov, je la reprends en partie en guise de conclusion à cette chronique :

« Cette fameuse âme russe n’existe pas. Les seules choses tangibles en sont l’alcool, la nostalgie et le goût pour les courses de chevaux.« 

Retrouvez cette chronique sur le Salon Littéraire.

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