Journal d'un caféïnomane insomniaque
samedi juillet 27th 2024

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Kiki de Montparnasse – CATEL & BOQUET

Une légende de Montparnasse, une égérie des années folles, un hymne à la liberté de la femme et à la liberté tout court. Un dessin noir & blanc d’une sobriété bienvenue, se posant en oxymore face au sujet de la BD. Une histoire vraie, documentée, bibliographiée, portraitisée, multi-portraitisée…

Et en plus c’est remarquablement scénarisé. Les 368 pages se dévorent littéralement. À travers la merveilleuse vie de Kiki, on croise Cocteau et Man Ray, Breton et Hemingway, on mange Chez Rosalie et on termine la soirée au Boeuf sur le toit

Kiki, Alice Prin de son vrai nom, élevée par sa grand-mère en banlieue, va devenir modèle par accident. De peintres en amants, de concerts en expositions personnelles, de livres de mémoires en déchéance, au fil des litrons de jaja et des lignes de çakébon, on plonge littéralement dans le parcours de celle que Man Ray a immortalisé dans sa célèbre photo intitulée Le violon d’Ingres. Kiki incarne à elle seule le Montparnasse des années d’Entre-Deux Guerres. Derrière elle se battent tout les peintres, écrivains, acteurs, Français, Américains, Russes et même Japonais qui coloraient Montparnasse à la manière d’un Kandinski.

L’histoire d’une femme libre avant l’heure, qui a choisit délibérément de préférer sa liberté face aux lois, à la morale, à la médecine, à la « bonne éducation ». Jusqu’à la mort.

Sa devise aurait put être « vivre libre ou mourir », sa vie fut libre et elle est morte.

Un  personnage extraordinaire (au sens propre du terme) dans une époque artistique foisonnante et  politique agitée. Une bande-dessinée juste, qui se distingue parmi les flots de l’édition bédéïque contemporaine par sa qualité, par son fond et par sa forme.

Sans en remettre une couche, lisez-le, vous ne le regretterez pas, et sans doute comme moi vous en tirerez quelques leçons à votre profit (et par voie de conséquence, à celui de vos proches).

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.

Histoire de l’art – Ernst H. GOMBRICH

Si tous les historiens d’art pouvaient être aussi passionnés, clairs, précis dans la concision et agréables à lire que le sieur Gombrich, la fréquentation des musées exploserait de manière exponentielle et ingérable !

Il est difficile de chroniquer (et non critiquer) un ouvrage majeur, dit de référence, autant comblé d’éloges, sans avoir l’air d’un béni oui-oui qui répète gentiment ce qu’il a lu sur la quatrième de couverture de l’ouvrage. Et pourtant, le jeu du Librairtaire n’est en rien intéressant s’il n’est pas sincère. La sincérité est son seul et unique cachet.

Je vous confirme donc avec joie le grand plaisir – et la jubilation par moment – que j’ai éprouvé(s) à lire cette histoire de l’art en passe de devenir légendaire.
Pour le reste, de la préface à la conclusion, tout est dit, raconté, démontré, expliqué par Gombrich, qui nous transmet avec un bonheur évident sa passion et les bases de la compréhension de l’art, de son évolution et des clés de lectures des oeuvres.

Hélène Bruller est une vraie salope

Dessin – Scénario : Hélène BRULLER

Et si c’était vrai ? Pour le savoir, déguster cette bande-dessinée hilarante ! Alternant les pages sur son histoire et une tentative de classification des comportements humains au fil de son histoire, Hélène Bruller raconte son largage en haute montagne avec toutes les phases conséquentes (déprime, larmes, vengeance…) jusqu’à une nouvelle rencontre et plus si affinités.

Le dessin est brut et féminin. L’auteur a une étonnante capacité à tordre les visages pour mettre en valeur un état ou un sentiment, rappelant en ce sens Egon Schiele ou encore un certain art de l’anamorphose.

Cette BD est brillante, délirante, vache et drôle, parce que juste. Hélène Bruller est une vraie salope. Hélène Bruller sait aussi mettre le doigt là où ça fait mal et ça nous faire rire. C’est d’autant plus intéressant que tout un chacun a connu, du côté masculin ou féminin, ces situations.

Humour, dérision et auto-dérision pour une réflexion sur notre condition d’être aimant.

Vent des Savanes - Albin Michel

Les Cosaques – Lev Nikolaïevitch TOLSTOÏ

L’âme russe ! Ah, l’âme russe…

Un roman de l’âme russe, que nous pourrions qualifier de manière abusivement anachronique de « naturalisme soviétique » – en référence à Zola et au mouvement pictural du réalisme soviétique.

Cette histoire d’Hommes se déroule dans le Caucase, dont la nature est rendue perceptible à vos sens par la grâce et la magie de la plume de Tolstoï. Une histoire qui en rappelle une autre quelques 150 ans plus tard, sur le même théâtre d’opération (Tchétchénie & Dagestan). Une opération de pacification déjà.

Une histoire d’amour, aussi. Amour impossible. Une histoire tragique où la mort vient contrecarrer la perspective du bonheur.

Bref, vous l’aurez compris, une histoire russe.

A lire pour la plume de Tolstoï,
A lire pour l’extraordinaire nature du Caucase,
A lire pour plonger dans l’âme russe, et si possible en conserver un petit morceau…

Rhum – Blaise CENDRARS

Rhum… ou la vie de Jean Galmot, journaliste, écrivain, industriel, député de la Guyane, présumé corrompu dans ce qui fut dans les années 1920 la célèbre affaire des rhums (toute ressemblance avec une actualité sinistre étant purement involontaire).

Cendrars a suivi cette affaire Galmot (et oui il a vraiment existé l’huluberlu !) et en a tiré un roman comme on pose un acte politique. Il est effarant de constater que les conflits d’intérêts, la chasse à l’homme, les fuites judiciaires, l’acharnement médiatiques sont toujours d’actualité. Criants d’actualité. Sans prendre parti pour les uns tout en critiquant les autres, Cendrars dévoile la mécanique implacable d’un système dit républicain pour se débarrasser d’un gêneur. On pourrait croire que c’est inventé. Vérifications d’usage effectuées, il n’en est rien et le plus triste, c’est que même quand c’est finit, ça recommence…

Le texte est nerveux. La prose de Cendrars est précise, tranchante, exacte. Rien de superflu, rien de manquant. L’auteur joue merveilleusement avec les pièces du dossier, n’hésitant pas à les citer et à couper son texte. Le rythme n’en est pas pour autant affecté, au contraire.

Un roman brillant, du point de vue littéraire, du point de vue politique (je répugne à user du terme de « morale politique », la politique est amorale par essence, et on peut toujours jouer du cornet à piston devant la tour Eiffel en s’imaginant qu’elle va danser la samba – expression empruntée à Hergé, elle restera ce qu’elle est), et du point de vue du bovaryste. Rhum se dévore comme un roman d’aventures formidables ; tout y est, le journalisme, la jungle, les colonies, les affaires, les méchants, les bons & les traitres, les faux-semblants… et l’identification au personnage fonctionne.

Bovarysme ou syndrome de Stockholm ? A vous de le dire…

un roman de 1930 brûlant d'actualité !

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