Journal d'un caféïnomane insomniaque
lundi novembre 25th 2024

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Ce qui est valable pour Charlie doit l’être aussi pour Marsault

Défense de Marsault

    Est-il bien raisonnable dans la folie anastasienne1 de notre temps de le confesser ? J’aime Marsault. Malgré les grincheux, par-delà les polémiques vaines – qui n’eussent pas même existé si Marsault pointait coco ou trotsko… J’ai découvert cet auteur de bandes-dessinées grâce à un réseau dit-social que j’ai déserté depuis. C’était avant les crises d’hystérie. Sur ce point, je n’aurai qu’une réflexion, un simple constat : dans la France de 2019, Patrie des Droits de l’Homme, du débat démocratique et de la libre expression, si une provocation émane de la gauche ou de l’extrême-gauche, elle est innovante, décalée, joyeuse, progressiste, bref, si vous ne la trouvez pas drôle, que vous vous sentez insulté ou êtes choqué, vous êtes à n’en pas douter un fasciste réactionnaire qui fait le jeu de qui-on-sait ; issue de l’autre bord, c’est le festival de cris d’orfraies, no pasaran et lutte contre un fâchisme fâcheux, de pacotille par surcroît, comme l’a si bien écrit Pasolini2.

Personne n’est obligé d’apprécier Marsault, ni son dessin, ni son humour, ni ses idées. De là à vouloir lui détruire les mains à la masse pour l’empêcher de dessiner3 ou faire feu de tout bois à la moindre opportunité d’abuser du droit pour le censurer et le faire taire, il y a un pas que seuls les démocratolâtres4 de la Gôgauche5 bien-pensante franchissent. Ceux-là se revendiquent pour la liberté d’expression, qu’ils défendent avec vigueur – et non sans brio pour quelques-uns – mais leur liberté d’expression est bornée par leur logiciel idéologique. Hors de ceux qui pensent comme eux, point de salut. Juste un ennemi à abattre, à détruire, à éradiquer comme une vulgaire mauvaise herbe au jardin. Sauf que dans la nature, les mauvaises herbes ont, elles aussi, leur place et leur utilité…

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Marsault est droitard et ne s’en cache pas, quoiqu’il reste libre et ne s’affiche pas militant. Il aime la virilité et l’humour trash, son personnage d’Eugène6 en étant la breum démonstration, l’expression gaillarde pour ne pas dire couillue. Marsault a la critique acerbe (Charlie Hebdo aussi, par parenthèse) ; c’est de bonne guerre – et intrinsèque à une saine démocratie, soit précisé en passant… Les idées féministes devenues folles, les délires de genre, les donneurs de leçon confortablement installés à l’abri de ce qu’ils promeuvent pour la populace, tous en prennent pour leur grade… en caricature et en dessins ! Il n’y a pas là un programme politique ou la promotion d’un candidat « fâsssssiste » ou populiste. Et quand bien même ! Nous admettons bien des partis de diverses obédiences communistes. En terme de morts, le communisme est déclaré vainqueur par K.O., sans conteste possible. Comme le disait l’Oncle Jo (Staline), un mort c’est tragique, un million de morts, c’est anecdotique. Une belle philosophie de donneurs de leçon, en vérité !

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La lecture de Marsault est une catharsis qui aide à supporter l’abjecte déchéance consumériste et utilitariste de l’Occident (et donc de la France), méprisant la nature et les Hommes au service d’un individualisme droit-de-l’hommiste forcené que rien ne semble devoir limiter. Tout au nom du Bien et du droit au Bonheur. Qui peut être contre le Bien et le droit au Bonheur ? Aucun abruti au cerveau lavé par la destruction de l’enseignement de la langue, des lettres et de l’histoire, sacrifié sur l’autel de l’idéologie progressiste et de l’employabilité sonnante et trébuchante à court terme. Restent quelques réfractaires, de gauche (Onfray, Michéa, Debray…) comme de droite (Obertone, de Benoist, de Cessole…), d’une grande diversité idéologique et d’expression mais qui partagent cet objectif, ce combat, de remettre les pieds sur terre à une société occidentale devenue folle de ses aveuglements idéologiques et des dénis de réalité conséquents…

Avec son dessin aussi drôle (donc violent) que trash, Marsault participe de ce retour du réel dans le monde bisounours des sectateurs du politiquement correct et de l’humour à sens unique. C’est bien cela qu’on lui reproche. C’est pour cela qu’on veut le faire taire. Et c’est pour cela que je le défends. Pour cela et parce que, dans ma faiblesse, je crois – encore – que la démocratie reste le pire des régimes (à l’exception de tous les autres, c’est entendu), et que la censure devrait se limiter à la diffamation, la provocation au meurtre et la vie privée. Marsault n’est concerné par aucun de ces motifs, seuls légitimes selon moi.

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Avant les attentats qui ont ensanglanté la rédaction de Charlie Hebdo, il y avait eu les menaces, sans réactions notables ; après les menaces, les locaux ont été détruits par un jet criminel d’engin incendiaire, donnant lieu à quelques réactions indignées mais surtout à une pétition affligeante intitulée « Pour la liberté d’expression et contre le soutien à Charlie Hebdo ». Il aura fallu que le sang coule pour connaître un réveil. Après les attentats lâches et ignobles commis par des êtres qui – comme leurs soutiens politiques, idéologiques et de toute autre nature – ne méritent pas d’autres qualificatifs, si ce n’est celui d’assassins, j’étais Charlie, et j’ai écrit ce que j’avais à écrire7, avec toutes les maladresses d’usage. J’étais Charlie, je suis toujours Charlie, et à présent, parce que je suis Charlie, je suis Marsault.

Breum lecture !

