Journal d'un caféïnomane insomniaque
mardi janvier 7th 2025

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Fanchon – Jean-Claude Servais

Il y a quelque chose de Pirotte chez Servais. La mélancolie, la bière, les Ardennes, une certaine forme de poésie qui réenchante le désenchantement. Jean-Claude Servais est un nouvelliste de la bande-dessinée qui maîtrise son art à merveille. Ses personnages sont attachants, sans pathos ni caricature. Ils nous sont proches car ils respirent la sincérité. Fanchon ne déroge pas à la règle.

La belle et mystérieuse Fanchon est l’absente omniprésente de cette histoire dont elle est malgré elle l’héroïne. À l’occasion de l’enterrement de sa mère, elle revient hanter le souvenir et la vie de Séverin comme le remugle douloureux d’un temps révolu. Les deux autres gars de la bande aussi sont de retour, aux prises avec un passé qui ne passe pas. Ne manque que Fanchon. Son père ne répond pas aux questions. Elle a disparu vingt ans plus tôt, en allant à Paris tenter sa chance comme comédienne. Pas revue depuis sa fugue. Il n’en démord pas. Sans commentaire. Juste le souvenir mélancolique de la fille aimée. Les retrouvailles provoquées par le décès de la mère ressuscitent le fantôme de Fanchon, aimée et amante des trois copains d’enfance, au destin tragique à découvrir…

Servais dessine ce portrait en creux dans son style limpide et lumineux. Tout y est, l’ambiance, la sincérité, la vérité, le drame. Cette histoire n’est pas sans rappeler certaines nouvelles de Faulkner pour son univers complet, sa noirceur aussi, quoique différente, et sa mystique. Fanchon interroge le lecteur au plus profond de lui-même. Beaucoup, chacun peut-être, connait ou a vécu une histoire similaire, le tragique en moins sans doute… Mais le plus tragique ne se fonde-t’il pas sur les errements de l’âme malade d’une absence inexpliquée ? Pourtant, cette oeuvre est lumineuse dans ses couleurs et dans sa justesse, lumineuse d’intelligence. Nous quittons Fanchon empreint d’une mélancolie souriante, en sachant que nous y reviendrons.

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.

Ab hinc… 136

« Tant que les gens seront obligés d’écouter les deux côtés, il y a de l’espoir » – Stuart Mill

Dom Zauker : Santo Subito – Scénario E. Pagani / Dessin D. Caluri

Faux exorciste et véritable escroc, Dom Zauker se joue des puissants du Sud rural italien, maffia et Vatican, s’amuse de la naïveté et de la bigoterie veules de la population locale. Ami catholique, si ta Foi n’est pas suffisamment vaillante pour supporter critique virulente et blasphème, passe ton chemin, cette bande-dessinée ne t’est pas adressée.

Dans l’Italie des années 1950 (déduction faite des modèles de voitures), la corruption des élus locaux, maffieux qui ont compris qu’un élection est un investissement fort rentable pour assurer le « business », se heurte à la perversion d’un clergé, qui pédophile, qui homosexuel masochiste. Dom Zauker abuse cyniquement de la situation, jusqu’à ce que le Vatican ordonne une enquête sur ce mystérieux exorciste qui vend des reliques tachées de menstrues viriginales…

Un noir & blanc illustre cette histoire amorale, cynique et drôle, tragique aussi dans ce qu’elle nous raconte de notre société actuelle, façon fumetti neri. Pagani et Caluri révèlent dans une esthétique de roman noir l’inculture, la crédulité, la naïveté, la corruption, le vice, l’égoïsme des élites – ou de ceux qui se prétendent tels – comme du troupeau populassier qui les reconnaît comme tels en les élisant à des fonctions politiques ou en en les adoptant comme directeurs de conscience.

Un monde qui n’a de foi et de loi que les apparences…

Ab hinc… 135

« (Le) principe (du Jacobin) est un axiome de géométrie politique qui porte en soi sa propre preuve ; car, comme les axiomes de la géométrie ordinaire, il est formé par la combinaison de quelques idées simples, et son évidence s’impose du premier coup à tout esprit qui pense ensemble les deux termes dont il est l’assemblage. L’homme en général, les droits de l’homme, le contrat social, la liberté, l’égalité, la raison, la nature, le peuple, les tyrans, voilà ces notions élémentaires (…). Dès qu’elles se sont assemblées en lui, elles deviennent pour lui un axiome qu’il applique à l’instant, tout entier, en toute occasion et à outrance. Des hommes réels, nul souci : il ne les voit pas ; il n’a pas besoin de les voir ; les yeux clos, il impose son moule à la matière humaine qu’il pétrit (…). »

Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine. La Révolution. Livre premier : Les Jacobins, chap. 1;III

Ab hinc… 134

« Le Prince qui ne peut gouverner sa maison,

Sa femme, ses enfants et son bien domestique,

Ne saurait gouverner une grande République. »

Ronsard

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