Philippe Rubempré

Le commerce de ciseaux semble toujours promis à un avenir florissant. Quel changement depuis le procureur Pinard et ses réquisitoires contre Flaubert et Baudelaire ? https://fr.wiktionary.org/wiki/ciseaux_d%E2%80%99Anastasie

2« Une bonne partie de l’antifascisme d’aujourd’hui, ou du moins ce qu’on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique qui ne peut plus faire peur à personne. C’est en sorte un antifascisme de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la société de consommation, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple. » Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires

4 « Être moralisateur n’est rien d’autre que cela : assigner à autrui le soin de faire ce que l’on ne fait pas soi-même. » – Jean-Louis Vullierme, Le Nazisme dans la civilisation, miroir de l’Occident, L’Artilleur, octobre 2018

5La Gauche, vaste et diversifié courant idéologique se caractérisant par la foi dans le progrès de la nature humaine, ne saurait être confondue avec cette triste caricature qui n’est pas à la hauteur de cette histoire politique.

6BREUM, 3 tomes parus, éditions RING.

7Charlie, Michel, Éric et les autres, Librairtaire.fr, 19 janvier 2015.

Lectures décembre

  • Sacrifice – Richard Millet & Silva Seova
  • L’homme, cet inconnu – Alexis Carrel
  • Génération Pilote – Jacques Pessis
  • Carnets de guerre. Journal satirique – Papacito
  • Hell’s Angels – Hunter S. Thompson
  • La France de Jean Yanne – Dominique de Roux
  • Breum #1 Attention ça va piquer – Marsault
  • Breum #2 Blindage et liberté – Marsault
  • Breum #3 C’est pas la taille qui compte – Marsault
  • La Horde du Contrevent – Alain Damasio

Tais-toi quand tu écris ! – Thomas Morales

Les tribulations d’un chroniqueur

    Tout comme le beaujolais nouveau si cher à René Fallet, il est des chroniqueurs dont le cru annuel est attendu ! Thomas Morales est de ceux-là. Tais-toi quand tu écris ! Les tribulations d’un chroniqueur vient agrandir la famille après Adios en 2016 et Un patachon dans la mondialisation en 2017, tous trois publiés chez Pierre-Guillaume de Roux.

Fidèle à ses amours, Thomas Morales a le chic pour partager ses auteurs fétiches comme ses découvertes ; il sait nous emmener en voyage dans ses rutilantes carrosseries, non sans assurer la bande originale avec un goût sûr. Ce prince de la nostalgie joyeuse nous invite aussi au cinéma – pas dans ces complexes froids et déshumanisés perdus au fin fond d’une quelconque zone grise et commerciale, non ; au vrai cinéma, dans une petite rue au centre-ville, velours cramoisi, ouvreuses et tutti quanti… – en compagnie des Mylène Demongeot, Sophia Loren et autres  présences enchanteresses, des Maurice Ronet, Alain Delon ou Belmondo, ces acteurs de légende, d’une facture hélas oubliée aujourd’hui.

Le millésime 2018 embouteille les vendanges 2017. Entre un hommage au sous-estimé Georges Lautner et une critique drolatique du phénomène « Rentrée littéraire », Morales nous surprend et nous convie à une balade sylvestre et gourmande, à la cueillette des champignons. Lire Morales, c’est s’aventurer dans les chemins de traverse à la recherche de pépites qu’on se transmet entre initiés. C’est embarquer dans quelque bagnole de collection, partir là où aucune Anne Hidalgo ne pourra les interdire. C’est aussi découvrir ou redécouvrir des écrivains, chanteurs, acteurs, cinéastes qui nous aident à supporter au quotidien la morosité du temps. Un rayon de soleil dans la grisaille contemporaine, une cuiller de miel pour adoucir l’amère tisane macronienne.

Le Morales nouveau est arrivé, à déguster en bonne compagnie, par exemple avec un saint-amour, ce beaujolais qui n’a pas goût de banane et qui se marie si bien avec une gibelotte (de saison) ou un bon bouquin.

Philippe Rubempré

Thomas Morales, Tais-toi quand tu écris ! , Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018, 239 pages.

Poèmes luxurieux de la Venise du XVIIIe – Baffo

    Excellente idée de l’Archange Minotaure de publier ces poèmes dédiés par leur auteur « Aux Hommes et aux Femmes de belle humeur« , où l’on ne parle « (…) seulement de choses belles, réjouissantes et bonnes, / De choses déliciosissimes, à savoir : / De Bouches, Tétons Culs, Pines et Moniches« . Chez Baffo, l’érotisme est la politesse du désespoir, de la gourmandise en vers ; Baffo élève l’obscénité au rang de poésie. Cette bacchanale vénitienne offre un carnaval digne de la Cité des Doges, savant coquetèle de drôleries et de mots crus, et pourtant d’une grâce sublime.

Présenté et illustré par Michèle Teysseyre, quatrième de couverture signée Guillaume Apollinaire, un fin connaisseur de la littérature de genre, ce beau livre est à mettre entre les mains averties des amateurs des plaisirs de la route, de la bagatelle et de la langue voluptueuse.

Philippe Rubempré

Baffo, Poèmes luxurieux de la Venise du XVIIIe, présenté et illustré par Michèle Teysseyre, L’Archange Minotaure, Édition limitée, 2008, 77 pages.

Lectures novembre

  • Le livre interdit. Le silence de Joseph Kessel – Georges Walter
  • Comment massacrer efficacement une maison de campagne en dix-huit leçons – Renaud Camus
  • L’idée fixe – Ortensia Visconti
  • La châtelaine du Liban – Pierre Benoît
  • Les marchands de nouvelles. Essai sur les pulsions totalitaires des médias – Ingrid Riocreux
  • Les lauriers du lac de Constance – Marie Chaix
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